Homélie pour la fête du Baptême du Seigneur à l’occasion de l’installation de l’Espace missionnaire Ardennes-Sud, dimanche 12 janvier 2020 - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Homélie pour la fête du Baptême du Seigneur à l’occasion de l’installation de l’Espace missionnaire Ardennes-Sud, dimanche 12 janvier 2020

Homélie pour la fête du Baptême du Seigneur, année A, le dimanche 12 janvier 2020, en l’église Saint-Nicolas de Rethel, institution de l’Espace missionnaire et installation de l’équipe pastorale.

« Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie. » Déjà, dimanche dernier, saint Matthieu nous faisait partager la « très grande joie » des mages lorsque, sortant de Jérusalem, ils avaient vu l’étoile qui les avait guidés s’arrêter au-dessus de la maison où se trouvait l’enfant. Alors que nous instituons le dispositif pastoral nouveau de notre diocèse partagé en « Espaces missionnaires » et que nous installons, au long de ces dimanches de janvier, les équipes pastorales qui y sont envoyées, je reçois comme une indication du ciel que les évangiles nous appellent à la joie : joie des mages, joie du Père, qui sont mentionnées pour que nous osions y prendre part. Certains d’entre vous, certainement, – je pense spécialement aux habitants de la région de Vouziers et de l’Argonne ou de la Thiérache la plus lointaine-, portent au cœur de la tristesse, peut-être même, malgré eux, de la colère, en se voyant si mal honorés dans ce dispositif. Je les comprends tout à fait.

 Pourtant, l’Évangile nous invite avant tout à contempler la joie du Père devant Jésus, son Fils bien-aimé qui remonte de sa plongée dans l’eau sous la main de Jean le Baptiste et sur qui l’Esprit-Saint descend dans sa plénitude. En ce jour, il nous est offert de découvrir qu’il y a en Dieu de la joie : joie du Père dans son Fils à qui il se donne tout entier et joie du Fils qui se reçoit du Père et lui retourne tout son être en action de grâce, dans une surabondance qui est scellée dans l’Esprit-Saint. Mais il nous est offert aussi de contempler que Dieu trouve sa joie en notre humanité. Comment Dieu pourrait-il être satisfait en regardant sa création ? Tant de violences, tant d’injustices, tant d’opacité les unes par rapport aux autres habitent ses créatures. La beauté de la nature, la splendeur de certains paysages, l’élégance ou la force de certains animaux, l’ingéniosité de l’homme et même les actions bonnes dont les êtres humains sont capables peuvent-elles suffire à rattraper la somme des drames et des souffrances, grandes ou petites, infligées ou subies au long des siècles ? Qui pourrait supporter un pareil calcul ? Cependant, ce jour-là, le Créateur n’est que joie parce que celui qu’il a envoyé s’engage pleinement dans notre humanité et accepte de prendre sur lui la destinée spirituelle de tous les êtres humains. Depuis sa naissance, depuis une trentaine d’années, Jésus est un homme parmi les autres, connu seulement de sa famille et de ses amis comme l’immense majorité des êtres humains ; ce jour-là, venant au baptême « pour accomplir toute justice », il se met parmi les pécheurs, non pour en devenir un, mais parce qu’il n’a pas honte de se faire notre frère et cela afin de nous tirer avec lui, hors de la nuit du péché, vers la lumière et la vie en plénitude. Lors de notre baptême à chacun, Dieu le Père a donc prononcé sur chacun de nous, sur chacun de vous, sur moi, cette même parole : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui je trouve ma joie ».

Parce que nous sommes pris par Jésus, unis à lui, inclus en lui, nous pouvons donner de la joie à Dieu le Père. Nous pouvons accueillir l’Esprit-Saint en sa plénitude – c’est ce que nous faisons dans le sacrement de la confirmation que j’ai eu la joie de célébrer ici en décembre et que je célèbrerai pour 9 jeunes à Monthois le 15 mars prochain-, l’Esprit qui habite notre intelligence, notre volonté, notre mémoire pour que nous puissions dans notre vie la plus ordinaire comme dans les décisions les plus engageantes, vivre en fils bien-aimés et en filles bien-aimées du Père, capable de lui procurer de la joie. D’où viendrait cette joie ? Saint Pierre l’a proclamé pour nous à Césarée, à propos de Jésus : « Là où il passait, il faisait le bien et guérissait tous ceux qui étaient sous le pouvoir du diable. » Nous réjouissons le Père chaque fois que nous faisons du bien aux autres, en particulier lorsque nous renonçons nous-mêmes à la colère, la jalousie, la division, œuvres du diable, et aidons avec humilité les autres à en sortir, pour entrer dans une relation nouvelle les uns avec les autres. Parce que Jésus est descendu dans le Jourdain pour se laisser baptiser par Jean, et parce que Jean a accepté de baptiser Jésus, et parce que Jésus est remonté de l’eau, annonçant sa remontée de la mort et des enfers, l’existence humaine n’a plus pour horizon la mort et l’usure de toute chose et la jalousie entre les humains et la peur devant Dieu ; l’existence humaine peut avoir pour horizon la lumière, la liberté, la communion entre tous les êtres, la recherche de l’unité et de la vérité et de la liberté, le pardon et la réconciliation, la vie qui se reçoit et qui se donne dans un émerveillement toujours renouvelé.

Frères et sœurs, notre projet pastoral diminue le nombre des messes dominicales célébrées dans notre diocèse. Plus exactement, il fixe le nombre et le lieu des messes dominicales que nous nous engageons à célébrer chaque dimanche matin de toute l’année. Ce nombre est à la mesure de nos forces : 11 lieux eucharistiques plus nos quatre monastères féminins pour tout le diocèse, de la Marne à Givet, de Fismes à la Meuse vers Stenay. En ces lieux eucharistiques, nous ne trouverons pas seulement la Messe mais ce qui prépare à la messe ou ce qui en déploie les fruits. Car le Seigneur n’est pas descendu jusqu’à nous, il n’a pas vécu trente ans de vie cachée, il ne s’est pas donné tout entier dans sa mission publique jusqu’à la mort sur la croix et la résurrection, pour que l’Eucharistie, où il vient à nous pour être à chacun de nous, dure soixante minutes tout compris, mais pour que l’Eucharistie qu’il nous partage et qu’il nous ouvre nous unisse à lui et à son Père par la force de l’Esprit-Saint et nous unisse aussi les uns aux autres dans une communion dont rien de terrestre ne donne tout à fait l’idée.

Puisqu’il nous unit à lui, puisqu’il nous prend avec lui et nous permet de nous réclamer de lui, il nous envoie nous aussi vers les autres, de sorte que l’on puisse dire de chacun de nous : « Là où il passait, il faisait le bien ». Nous n’en avons peut-être pas le monopole. Des hommes et des femmes non chrétiens, non croyants, peuvent sans doute faire le bien, grâce à Dieu. Mais à nous il est donné de faire du bien selon Dieu, non pas à notre mesure seulement mais selon la mesure de Dieu, et il nous est donné aussi que le peu de bien que nous pouvons faire, à travers nos limites et nos opacités, soit repris par le Christ et en lui, et y trouve son plein déploiement. Nous pouvons oser aller les uns vers les autres avec plus d’intensité que ce que les relations sociales nous imposent, parce que même nos maladresses sont reprises en lui et par lui. Voilà le sens des missions itinérantes que vont vivre parmi vous et avec vous, si vous le voulez bien, les prêtres et les diacres et les laïcs missionnés : aller de village en village pour passer en faisant le bien de Jésus au milieu de vous et pour vous et pour tous ceux qui accepteront de se laisser approcher ainsi. Voilà aussi pourquoi nous vous proposons de vivre votre vie chrétienne en « fraternités de proximité » : pour que nous apprenions toujours davantage à vivre en regardant l’autre comme un fils ou une fille de Dieu en qui le Père trouve sa joie. Seul Jésus nous offre de mener ainsi notre existence, nous remettant toujours sur cette route-là lorsque nous en décrochons, nous fortifiant, nous nourrissant pour que nous y avancions d’un pas toujours plus décidé.

Plus que jamais, nous pouvons et nous devons aller vers celles et ceux qui nous entourent, que nous les connaissions bien ou que nous ne les connaissions que peu, que nous ayons envie de les connaître ou que nous nous en passions bien, pour recevoir d’eux ce que Dieu en eux a préparé pour nous et pour leur apporter ce que Dieu a déposé en nous pour leur joie et pour celle de tous dans l’éternité,

Amen
Mgr Éric de Moulins-Beaufort


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