Homélie pour l’office de la Passion, le vendredi 7 avril 2023, Vendredi-Saint, en l’église Saint-Jacques de Reims - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

Tous les articles

Publié le 11 avril 2023

Homélie pour l’office de la Passion, le vendredi 7 avril 2023, Vendredi-Saint, en l’église Saint-Jacques de Reims

Homélie pour l’office de la Passion, le vendredi 7 avril 2023, Vendredi-Saint, en l’église Saint-Jacques de Reims

« Nous n’avons pas un grand-prêtre incapable de compatir à nos faiblesses, mais un grand prêtre éprouvé en toutes choses, à notre ressemblance, excepté le péché », proclame la lettre aux Hébreux. La quatrième prière eucharistique le dit bien, elle aussi : « Il a vécu notre condition humaine en toutes choses, excepté le péché ». Le péché ne nous rapproche pas les uns des autres, le péché nous sépare, nous fait ennemis, nous rend opaques les uns aux autres. Jésus, en sa Passion, se dépouille ou se laisse dépouiller au maximum. Il consent, nous l’avons entendu, pas à pas, à perdre ce qui constitue les soutiens de tout être humain : la considération de son peuple, l’amitié des siens, et même l’affection de sa mère qu’il reporte sur un autre. Il veut ainsi rejoindre tout être humain qui se trouve humilié, bafoué, à qui son humanité est déniée.

Faut-il en faire la liste en ce jour ? Ceux et celles qui sont soumis à la torture en tant et tant d’endroits en ce monde ; ceux et celles dont les conditions de travail s’apparentent aujourd’hui encore à l’esclavage ; ceux et celles qui exploitent des mines dans des conditions incroyablement précaires afin que nous puissions disposer à un prix raisonnable des métaux rares dont nos téléphones et autres appareils électroniques ont besoin ; ceux et celles qui bâtissent dans des conditions dangereuses, insuffisamment protégés, au péril de leur vie ; ceux et celles qui ont quitté leur pays et leur famille dans l’espoir de leur procurer un meilleur en terre étrangère et qui errent dans nos rues, sur nos trottoirs ou qui campent misérablement dans tel parc de nos bonnes villes ; ceux et celles qui ont perdu la tête et que nous regardons avec pitié ou devant qui nous passons avec indifférence ; ceux et celles qui achèvent leur parcours de vie soit en n’ayant plus pleine conscience d’eux-mêmes ni du temps qui passe ou bien dans l’ennui et l’angoisse d’un hôpital ou encore dans des souffrances pénibles renforcées par la solitude réelle ou supposée ; celles car il s’agit de femmes surtout qui subissent violence et auxquelles nous ne prêtons guère attention de peur de ruiner un certain ordre social ; les enfants aussi traités comme s’ils n’étaient pas vraiment des êtres humains parce qu’ils ne peuvent se défendre eux-mêmes… il y a tant de situations où des êtres humains perdent aux yeux des autres et parfois à leurs propres yeux la figure de l’humanité. Jésus rejoint au plus près la condition de tous ceux-là et il se fait leur grand-prêtre.

Il y a bien davantage. Dans le récit de la Passion, nous voyons ceux qui trahissent, ceux qui renient, ceux qui crient, ceux qui sont indifférents, ceux qui condamnent, ceux qui accusent, ceux qui regardent les condamnés avec jouissance, ceux qui pleurent et restent silencieux… Le mal a toujours un auteur, ou une multitude d’auteurs. Face à Jésus en sa Passion, face à Jésus en croix, aucun de nous ne peut se dire totalement innocent du mal qui se fait dans le monde. Aucun de nous ne peut regarder le mal qui existe, celui que les humains commettent les uns contre les autres ou contre les autres êtres, comme s’il y était purement extérieur. Jésus ne vient pas pour nous accabler de la culpabilité universelle, mais il vient pour nous ouvrir à la vérité. Ainsi aussi est-il notre grand-prêtre, un grand-prêtre qui nous unit à Dieu malgré nos fautes, malgré nos dérobades, malgré nos médiocrités, malgré nos crimes, et qui nous relie les uns aux autres malgré tout ce qui nous sépare ou nous oppose. Il se fait le garant que, dans nos fautes, nous pouvons être accessibles à la vérité, nous laisser toucher et nous convertir.

Nous, disciples de Jésus, risquons de participer au mal de deux manières. Il y a le mal que nous pouvons causer comme tout être humain et il y a le mal que nous causons à l’intérieur même de la communauté que nous formons. Ce qu’il y a de colère, de jalousie, d’envie, de méfiances réciproques dans nos relations à l’intérieur de l’Église, ce qu’il peut y avoir de jeux de pouvoir et, nous en sommes conscients désormais, d’abus de pouvoir, tout cela prive l’humanité de l’intercession dont elle a besoin pourtant. Nous sommes des pécheurs comme tous les humains, ni plus ni moins, et nous péchons encore en manquant à la communion que l’unique grand-prêtre crée entre nous. Un des enjeux du processus synodal où le Pape nous a fait entrer et des décisions prises par les évêques lors de l’assemblée plénière en recevant les rapports des groupes de travail mis en place pour recevoir le rapport de la CIASE est précisément que notre Église, en chacune des Églises particulières, participe mieux au travail du grand-prêtre, de Celui qui s’offre en prenant dans son offrande toute l’humanité, chacun des êtres humains, malgré leur immense capacité à se faire du mal et à faire du mal.

En ce jour, nous sommes entraînés par celui que nous appelons notre Seigneur et notre grand-prêtre à élargir notre intercession à l’humanité entière, dépassant les limites de notre compassion, entrant dans la compassion du Dieu vivant. En ce jour, nous sommes invités à accepter de nous reconnaître pécheurs, pour le bien de l’humanité entière, sans rester prisonniers de nos péchés à chacun. En ce jour, nous sommes appelés à être l’Église du serviteur souffrant, le peuple et le corps de Celui qui a pris sur lui les fautes de tous : « C’est à cause de nos révoltes qu’il a été transpercé, à cause de nos fautes qu’il a été broyé. Le châtiment qui nous donne la paix a pesé sur lui : par ses blessures, nous sommes guéris. » Nous ne sommes pas l’Église des purs, mais en lui et par lui, l’Église de ceux et de celles qui se laissent purifier par lui. A nous, frères et sœurs, d’écouter la voix, lorsqu’il parle et lorsqu’il se tait et lorsqu’il crie et lorsqu’il remet l’esprit,

 Amen.


Partager

Notre site utilise des cookies pour vous offrir une expérience utilisateur de qualité et mesurer l'audience. En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies dans les conditions prévues par nos mentions légales.