Homélie de Mgr Labille pour les obsèques du père Joseph Hannesse - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 10 octobre 2019

Homélie de Mgr Labille pour les obsèques du père Joseph Hannesse

La célébration des obsèques du père Joseph Hannesse, prêtre du diocèse de Reims, a eu lieu ce mercredi 9 octobre à la Cathédrale de Reims. Mgr Daniel Labille, évêque émérite résidant à Charleville-Mézières a prononcé l’homélie que voici :

Au moment où nous sommes rassemblés pour un dernier adieu à notre frère Joseph Hannesse, nous avons sans doute devant les yeux son sourire qui ne semblait jamais le quitter, nous avons dans les oreilles les cantiques en l’honneur de saint Remi que nous avons chanté dimanche et dont il avait recomposé les paroles pour mieux rejoindre la sensibilité d’aujourd’hui.

Il avait confié à Reims-Ardennes cette prière qu’il répétait chaque matin : « Si ce doit être aujourd’hui le dernier jour, fais, Seigneur que je sois prêt ». Une prière qui fait écho à la Parole de Jésus : « Restez en tenue de service, tenez-vous prêts, car c’est à l’heure où vous n’y pensez pas que le fils de l’homme viendra » (Lc 12, 40). Une parole qui nous tourne vers l’avenir, vers l’accomplissement de notre vie et aussi de notre monde. Ne redisons-nous pas chaque jour dans la prière eucharistique : « Nous attendons ta venue dans la gloire » ou bien « Nous attendons que tu viennes » ou plus simplement « Viens, Seigneur Jésus ». Il s’agit bien sûr de la venue de Jésus à la fin des temps, mais aussi de sa venue au terme de notre vie ici-bas. Joseph attendait cette venue : «La pensée de ma mort est quotidienne, mais non angoissante pour le moment, j’envisage sereinement la joie de la rencontre, enfin ».

La joie de cette rencontre, elle survient à la suite de multiples rencontres, plus fugaces, plus incertaines parfois, mais suffisantes pour nous tenir dans l’espérance et raviver notre marche en avant. Nous sommes témoins tout au long de notre vie, avec des moments de lumière et de grâce, mais aussi des moments d’aridité et de ténèbres, que le Christ ressuscité nous précède dans notre propre vie.

Joseph a commencé sa mission de prêtre auprès de jeunes garçons qui portaient en eux cette question : « Seigneur, est-ce que tu m’appelles à être prêtre ? ». C’était au temps où existait le petit séminaire de la Providence. Une mission à vivre au cas par cas, accompagner des jeunes en croissance pour les aider à discerner le chemin où le Christ les invitait à s’engager. Une pratique qui fut celle de Jésus et qui traduit en acte que chacun a du prix aux yeux de Dieu, nous sommes unique et notre vocation est la manifestation de l’amour particulier que Dieu nous porte, nous sommes aimés de Dieu, chacun  pour ce que nous sommes et pour ce que nous sommes appelés à devenir. Joseph était là, avec sa lampe allumée, à révéler les signes de la proximité amoureuse de Dieu pour ces adolescents en recherche.

Joseph a été envoyé comme prêtre « fidei donum » au Brésil, dans le Matto Grosso, dans le diocèse de Goiás, une mission qui a marqué un tournant dans sa vie, une expérience qu’il a vécu comme une conversion, une prise de conscience plus approfondie de ce signe messianique qui révèle la présence et le salut de Jésus : « La bonne nouvelle est annoncée aux pauvres » (Mt 11, 5). A la rigueur, on veut bien aider les pauvres, leur partager un peu de nos biens et même travailler à un monde plus juste pour qu’ils aient toute leur place sur cette terre, cette tâche nous la partageons avec beaucoup d’hommes et de femmes de bonne volonté, engagés avec nous dans de multiples associations caritatives ou humanitaires.

Mais Joseph a été questionné par cette parole de son évêque brésilien : « L’Eglise n’est pas pour les pauvres, ce sont les pauvres qui constituent l’Eglise ». De fait dans l’Evangile, Jésus manifeste et entreprend son œuvre de salut à partir des pauvres. Le mystère de Dieu se dévoile dans la préférence donnée aux pauvres, cela nous oblige à nous porter aux périphéries, comme dit le Pape François, les pauvres sont le critère à partir duquel se font les choix pastoraux de l’Eglise. Notre relation aux pauvres n’est pas une conséquence mais une condition pour rencontrer Dieu. La réalité de notre rapport à Dieu est liée à la réalité de notre rapport aux pauvres. Le salut est une œuvre de grâce qui passe par le salut que nous proposons aux pauvres, car la pauvreté la plus grave, disait le Père Wrésinski, fondateur d’ATD-Quart-Monde, c’est la pauvreté spirituelle. Celle  pour ces personnes, d’ignorer que Dieu les aime, que Dieu aime d’abord celles et ceux que la société ignore ou laisse au bord de la route, celles et ceux qui sont marginalisés, chez qui nous sommes invités à reconnaître le visage de Jésus. Au Brésil, Joseph a découvert non pas une Eglise pour les pauvres, mais une Eglise avec les pauvres, une Eglise où les pauvres ont toute leur place et sont associées aux décisions pastorales.

Joseph nous disait à son retour : « Je suis imprégné par ce que j’ai appris au Brésil et c’est avec une équipe d’animation pastorale élue que j’ai voulu travailler ». Cela nous ramène à l’actualité, celle de toute l’Eglise avec le synode pour l’Amazonie qui est une région emblématique du sort  que notre civilisation  réserve aux pauvres, c’est aussi l’actualité de notre diocèse où nous nous engageons sur des chemins renouvelés pour proposer l’Evangile. Il me semble que Joseph, en quelque sorte, nous précède sur ces chemins.  

Au moment de nous séparer de notre frère Joseph, et pour entrer toujours davantage dans cette mission, nous faisons aussi nôtres les conseils de Paul à Timothée, ceux que Joseph a mis en œuvre durant toute sa vie et dont il a témoigné au petit séminaire comme au quartier saint Paul, à la basilique saint Remi comme au Brésil, à la cathédrale de Reims comme à Gueux et  à la maison Nicolas Roland : «Applique-toi à lire les Ecritures aux fidèles, à les encourager et à les instruire. Ne néglige pas le don de la grâce en toi » (1 Tm 4, 13-14). Le départ de Joseph nous provoque à nouveaux frais à  ne pas négliger la grâce de notre ordination, de notre confirmation, de notre baptême. Il a  été témoin au milieu de nous des fruits de cette grâce. Sachons aussi rendre grâce pour tout ce que Dieu nous a manifesté de sa miséricorde à travers la vie et le service de notre frère Joseph Hannesse.


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