Homélies pour le dimanche des Rameaux - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 12 avril 2022

Homélies pour le dimanche des Rameaux

Homélies pour le dimanche des Rameaux, année C, le 10 avril 2022, en la cathédrale Notre-Dame de Reims

Après la proclamation de l’évangile des Rameaux

Celui qui entre dans Jérusalem ce jour-là est le seul qui puisse être le Seigneur des humains. Il est le seul dont la seigneurie puisse s’exercer légitimement sur notre liberté profonde.

Selon les époques, selon les lieux, les sociétés humaines se donnent des rois, des chefs, des responsables ; les humains se donnent des maîtres à penser, des modèles dans leurs activités professionnelles ou sociales, des inspirateurs qu’ils admirent et qu’ils cherchent à imiter. Mais le cœur du cœur de l’être humain, le lieu où se forment nos pensées et se décident nos actes doit échapper à toutes ces autorités. Elles ne doivent y entrer qu’avec notre consentement express, si du moins elles entendent respecter la vérité de notre humanité, ne pas nous transformer, pour nous conduire, en objets privés de liberté. Chaque fois qu’un être humain exerce une emprise sur un autre, il abîme la liberté de celui-là ou de celle-là et ce sont de graves dégâts.

Jésus, lui, qui entre dans la ville non pour la soumettre mais pour se livrer pour elle, lui qui veut rejoindre nos libertés non pour les subjuguer mais parce qu’il est envoyé par le Père et ne veut que les tourner vers le Père, lui peut être le Seigneur et le Sauveur de nos âmes. C’est pourquoi il a besoin d’un petit âne que personne jamais n’a encore monté, un petit ânon près de sa mère.

L’autorité de l’empire romain s’exerce sur les Juifs de ce temps  mais elle ne peut atteindre leur âme; ainsi en va-t-il pour nous de toute autorité politique : nous voulons être des citoyens exemplaires, nous entendons faire le mieux possible et mieux que ce qui est demandé dans le sens de ce qui est demandé, mais nous ne le faisons pas parce que c’est la loi, mais parce que c’est bien, c’est beau, c’est bon, nous cherchons à le faire surtout parce que cela répond à l’appel du Seigneur et à l’exemple qu’il nous donne. L’autorité des grands prêtres et des scribes mérite d’être suivie, il convient de vivre les actes religieux comme ils les décrivent, mais la valeur de ces actes ne vient pas de ce qu’ils sont obéissance au grand-prêtre mais qu’ils soient expression de l’amour pour Dieu et pour le prochain. On peut être séduit, mobilisé, par un grand écrivain, un puissant poète, cela est juste et bon, mais la détermination ultime de notre vie, sa beauté intrinsèque, ne vient pas de son appartenance à tel code esthétique ou culturel, elle vient du regard porté, le sachant ou pas, sur le corps de Jésus crucifié. Suscite-t-il en nous l’indifférence, le mépris, la colère, ou bien nous porte-t-il à nous interroger sur nous-mêmes et à changer de vie ?

Disons que l’ânesse symbolise notre corps social, politique, culturel ; l’ânon que nul n’a encore monté, signifie, lui, notre esprit, le centre de notre âme, le lieu d’où monte notre consentement à l’être ou notre refus, ou notre esquive.

Frères et sœurs, en ce jour d’élections, nous nous souvenons que nous n’avons pas à choisir un Messie, un Sauveur, mais un ou une responsable politique chargé de nous conduire ensemble dans un monde rempli d’incertitudes que lui-même ne maîtrise pas, une ou un responsable politique qui puisse donner ne forme concrète à notre décision de vivre ensemble en paix. Mais, ici, en notre cathédrale, en ce jour, celui que nous acclamons est le Seigneur de nos âmes, celui que nous voulons accueillir au plus intime de notre liberté, parce qu’il vient du Père et nous conduit vers lui, parce que, lui, peut nous aider à repérer notre péché et nous en libérer, parce que lui nous conduit vers l’unité de l’humanité entière, vers le renouvellement de l’alliance originelle et l’anticipation de la communion éternelle. Il est celui que la création entière attend, que même les minéraux acclameraient si nous ne le faisions pas. Nous voulons ce matin ensemble le célébrer. Les jeunes de la Maîtrise, selon l’antique coutume de notre cathédrale, vont le chanter à la suite des fils et des filles des Hébreux. Joignons nos voix aux leurs et montons vers l’autel.

                                                                                                                   Amen.

Après la lecture de l’évangile de la Passion

« C’est que le Seigneur en a besoin » : ainsi les disciples envoyés par Jésus devaient-ils justifier l’emprunt du petit âne à Bethphagé. Jésus s’avance seul dans la Passion. Les disciples se sont évaporés, les apôtres se sont enfuis, Pierre l’a renié, Judas l’a trahi. Néanmoins, une des caractéristiques de l’évangile selon saint Luc est de nous rendre attentifs aux personnes qui émergent soudain, discrètement, en tout cas de manière inattendue, pour aider Jésus et prendre leur part de sa Passion : Simon de Cyrène, les femmes de Jérusalem, le bon larron, le centurion, Joseph d’Arimathie, les femmes qui assistent à la mort de Jésus en croix. Et encore : les propriétaires de l’ânesse et de l’ânon et, si nous avions lu le récit de la Passion en commençant quelques versets plus haut : ceux de la chambre haute où Jésus veut célébrer sa Pâques, l’homme à la cruche qui conduit les deux disciples envoyés à l’endroit qu’ils ont à préparer : qui les a prévenus, qui a organisé avec eux, qui a, avec eux, convenu d’un moyen de reconnaissance et d’authentification ? Ces quelques-uns sauvent l’honneur de l’humanité. Comment connaissent-ils Jésus, que savent-ils de lui ? que rend possible leur parole ou leur présence ?

Jésus entre seul dans la Passion. Le prophète Isaïe nous aide à le méditer. Il s’y avance en obéissant au Père. En hébreu et en grec, obéir, c’est écouter, écouter jusqu’au bout. Jésus va jusqu’au bout de l’écoute du Père et il nous en indique le chemin. Comme l’a proclamé saint Paul, il « n’a pas retenu comme une proie à saisir le rang qui l’égalait à Dieu », il s’est « anéanti », il « s’est humilié plus encore, obéissant jusqu’à la mort et la mort de la croix. » Il avance seul sur un tel chemin. Il lui faut y faire entrer son humanité entière, sa chair, son âme, son intelligence, sa volonté, au prix d’un effort immense dont témoigne la sueur de sang qu’il exsude. Et cependant, lui repère ce qui, venant des humains, s’approche de son acte, le rejoint sur ce chemin : « Aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis ». Lui-même a dit à ses apôtres : « J’ai désiré d’un grand désir manger cette Pâque avec vous, avant de mourir », à quelques instants du moment où ils allaient l’abandonner ; lui-même affirme à Pierre qu’il a prié pour sa foi, à quelques instants du moment où Pierre allait le renier. « C’est que le Seigneur en a besoin ». Il n’a pas besoin des réponses déplacées de ses disciples qui voudraient se battre avec des épées, il a besoin de tout ce qui nous met sur la voie d’un renoncement à nous-mêmes qui soit un service des autres.

Frères et sœurs, en cette Semaine sainte, renouvelons notre volonté de suivre Jésus, fût-ce de loin, fût-ce bien imparfaitement, fût-ce de manière intermittente. Ayons foi que lui se sert de tout pour préparer le Royaume qui vient,

                                                                                                                             Amen.


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