Homélie pour l'Ordination de Maxime Labesse - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 22 juin 2021

Homélie pour l’Ordination de Maxime Labesse

Homélie de Mgr Bruno Feillet, le dimanche 20 juin à 15h30 en la Collégiale Notre-Dame de Carignan.

Il y a des moments dans la vie des hommes et des femmes où l’on se décide radicalement pour un nouveau mode de vie. On passe d’un mode d’existence à un autre, on quitte une rive pour une autre. Ce qui est sûr c’est que l’on ne peut être sur les deux rives en même temps.

Quitter le monde ancien pour un nouveau monde ne peut se faire sans un certain coût, sans certains renoncements. Même si c’est le monde ancien qui a préparé l’arrivée dans le monde nouveau, il est clair qu’il faudra vivre différemment.

Il existe cependant une continuité entre les deux mondes, c’est nous-mêmes. Et plus, encore, c’est le Christ qui nous prend sur une rive et qui nous conduit à l’autre : « passons sur l’autre rive ». Et l’Evangile que nous avons lu nous apprend que le voyage lui-même n’a pas été de tout repos.

Une tempête se lève aussi soudaine que violente. L’équipage se trouve pris au dépourvu d’autant plus que leur « capitaine » semble dormir alors que l’angoisse de la mort les étreint. « Maître, nous sommes perdus ; cela ne te fait rien ? ». C’est alors qu’il se réveille, se lève, menace la mer et le vent et voilà que tout redevient calme. Notre évangile s’achève alors sur la question de l’identité de Jésus : « qui est-il celui à qui le vent et la mer obéissent ? » Il n’y a pas de réponse immédiate. Mais on pressent que seul le Créateur de toutes choses, celui qui assigne ses limites aux fleuves et aux océans peut exiger de ses créatures d’y revenir.

Beaucoup d’entre vous, et vous Maxime en particulier avez vécu cet appel à passer sur l’autre rive. Les séminaristes doivent prendre le temps nécessaire entre la question du pourquoi pas vivre dans le célibat comme diacre puis prêtre au service de l’Eglise. C’est aujourd’hui que se concrétise la décision dans un OUI ferme et définitif, ce temps du séminaire est toujours long et rempli de petites et de grandes épreuves. Et elles ne sont pas toutes mauvaises.

Pour vous Maxime, ce fut le changement de séminaire, l’exigence des études, les expériences pastorales et d’autres encore sans doute. De telle sorte qu’en arrivant sur l’autre rive, la rive de l’engagement à vie, après la longue traversée de la formation, vous n’êtes plus tout-à-fait le même qu’au départ. Heureusement d’ailleurs sinon, cela voudrait dire que les expériences de la vie ne nous affecteraient en rien. Or, comme dit le Pape François, « un pasteur doit prendre l’odeur de ses brebis », pleurer avec celles qui sont dans la peine et se réjouir avec celles qui sont dans la joie.

Cher Maxime, c’est aujourd’hui que se concrétise votre arrivée sur l’autre rive. Tout au long du passage le Christ ne vous a pas quitté et à travers l’appel de l’Eglise c’est encore Lui qui vous appelle à le suivre et à l’imiter dans l’engagement du diaconat. J’ai été frappé, lors de notre rencontre préalable à cette ordination combien était important pour vous ce moment que vous allez vivre dans quelques instants.

Chers amis, ne croyez pas que le diaconat est comme les fiançailles. Les fiançailles sont une manière d’annoncer qu’une traversée s’annonce vers un engagement définitif, elles peuvent être rompues à tout moment si les fiancés perçoivent qu’ils ne pourront pas faire équipage tout au long de leur vie.

Le diaconat, quant à lui, est un engagement définitif. Quand bien même nous célébrons, nous les prêtres nos jubilés en lien avec le jour de notre ordination presbytérale, c’est pourtant le diaconat qui est la véritable bascule de notre vie.

Je voudrais ici, cher Maxime, revenir sur le terme d’ « engagement » que vous prenez ici. Il se distingue radicalement du « contrat » que deux personnes ou deux sociétés se promettent d’honorer. Il s’agit alors d’échanger des biens ou des services dans un délai convenu à l’avance. Mais le contrat ne porte pas d’abord sur l’identité profonde des personnes qui vont le mettre en œuvre mais bien sur le produit. Quand bien même on insiste aujourd’hui beaucoup plus sur la « Raison Sociale de l’Entreprise », sur sa « Raison d’être » ou encore sur les critères écologiques du processus de production… c’est un produit ou un service qui fait le cœur d’un contrat.

Lorsque l’on s’engage, c’est d’abord sur soi-même. Les « je le veux » et « je le promets » que vous prononcerez dans quelques instants attesteront non seulement de la mission que vous acceptez de recevoir mais aussi de l’attitude intérieure nécessaire pour accomplir cette mission. Le ministère diaconal a ceci de particulier que c’est la mission elle-même qui nourrit ce que nous sommes et c’est ce que nous sommes qui qualifie ce que nous faisons.

Ainsi, à travers l’engagement à la prière de la liturgie des heures, il ne se joue pas seulement l’obéissance à une promesse d’intercéder pour le peuple de Dieu, il se joue aussi la qualité de votre proximité au Seigneur, votre attachement au bon Pasteur en dehors duquel ni vous ni moi ne pouvons rien faire.

Ainsi, à travers la réception du livre de la Parole de Dieu, il ne s’agit pas seulement de lire un texte, mais il s’agit de le recevoir de l’Eglise, de le lire, de croire ce que vous aurez lu, d’enseigner ce que vous croirez et de vivre ce que vous aurez enseigné. Recevoir, lire, croire, enseigner et vivre. Il est bien connu que si une homélie est bien faite, c’est parce que la Parole de Dieu a aussi touché celui qui la commente.

Ainsi lors des baptêmes que vous célèbrerez, ce ne sera pas seulement le Christ qui baptisera mais bien le diacre qui dira « JE te baptise ». Et plus tard le prêtre qui dira : « Ceci est MON corps livré pour vous » ou encore « JE te pardonne tous tes péchés ». Rentrer dans les sentiments du Christ et faire sienne l’action du Seigneur Jésus est l’essence même du ministère.

Vous le voyez, vous l’entendez, dans le ministère que vous recevez aujourd’hui, il en va profondément de ce que vous êtes, de votre identité profonde et, j’espère que vous le découvrirez, de votre joie.

La grande prière d’ordination que prononcerai dans quelques instants fera mémoire des origines du ministère diaconal : pour que la justice puisse s’exercer dans le peuple de Dieu auprès des plus pauvres d’une part et pour que soit préservé le service de la prière et de l’annonce de la Parole des apôtres d’autre part, la première communauté chrétienne s’est donné trois critères pour trouver ceux qui seront dès lors associés au ministère de l’évêque : Il fallait des hommes de bonne réputation, rempli de foi et de sagesse.

Ces critères simples ne disent pas qu’il faut des gens très riches ou très vieux ou encore très intelligents. Cela devrait motiver toutes les communautés chrétiennes du diocèse pour discerner qui pourrait être appelés à servir le Christ et son Eglise, comme diacre ou comme prêtre.

Enfin, et je veux conclure par-là, l’engagement que vous prenez ne porte pas seulement sur votre être. Il s’inscrit aussi dans le temps. S’engager en vérité c’est donc dire aussi que demain vous tiendrez la parole que vous donnez aujourd’hui. L’engagement contient une dimension de fidélité qui qualifie la profondeur du geste que nous allons vivre ensemble, car à vrai dire, l’Eglise s’engage tout autant à votre égard. Je crois qu’il n’y a pas de plus grande parole humaine que de dire un oui pour la vie.

Frères et sœurs, prenons maintenant un temps de silence pour permettre à Maxime de se rassembler pour mieux s’offrir tout entier et sans réserve à la grâce de Dieu.


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