Homélie pour les obsèques du père André Abelé - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 7 mars 2021

Homélie pour les obsèques du père André Abelé

Homélie pour les obsèques du père André Abelé par le père Pascal Bardet, responsable du service diocésain des vocations.

Pour aller plus loin : lire « à la mémoire du père André Abelé »

André ne désirait pas que l’on parle de lui, mais souhaitait que cette célébration soit une occasion de souligner l’importance de l’appel, de la vocation, ou plutôt des vocations. Nous pensons particulièrement à son frère Pierre, frère Edmond, moine bénédictin décédé il y a près d’un an.

               J’ai bien entendu ta consigne, André, et les textes choisis, ceux de la fête de St André, nous y invitent, mais je ne suis pas sûr de ne pas déroger à ton souhait.

               L’Evangile de St Matthieu, et j’aime y voir associés Pierre et André, nous montre Jésus appelant ses premiers disciples sur les bords du lac de Tibériade : Pierre et André donc, puis Jacques et Jean, des pêcheurs pris par leurs tâches quotidiennes. On peut toujours se demander pourquoi ceux-là, mais je ne pense pas qu’il y ait d’autre réponse que l’horizon, ce groupe que Jésus veut constituer pour son annonce, sa mission. Jésus les appelle à devenir disciples –« venez à ma suite »- puis apôtres –« Je vous ferai pêcheurs d’hommes »-.

               Cet appel à suivre Jésus, André l’avait entendu, tout comme son frère Pierre, chacun trouvant sa façon de suivre le Christ, de se lier à lui et à son Eglise. Je ne peux que penser à ce terreau qu’est la famille, cette cellule d’Eglise où, dans le quotidien, peut s’entendre l’appel à tout quitter pour le Seigneur, cette cellule d’Eglise où peut se nourrir la foi, dans un dialogue ailant. Ce sont bien des personnes que Jésus appelle, mais il y a des terrains qui favorisent une écoute, une intériorité. Nos familles le permettent-elles aujourd’hui ?…, le désirent-elles ?

               « Comment invoquer le Seigneur si on n’a pas foi en lui ? Comment mettre sa foi en lui si on ne l’a pas entendu ? Comment entendre si personne ne proclame ? Comment proclamer sans être envoyé ? » Avec St Paul, nous sommes renvoyés à l’annonce, à la proclamation de la Bonne Nouvelle. André en a été un artisan (je ne connaissais pas Pierre), ce fut un souci constant pour lui, comme le rappelait le dernier billet qu’il a écrit pour le dernier « Reims-Ardennes ». (Vous n’avez pas connu cela , Monseigneur, mais lorsqu’arrivait la revue, nous regardions la quatrième de couverture pour y lire le billet signé A.A. ; et lorsque j’ai parlé d’André dans les Ardennes, ce sont ses billets qui ont été évoqués.) Ce petit texte disait ce souci constant, non seulement de l’annonce, mais du dialogue, car la parole aussi se reçoit, se découvre dans la rencontre : « Croyons à toute parole échangée, à une écoute étonnée. Au dialogue engagé. Chacun a un rôle à jouer. Etre un relais. Un maillon. Une médiation. Dans la construction de la grande Maison. Celle du Seigneur. La communion a un prix. Communiquons. » (A.A.). Un triple twit avant l’heure. Des mots qui ne ferment pas, mais ouvre sans cesse, comme un appel.

               Si des vocations existent, quelles qu’elles soient, pas seulement religieuses, c’est qu’une parole a été donnée, une question envoyée, un appel suscité, un cœur à cœur engagé.

               Le Seigneur continue d’appeler, d’une façon ou d’une autre, et j’en ai non seulement la conviction, mais la certitude à travers le témoignage de jeunes qui aspirent à trouver le sens de leur vie et le découvrent dans le don d’eux-mêmes, réalisent combien ce don les fait grandir, s’épanouir, advenir. Mais si le Seigneur appelle au cœur d’une vie, dans les engagements ou dans le silence, qui relaiera l’appel pour qu’il puisse s’incarner ? Qui d’entre nous a déjà osé demander à un jeune, ou un moins jeune : As-tu déjà perçu ce désir, au fond de ton cœur, d’être avec le Christ, as-tu déjà entendu cet appel à te donner ? Non pour contraindre, mais pour ouvrir un possible (comme avec les billets d’André). Qui ? Tant que nous penserons que c’est l’affaire des prêtres, beaucoup d’appels ressentis ne viendront pas au jour. Ce qu’André disait de la communication, nous pouvons le reprendre ici : « Chacun a son rôle à jouer ».

               Ce que je dis ici, plus quant à la vocation de prêtre, je pourrais le dire de toute vocation humaine. Mais croyons-nous que Dieu a un projet, non pas pour nous, mais avec nous, avec chacun de nous. Croyons-nous qu’il veut notre bonheur, et que c’est pour cela qu’il nous appelle à la suite du Christ. Car toute vocation, quelle qu’elle soit, traduit cette suite du Christ. Mais croyons-nous encore que le bonheur se trouve dans le don de soi et, entre autres, qu’être prêtre, donné avec l’Eglise pour l’annonce de la Bonne Nouvelle, puisse être un chemin de bonheur ?

               André, je crois a su nous le dire, dans son humanité, son attention, sa joie de la rencontre et du partage, son intérêt porté à chacun, son sourire, son enthousiasme. Une belle figure de prêtre qui a su traduire la miséricorde du Père. Désolé, André, mais je ne pouvais pas ne pas le dire.

               Je pense que si André a voulu que l’on parle des vocations, c’est que ce souci l’a habité toute sa vie. Et pas seulement les vocations presbytérales ou religieuses. L’intérêt qu’il portait à chacun était sa façon d’être ouvert à la vocation de chacun. C’est sans doute une des missions du prêtre que d’être éveilleur de chaque vocation propre. Mais je pense que chaque chrétien devrait avoir ce souci de la vocation de l’autre. Pourquoi des prêtres, si ce n’est pour éveiller chacun à sa vocation, cette suite du Christ, et la nourrir par la Parole et le Pain pour que grandisse le Royaume.

               « Venez à ma suite, et je vous ferai pêcheurs d’hommes. » Qu’ont bien pu comprendre Pierre et André, Jacques et Jean quand le Christ les a appelés ? Pas grand-chose à mon avis, mais ils ont eu foi en cet homme qui les invitait à sa suite, en leur demandant, à eux qui étaient pêcheurs, de le demeurer, mais autrement. Comme dans toute notre vie se jouent cette continuité et cette discontinuité ; nous demeurons ce que nous sommes quand un appel surgit dans notre vie, nous devenons même ce que nous sommes, profondément, mais autrement, d’une manière insoupçonnée, même par nous-même. Oui, nous sommes appelés pour devenir. C’est en cela que ne pas appeler est un acte de non-foi, de non-confiance, je dirais presque un acte de désespérance. Nous ne croyons pas que l’autre puisse être en projet, puise devenir.

               Ayons foi en ce Seigneur qui appelle, chacun selon ce qu’il est et selon les besoins, car notre vocation est de servir le Royaume qui vient, qui naît, qui est là.

               Continuité. Discontinuité. Appel à devenir. Autrement (J’ai l’impression d’écrire un billet à la façon d’André). Il me semble, à travers ces mots parler de la vie, mais aussi de cet appel ultime à devenir en Dieu au-delà de la mort.                    

Continuité. Discontinuité. Bon devenir, André, et merci pour tout ce que tu as su donner, transmettre, annoncer, communiquer de ton amour de Dieu et des hommes. Et merci, Pierre, de nous avoir rappelé que l’on pouvait tout quitter, miser sur le Christ. Amen.


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