Homélie du 9 juin 2024, pour le 10ème dimanche du Temps ordinaire - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 10 juin 2024

Homélie du 9 juin 2024, pour le 10ème dimanche du Temps ordinaire

Homélie pour le 10ème dimanche du Temps ordinaire, année B, le 9 juin 2024, en l’église Saint-Maurille de Vouziers

Frères et sœurs, la liturgie de la Parole de ce dimanche nous oblige à regarder en face une réalité déroutante, qui peut nous déstabiliser : le message de Jésus peut être refusé, il peut susciter non seulement l’incompréhension mais même le rejet, et la personne même de Jésus peut être soupçonnée. Nous nous sommes habitués à concentrer ce que Jésus nous dit et ce qu’il est dans le double commandement de l’amour, de sorte qu’il nous ne nous attendons guère à ce qu’il suscite soupçon ou mépris ou condamnation. Et pourtant, il vaut mieux que nous regardions cela en face, parce que, dans un monde qui n’est pas unanimement chrétien, dans une société qui ne           veut plus vraiment être chrétienne ou même qui veut délibérément ne plus l’être, ces réactions-là pourraient devenir plus nombreuses, nous pourrions rencontrer une contestation plus rude que celle dont nous avons pris l’habitude. Permettez-moi d’ajouter aussitôt qu’une telle situation, de tels jugements, n’empêcheront pas forcément certains, voire même beaucoup, de vouloir devenir chrétiens. Pour comprendre cette situation possible et pour nous préparer à la vivre le mieux possible, il vaut la peine de chercher ensemble à mieux saisir ce que saint Marc raconte et de nous aider de la lumière des deux autres lectures.

Je vous invite à relire le début de l’évangile, les trois premiers chapitres. Vous verrez comment l’évangéliste conduit son récit. Il le fait avec précision. Après une fin d’après-midi, une soirée et une nuit à Capharnaüm où Jésus enchaîne enseignements et guérisons puis quelques jours à l’écart après qu’il a purifié un lépreux, Jésus est revenu à Capharnaüm ; il y a rencontré le paralytique porté sur une civière don il pardonne les péchés avant de l’appeler à se lever et à rentrer chez lui en marchant, puis l’appel de Lévi, un publicain. Ces deux gestes déclenchent des discussions avec les scribes et les pharisiens, notamment sur le sens du sabbat, dont l’issue est que les pharisiens et les partisans d’Hérode envisagent déjà de le faire mourir. C’est alors que Jésus, d’une part élargit sa mission, d’autre part choisit et appelle les Douze. Vient alors ce que nous avons entendu : l’attrait de sa prédication paraît grand mais les siens le prennent pour fou ; les scribes l’accusent d’agir par le démon ; sa mère et ses frères veulent le récupérer et nous avons entendu la réponse qu’il leur fait.

Que fait Jésus ? Il ouvre le temps du Royaume ; il le fait advenir dès maintenant, dès ici-bas, dès ce temps-ci.  La maladie est vaincue, même la lèpre ou la paralysie ; plus important encore, il donne le pardon des péchés et semble promettre aux lépreux et aux paralytiques qu’ils vont reprendre place dans la communauté du peuple saint et lui-même s’associe de plus près un collecteur d’impôt, qui collabore avec les Romains. Les frontières autour de lui semblent se brouiller ; il peut accueillir quiconque vient à lui. Mais il se fait tranchant avec les scribes et les pharisiens. Eux qui tâchent de conduire le peuple d’Israël dans une observation rigoureuse ou minutieuse de la loi, se font humilier par ce Jésus qui fournit la preuve qu’il peut déclarer les péchés pardonnés, parlant au nom de Dieu, et qui met en cause l’interprétation stricte du sabbat.

Pourquoi rencontre-t-il de l’opposition ? Parce qu’il a l’air de tout rendre facile aux pécheurs. Parce qu’il ébranle un certain ordre social, qui était le fruit d’un long effort du peuple d’Israël, au prix de bien des drames, depuis le retour de déportation, de s’approprier davantage la loi de Dieu et de la laisser organiser toute son existence. Jésus a ceci de déroutant qu’il semble indiquer qu’à condition de s’approcher de lui, tout le monde, quel qu’il soit, même marqué par la maladie depuis l’enfance, même païen, même compromis avec les Romains, peut venir avoir part au Royaume. D’où la réaction de ses proches : qui est-il, celui-là, qui est l’un d’eux, pour prétendre ainsi apporter un temps nouveau dans la relation avec Dieu ? Nous l’avons entendu. Lorsque sa mère et ses frères le font appeler, il répond en s’attribuant une nouvelle famille, la famille de ceux et celles « qui font la volonté de Dieu ». Une famille dont le principe d’unité est plus exigeant, si l’on y réfléchit que la chair et le sang ; une famille qui peut englober sa mère et ses frères de sang, s’ils sont de ceux et celles « qui font la volonté de Dieu », et nous ne doutons pas que Marie en soit, et Jésus non plus sans doute, qui sait que sa mère peut se reconnaître ainsi et peut trouver dans la volonté de Dieu une source d’inspiration plus forte que les fatalités de la naissance. Remarquons encore ceci : au long des rencontres précédentes, Jésus paraît prêt à accueillir dans le Royaume quiconque. Être juif est à peine nécessaire. Cependant, au terme de la séquence, nous découvrons que le principe fondamental d’intégration n’est pas pour autant seulement le fait d’être un humain. Plus réellement, il s’agit de « faire la volonté de Dieu ».

Les scribes et les Pharisiens constatent les gestes de puissance faits par Jésus. Ils sont trop visibles. Mais ils en contestent l’origine. Pourquoi cette capacité de ce Jésus viendrait-elle de Dieu alors qu’il n’est ni un prêtre du Temple, ni un savant dans l’interprétation de la Loi de Dieu, ni un chef du peuple. Qu’il descende de David ne suffit pas à les impressionner car il y a en d’autres, ses frères notamment, et qui ne sont que des gens ordinaires dans de petits villages. D’où leur accusation que ses pouvoirs étonnants lui viennent du diable et sont donc une tromperie. Le bien qu’il semble faire cacherait un dessein mauvais, de division, de refus de Dieu, de contestation de l’œuvre du Dieu d’Israël qui a organisé le peuple et l’a doté et de lois et de chefs. Comment Jésus répond-il ? Par l’étrange parabole du royaume divisé et par l’évocation de l’homme fort qu’il faut ligoter avant de piller sa maison. Tout cela est-il clair ? Pas forcément. Mais Jésus annonce un combat, un combat qu’il mène, lui, l’homme plus fort, qui vient affaiblir le pouvoir de l’ennemi de Dieu et lui arracher un à un ceux et celles qu’il voudrait retenir captifs de la peur, de l’envie, de la colère, mais aussi du conformisme et de la paresse spirituelle.

Puis viennent les paroles impressionnantes sur tout ce qui sera pardonné aux enfants des hommes tandis que le « blasphème contre l’Esprit-Saint » « n’aura jamais de pardon ». On peut se tromper sur Jésus, on peut résister à ce qu’il dit et fait et à ce qu’il apporte. On peut voir en lui un danger et non pas le sauveur, quelqu’un qui remet en cause l’ordre social et non pas celui qui restaure et ouvre une unité nouvelle,… tout cela apporte des complications mais n’empêche pas vraiment l’œuvre de Dieu d’avancer, en contournant et en rattrapant nos refus. En revanche, qui prétendrait établir le royaume de Dieu par lui-même et non par Jésus, qui croirait que le règne de Dieu a besoin de son action et passe exclusivement par elle, celui-là non seulement se tromperait mais il déformerait l’œuvre de Dieu en en faisant son œuvre à lui. Celui-là tomberait ou tombe sous le coup de la parole du Seigneur.

Alors, frères et sœurs, ne soyons pas étonnés que l’œuvre, la prédication, la personne de Jésus rencontrent de l’opposition et même de l’hostilité. Il faut tirer les êtres humains, un par un, de l’abîme des pécheurs. Il ui faut aller nous chercher un à un. Nous pouvons servir cette œuvre, comme saint Paul l’explique dans sa deuxième lettre aux Philippiens, pour ouvrir des chemins de rencontre et de salut avec les uns et les autres et offrir même notre vieillissement comme une promesse pour l’avenir : « C’est pourquoi nous ne perdons pas courage, et même si en nous l’homme extérieur va vers sa ruine, l’homme intérieur se renouvelle de jour en jour. » Tout au long de notre vie, nous pouvons nous laisser travailler pour que notre vieillissement ne se traduise pas en racornissement mais en bienveillance, en ressentiment mais en confiance et en encouragement pour les jeunes générations, non pas en peur pour soi mais en intérêt pour les autres. Car la « volonté de Dieu »  n’est pas un catalogue de prescriptions mais l’appel à servir le bien et la vie et à servir le bien d’autrui en toutes circonstances. La « volonté de Dieu » est de nous sortir de la méfiance et de l’accusation mutuelles dont nous avons entendu dans la première lecture qu’elles étaient les conséquences immédiates du péché, mais l’espérance de Dieu que nous servions son œuvre de rassemblement, de réconciliation, de pardon et de vie. Que l’Eucharistie que nous célébrons, où Jésus se fait notre nourriture pour que nous devenions membres de son Corps, nous renouvelle intérieurement, pour que nous soyons de ceux et celles qui font la volonté de Dieu,

                                                                                              Amen


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