Homélie du samedi 23 novembre 2019 - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 27 novembre 2019

Homélie du samedi 23 novembre 2019

Homélie pour la célébration de la confirmation des lycéens du collège Saint-Joseph de Reims, le samedi 23 novembre 2019, en la basilique Saint-Remi

« Le Seigneur est le rempart de ma vie. Devant qui tremblerais-je ? ». Nous avons chanté cela avec le psalmiste. Prêtons-y attention. Qu’est-ce qui nous permet d’avancer dans la vie avec un pied sûr ? Qu’est-ce qui vous permet, jeunes gens, qu’est-ce qui vous permettra, d’entrer plus avant dans l’aventure de l’existence sans crainte ? Vous pouvez être surpris par le référence à un « rempart ». Vous ne songez pas forcément à bâtier des murs pour protéger votre existence. Mais qu’en est-il en vérité ? Vous vous rendrez compte peu à peu, peut-être est-ce fait pour certains de vous, que nous mettons beaucoup de barrières pour protéger ce que nous croyons être notre bonheur : la sécurité que procurent un bon métier et des revenus confortables ; la confiance en soi qu’assurent les diplômes et une certaine pratique du sport ; l’excitation que dispensent les plaisirs en tous genres, ceux de la séduction et ceux de l’alcool et de la drogue, parce qu’elle nous permet de vérifier notre existence. Reconnaître en Dieu « le rempart » de sa vie, c’est, paradoxalement, désarmer, renoncer à des protections qui risquent de nous enfermer, accepter de se laisser transformer au long de sa vie et conduire là où l’on n’aurait pas songé à aller. Nul, en effet, n’a vu Dieu face à face et nul ne peut mettre le Dieu vivant à son service. On peut renforcer sa vie par une cuirasse, mais celle-ci risque de devenir de plus en plus lourde et de nous étouffer ; on peut se renforcer soi-même intérieurement et avancer dans la vie avec souplesse tout en restant et même en devenant davantage soi-même. L’Esprit-Saint vous est donné en plénitude en ce jour pour qu’il vienne fortifier, purifier, dilater, de l’intérieur votre intelligence, votre mémoire, votre volonté, de sorte que vous puissiez vivre les joies et les peines de l’existence, ses opportunités et ses déceptions, non en vous raidissant mais en vous libérant ou en vous laisser libérer, pour qu’apparaisse davantage qui vous êtes en tant que fils ou filles de Dieu, porteurs de son image et de sa ressemblance. Bien sûr, la tentation existe de transformer la foi en forteresse et de faire des pratiques de la vie dans le Christ un rempart à partir duquel juger ceux et celles qui ne respectent pas ces pratiques et de se protéger de tous ceux qui voient le monde autrement que nous. Mais le sacrement de confirmation nous indique précisément que Dieu ne nous veut pas ainsi. La fidélité au Seigneur Jésus ne devrait pas se traduire par la raideur extérieure mais par un approfondissement intérieur et une ouverture du cœur à celles et ceux que nous croisons. L’Esprit-Saint, l’Esprit du Ressuscité qui a vaincu la mort et le péché, vient nous habiter si profondément que nous pouvons tenir dans la fidélité en nous laissant conduire par l’émerveillement et l’amour. Plus que les générations qui vous ont précédés, vous vivez et vous vivrez dans un monde multiple. Vous côtoierez des personnes ayant une culture différente de la vôtre, une religion autre ou sans religion, des opinions par conséquent sur la vie et la mort, le bien et le mal, différentes. Tout l’enjeu pour vous sera que ces rencontres approfondissent votre fidélité au Christ au lieu de vous noyer dans l’indifférence ou de vous enfermer dans des certitudes surarmées, tout l’enjeu sera que vous vous approfondissiez vous-mêmes dans un lien vivant et vivifiant avec le Seigneur Jésus, venu habiter notre condition d’être humain et ouvrir son cœur pour y accueillir tous et chacun.

Le psalmiste ajoute encore une manière de se représenter la vie : « J’ai demandé une chose au Seigneur, la seule que je cherche : habiter la maison du Seigneur, tous les jours de ma vie ». On peut comprendre cette demande comme celle de qui pense à être prêtre du Seigneur. Mais la maison du Seigneur est aussi notre vaste cosmos. Nous pouvons l’habiter comme s’il était notre propriété où nous sommes libres de faire ce que nous voulons ; nous pouvons l’habiter en le regardant comme la maison du Seigneur, de celui chez qui nous sommes heureux d’être accueillis et que nous voulons respecter, louer, servir, et que nous voulons aider à accueillir tous les autres. Plus exactement, la « maison du Seigneur » est la communion que nous formons par le Christ et en lui. Non pas une conjonction d’intérêts, mais une communion intérieure, par laquelle nous nous appartenons les uns les autres. L’Esprit-Saint vous est donné pour que vos actes, au long de votre vie, contribuent à édifier cette maison, renforcent l’unité entre les fidèles et, par là, entre tous les êtres humains, que Dieu espère. Saint Paul l’exprime à sa manière dans sa lettre aux chrétiens de Corinthe. Nous l’avons entendu s’émerveiller des dons variés donnés par l’Esprit à chacun. Vous savez bien, chers amis, que vous avez des compétences diverses. Un des enjeux de votre âge est précisément de déployer les siennes et de tâcher d’en acquérir de nouvelles dans la mesure du possible. Dans les équipes, en particulier, vous apprenez à combiner ces compétences pour porter un projet commun. Mais vous sentez bien aussi que saint Paul parle d’un peu autre chose. Sous la diversité des compétences, se cachent des dons plus variés encore, plus décisifs : la patience, la persévérance, la capacité d’écouter autrui, celle de décider pour soi et celle de décider pour les autres, la capacité de voir les besoins d’autrui, celle de ne pas garder rancune, celle de voir le bon côté des choses, celle de ne pas se préoccuper de posséder ou non… Sur ces dons-là plus que sur nos compétences viennent se greffer les dons de l’Esprit-Saint dont parle l’Apôtre : don de foi, de prophétie, de guérison, de miracles, d’interprétation… L’insistance de l’Apôtre est que chacun a besoin des dons des autres. L’Esprit-Saint travaille à nous rendre dépendants les uns des autres, heureux de ne pouvoir devenir le fils ou la fille que je suis devant Dieu et en Dieu qu’en recevant ce que seul un autre ou une autre peut me donner. Ainsi habitons-nous la maison du Seigneur, lorsque nous nous recevons les uns les autres comme des frères et des sœurs à aimer en vue de les aimer pour l’éternité. Vous exprimez dans vos lettres votre grand désir de faire de votre vie une chose bonne et bienfaisante. Plusieurs d’entre vous évoquent les visites que la Conférence Saint-Vincent de Paul vous permettent de faire et beaucoup souhaitent œuvrer dans des associations humanitaires. Réjouissez-vous de ne pouvoir faire le bien vraiment qu’avec d’autres, réjouissez-vous d’avoir à apprendre toujours d’un autre, de Dieu lui-même, ce que c’est qu’aimer en actes et en vérité.

Enfin, chers amis, l’Évangile nous a fait écouter quelques paroles du Seigneur Jésus. Elles proviennent de ses ultimes discours à ses apôtres, juste avant son agonie, son arrestation et sa Passion. Il évoque l’Esprit-Saint que le Père veut vous envoyer en son nom et il l’appelle le « Défenseur ». En grec, le mot est « paraclet » qui signifie aussi bien le « consolateur » que l’« avocat ». Parfois, sur la route de la vie, les autres nous font douter de nous-mêmes. Ils nous jugent sur l’écart entre ce que nous proclamons et ce que nous faisons. Parfois, nous nous décevons nous-mêmes : nous étions partis avec un bel idéal, de grands désirs, et nous rencontrons l’échec, nous ne construisons pas ce que nous avions rêvé de bâtir avec générosité et don de nous-mêmes. L’Esprit-Saint nous est donné comme Consolateur et comme Avocat. Il nous assure que la parole du Christ habite en nous plus et mieux que nous ne le sentons. Il nous promet que Dieu lui-même, le Dieu vivant, le Père qui a envoyé son Fils et ne cesse de l’envoyer avec l’Esprit, vient demeurer chez nous. Car l’Esprit-Saint nous aide à « garder » en nous la parole de Jésus, c’est-à-dire à en faire mémoire, à la laisser travailler dans les profondeurs de notre liberté, de sorte que, toujours, nous acceptions d’être mesurés et stimulés par elle.

            En ce matin, chers amis, vous vous tenez devant l’autel du Seigneur. L’Esprit-Saint va venir habiter votre personne en son centre le plus intime pour que vous meniez votre vie en fils et en filles du Père, avec force et liberté et joie. Entendez la parole que le psaume a fait retentir pour vous : « Espère, sois fort et prends courage ; espère le Seigneur ». Réjouissez-vous d’avoir à être des porteurs de lumière, de pardon, de paix, de partage, de justice au long de votre vie. Soyez-sûrs que, marchant ainsi, vous verrez « les bontés du Seigneur sur la terre des vivants »,

Amen
+ Éric de Moulins-Beaufort


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