Homélie pour l'installation du Père Cyril Goglin, responsable de l’Équipe pastorale de l’Espace missionnaire Charleville-Mézières - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 12 septembre 2023

Homélie pour l’installation du Père Cyril Goglin, responsable de l’Équipe pastorale de l’Espace missionnaire Charleville-Mézières

Homélie pour le 23ème dimanche du Temps ordinaire, année A, en l’église Saint-Rémi de Charleville-Mézières, installation du Père Cyril Goglin, responsable de l’Équipe pastorale de l’Espace missionnaire Charleville-Mézières

L’Apôtre Paul, alors qu’il développe la dernière partie de sa lettre aux Romains, exprime ce que nous pouvons appeler la loi de toute vie chrétienne, la règle intérieure de toute communauté chrétienne : « N’ayez de dette envers personne, sauf celle de l’amour mutuel », ce qu’il commente en écrivant : « L’amour ne fait rien de mal au prochain ».

« L’amour ne fait rien de mal au prochain » : à première audition, cela nous paraît une évidence. Nous aimons aimer et être aimés, et nous aimons, tous, nous persuader que nous aimons. C’est pourquoi aussi nous aimons entendre l’Apôtre dire que tous les commandements « se résument dans cette parole : ‘’Tu aimeras ton prochain comme toi-même’’ ». Nous aimons cela dans la foi chrétienne et c’est ce qui nous rend fiers de notre vie chrétienne, et nous sommes souvent mal à notre aise devant toute expression ou manifestation de la foi que nous jugerions manquer à l’amour du prochain. Prenons toutefois le temps de comprendre ce que dit l’Apôtre. Respecter les commandements sans aimer, avec un autre élan intérieur que l’amour du prochain, serait manquer à la loi, manquer à la volonté de Dieu. Respecter les commandements par peur du châtiment ou pour être en règle, pour ne pas avoir de compte à rendre, cela ne nous permettrait pas de répondre à la volonté de Dieu. Mais prétendre aimer sans être habité par les commandements de Dieu, sans chercher à les mettre en pratique, à les garder, selon le mot de Jésus dans les discours après son dernier repas, ce serait se payer de mots, ce serait se tromper soi-même et tromper les autres. « L’amour ne fait rien de mal au prochain », certes, mais cela suppose de prendre au sérieux le contenu de l’amour, de veiller sur les gestes et les actes et les pensées par lesquels nous croyons aimer et s’efforcer de les purifier sans cesse. « N’ayez de dette envers personne, sauf celle de l’amour mutuel » nous appelle à nous efforcer de ne pas peser sur les autres, mais aussi à accepter d’aimer et d’être aimés. Nous devons accepter la dette de l’amour et être au clair sur le fait que cette dette, nous ne pourrons jamais l’effacer. Une communauté chrétienne, que ce soit la famille ou la paroisse ou, pour nous ici, l’Espace missionnaire, ou le diocèse, est toujours un entrecroisement de dettes d’amour mutuel. Nous sommes en dette les uns envers les autres et heureuse dette si c’est celle de l’amour. Mais veillons à ce que l’amour ne fasse rien de mal au prochain.

Seulement, frères et sœurs, cette loi, cette règle intérieure de la vie chrétienne et de toute communauté chrétienne, en réalité, nous y manquons souvent. Avez-vous remarqué ce que le psaume nous a fait dire ? Il nous le fait nous le dire mutuellement les uns aux autres : « Aujourd’hui ne fermez pas votre cœur mais écoutez la voix du Seigneur ». Ceux et celles qui prient la liturgie des heures chantent ce psaume chaque matin. Encore une fois, dans l’Église, chacun l’adresse à tous les autres et le reçoit de tous les autres : « Aujourd’hui, ne fermez pas votre cœur, mais écoutez la voix du Seigneur ». La parole de Dieu nous invite toujours à une conversion, à une attention renouvelée. Car nous savons bien que nos communautés, qu’elles soient la famille, la paroisse, l’Espace missionnaire, le diocèse ou l’Église entière ou toute autre communauté dans laquelle nous nous trouverions ont toujours besoin que nous échangions des pardons. Si nous essayons de nous aimer les uns les autres en vérité, nous risquons toujours de nous offenser les uns les autres. Plus nous nous rapprochons les uns des autres, plus nous nous efforçons de vivre ensemble des expériences fortes en nous y laissant entraîner par le Christ ou pour répondre au Christ, plus nous risquons de nous décevoir, de nous étonner, de nous blesser, de nous heurter. C’est pourquoi nous sommes appelés à être des guetteurs les uns pour les autres, selon le mot que le prophète reçoit pour sa mission.

C’est que, face au Seigneur Jésus, nous jouons chacune et chacun notre absolu. Ne pas être suivi, avoir le sentiment de n’avoir pas été compris est parfois très douloureux. Que demande Jésus à ses frères et à ses sœurs qui s’offensent mutuellement ? Qu’ils ne cessent pas de se considérer comme des frères et des sœurs. Qu’ils s’avertissent mutuellement de leur péché, mais comme des frères et des sœurs qui entendent bien le rester et même le devenir davantage ; qu’ils aillent chercher patiemment, inlassablement, celui ou celle qui pourrait se laisser gangréner par le péché, qui pourrait se laisser emprisonner intérieurement par cet esclavage, invisible de l’extérieur mais si handicapant parfois ou si destructeur, mais qu’ils le fassent en vue de tisser des liens fraternels d’une qualité plus haute encore. Qu’ils ne doutent jamais qu’entre frères et sœurs, le chemin de l’unité peut être retrouvé et qu’il vaut la peine d’en chercher les voies nouvelles. Lorsque Jésus s’adresse à ses disciples en leur disant, en nous disant : « Si ton frère a commis un péché contre toi… », remarquons le premier mot : « ton frère ». Dans le Christ, devant lui, nous ne sommes jamais des individus juxtaposés les uns aux autres, nous sommes des frères et des sœurs qui sont appelés à s’approcher les uns des autres, dans la joie de la dette croissante de l’amour mutuel.

Vous avez entendu, frères et sœurs, les recommandations du Seigneur. Elles sont faciles à comprendre, mais impossibles, osons-le dire, à mettre en œuvre. Nous ne devrions pas nous en étonner, frères et sœurs. L Osons le regarder en face : l’immense diversité des êtres humains est assurément une promesse infinie de communion et de vie, mais elle est d’abord un défi insurmontable. Il faut la force et le labeur du Crucifié Ressuscité pour relever ce défi.  L’unité dont nous sommes appelés à vivre, nous le découvrons encore, est une communion qui assume et surmonte tous les motifs de division, mais qui ne les nie pas ni ne cherche à les faire disparaître. Elle les transfigure plutôt. Comprenons bien à quoi Jésus nous appelle lorsqu’il poursuit : « S’il refuse d’écouter l’Église, considère-le comme un païen et un publicain. » Faut-il entendre là un ordre d’exclusion, une excommunication, une mise à l’écart sans espoir de retour, un envoi aux gémonies ? Non, il s’agit bien plutôt d’imiter Jésus. Il s’agit que nos gestes, nos attitudes, à nous, baptisés et confirmés, deviennent ceux et celles de Jésus, comme Jésus, à ce moment de l’évangile selon saint Matthieu donne à Pierre de faire ce que lui-même fait. Or, que fait Jésus à l’égard des païens et des publicains ? Il s’assied à leur table, il donne sa vie pour eux, il va plus avant dans le don de lui-même et il cherche à y entraîner ses disciples afin que ceux-là vivent aussi qui paraissent les plus éloignés, les plus fermés. Seul le Crucifié ressuscité a fait cela, seul le Fils unique et bien-aimé, venu dans notre condition humaine, pour venir nous chercher en tout ce qui nous divise et nous oppose les uns aux autres, pour les retourner en énergie pour nous aimer davantage, d’un amour plus désintéressé.

Il faut la force et le labeur du Crucifié Ressuscité pour relever ce défi.  Nous sommes, nous, ministres ordonnés, le signe donné à la communauté qu’il est présent et agissant, le Seigneur qui réconcilie et qui envoie les siens se pardonner mutuellement et progressivement. Nous en avons entendu ensemble la promesse dans l’évangile proclamé : « Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, dit le Seigneur, je suis là au milieu d’eux. » De cette présence, les ministres ordonnés, évêques, prêtres et diacres, sont les garants au bénéfice de tous. Ils ne rendent pas présent un absent, mais le Seigneur ressuscité qui, inlassablement, convoque et rassemble les siens, et les fortifie pour qu’ils surmontent leurs divisions, afin qu’ainsi, ils deviennent pour les autres humains, des signes et des promesses d’une unité plus grande encore, une unité obtenue non par la contrainte ou la force mais par la parole et le pardon, non par l’amnésie du mal commis mais par le choix fait librement de donner plus encore pour que l’unité puisse prendre chair davantage.

Alors, frères et sœurs, permettez-moi de vous le dire. Notre projet pastoral est né bien sûr de la pauvreté où nous sommes : petit nombre des prêtres, petit nombre des fidèles aussi, si l’on compare à d’autres époques. Tel est le temps que nous avons à vivre. Mais cette situation n’est pas qu’une fatalité et une calamité. Nous voulons nous aider mutuellement à la vivre comme un appel du Seigneur. Nous avons encore et toujours à nous aimer les uns les autres. Nous avons encore et toujours à nous aimer non pas à la mesure de nos sympathies mutuelles, non pas parce que nous partageons le même métier ou le même type de vie, mais avant tout parce que nous sommes donnés les uns aux autres comme des frères et des sœurs. Nous sommes donnés par notre unique Seigneur. Dans nos pauvretés, nous avons à vivre plus que jamais la fraternité, à nous recevoir comme des frères et des sœurs.

C’est pour cela qu’une Équipe pastorale vous est donnée, qui veut elle-même apprendre à vivre en fraternité : je rends grâce à Dieu pour les PP. Cyril Goglin et Baptiste Bienvenu, et à Karine Landrin, Sixte-Anne de la Laurencie, Claire Ponsinet et Yves Myon qui ont accepté la mission de constituer avec eux l’Équipe pastorale et je rends grâce encore pour le P. Hervé Dossou que vous connaissez bien, pour le P. Gérard Yehoumé, qui vient d’arriver du Bénin et qui a accepté d’être envoyé ici pour aider l’Équipe pastorale le plus possible et y prendre place le moment venu, pour les PP., Christian Mairy et Guy Renard, qui, à des titres divers, à des degrés divers, contribuent aussi à la mission de l’Équipe pastorale. L’Équipe pastorale est envoyée pour vous appeler à vivre la fraternité du Seigneur et pour veiller à vous en procurer les moyens qui sont ceux du Seigneur Jésus, celui qui donne sa vie pour nous. Les membres de l’Équipe pastorale sont appelés à vivre eux-mêmes en une certaine fraternité, afin de vous servir au mieux. Recevons du Christ, notre Seigneur, livré en son Eucharistie, la force et la joie de nous recevoir les uns les autres comme des frères et des sœurs et de faire briller la fraternité comme une espérance pour l’humanité,

                                                                                                                       Amen.

                                       

                                                                                     


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