Homélie pour les obsèques de Carène Mezino, le 1er juin 2023, en la basilique Saint Remi de Reims - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 1 juin 2023

Homélie pour les obsèques de Carène Mezino, le 1er juin 2023, en la basilique Saint Remi de Reims

Homélie pour les obsèques de Carène Mezino, le jeudi 1er juin 2023, en la basilique Saint-Remi, à Reims

Carène était en tenue de service ; elle est morte en tenue de service ; elle a même été tuée parce qu’elle portait sa tenue de service. Elle était en tenue de service non seulement parce qu’elle était au travail, dans ses horaires de travail, mais surtout parce qu’elle était toujours ainsi. Elle avait compris depuis longtemps, depuis toujours, que vivre, c’est servir et aussi que servir, c’est aimer. Servir n’est pas seulement accomplir ses tâches l’une après l’autre, faire ce que l’on a à faire et puis passer à autre chose lorsqu’enfin l’heure est venue ; servir en vérité, c’est se donner un peu ou beaucoup soi-même. Ainsi était votre Carène, vous l’avez dit au début de cette célébration : elle vivait toute chose jusqu’au bout, elle se donnait, elle donnait d’elle-même en toutes ses actions. Elle avait appris cela auprès de vous, Madame, et de votre mari, son père aimé, de ses grands-parents aussi, dans une vie de famille simple et aimante qui ouvre le cœur et fortifie l’âme, où l’on prend tout au sérieux, le labeur et la fête, parce que tout permet de partager, de recevoir et de donner. Carène a fait fructifier ce qu’elle avait reçu et vous avez goûté Les beaux fruits qu’elle partageait généreusement, vous ses parents, vous, Luc, son frère, vous, Claire, sa belle-sœur, vous, ses beaux-parents, ses neveux et ses nièces, ses voisins et ses amis aussi, et vous, Monsieur, Adrien, son mari ainsi que vos enfants, Maëlle et Eliott, ses enfants si désirés, portés avec tant de soins et de patience, ses enfants à qui elle ouvrait les portes de la vie de la manière la plus large, les voulant forts et libres et bons devant tous et avec tous. Elle servait, elle veillait. Elle se couchait tard, elle se levait tôt, trouvant toujours quelque chose à faire pour que la vie soit plus douce, plus forte, plus joyeuse, pour les siens, pour les autres, sans chercher d’autre récompense. Elle était en tenue de service, elle l’est pour l’éternité, nous le croyons, elle sert pour toujours.

Elle avait choisi d’être infirmière, elle le voulait depuis longtemps. Elle a aimé ce métier, dans les différents services où elle est passée. Elle voulait travailler, se rendre utile, elle n’imaginait pas de profiter de la vie sans aider celles et ceux qui avaient besoin de soins. Vous, ses collègues infirmières et infirmiers, avez exprimé ce qu’elle avait été au milieu de vous, qui elle était avec vous et pour vous. Vous savez comme, malgré les accidents du travail qu’elle a pu connaître, elle s’était réjouie de reprendre dans un nouveau service, comment elle se passionnait pour un aspect nouveau de son métier. Sa mort terrible vous choque tous ; elle aurait pu être la vôtre à chacune ou à chacun, elle aurait pu frapper toute « blouse blanche » dans l’hôpital. La question : pourquoi elle, pourquoi pas moi ? peut habiter vos cœurs et vos esprits, vos corps même. Elle n’a sans doute pas de réponse. Sa mort nous bouleverse tous, celles et ceux ici rassemblés et tant d’autres qui, ce matin, ont une pensée pour Carène et pour les siens. Car la violence qui l’a frappée comme elle a frappé une autre personne à laquelle nous pensons aussi ce matin nous dévoile des abîmes de l’âme humaine qui nous effraient. Comment cela est-il possible ? D’où vient que la violence puisse ainsi s’emparer d’un esprit et lui faire porter la mort ? Qu’y a-t-il dans le psychisme humain pour que de telles quantités de colère et de violence puissent en surgir ? Que peut faire la société face aux ténèbres qui travaillent certains d’entre nous, troublent en eux la capacité de vivre et d’aimer, en font des porteurs de mort ?

Ensemble, nous portons ces interrogations. A l’invitation de la famille de Carène, nous les portons dans cette basilique millénaire qui abrite le tombeau de saint Remi. Le saint n’est pas ici comme un mort dont le temps qui passe fait reculer la vie dans le passé. Nous sommes rassemblés auprès de lui parce qu’il est vivant et que son corps mortel est le signe qui nous est donné de sa vie dans la vie pleine de Dieu, de sa vie toujours vivante et active, de son service aujourd’hui encore du peuple à qui il avait été envoyé. Surtout, le saint n’a d’intérêt que parce qu’il en désigne un autre, Jésus le Christ, le Messie d’Israël, mort pour nous et ressuscité pour que nous vivions pour toujours et qu’il vaille la peine que nous vivions ainsi, Jésus qui a mis tout son poids dans la balance afin que nous, les humains, puissions passer de la vie à la pleine communion avec Dieu et en Dieu, à la table où il nous servira pour toujours, à la table où il y a de la place pour tous.

La vie de Carène aura été brève. Brève et intensément remplie. Sa mort en plein service pose sur elle brusquement un sceau. Elle nous oblige tous à voir ce qu’est le métier d’infirmière ou d’infirmier. Elle oblige la société à réaliser la gratitude qui est due à vous tous qui, d’une manière ou d’une autre, contribuez au service des hôpitaux, au service des personnes malades dans les hôpitaux de notre pays. Vous servez des hommes, des femmes, atteints par la maladie, menacés par la mort, des hommes et des femmes, des enfants aussi, en état de fragilité, de vulnérabilité ; vous les côtoyez, et souvent vous faites bien plus que les côtoyer, alors qu’ils et elles sont troublés, bouleversés, inquiets, épuisés, douloureux, effrayés ou apaisés parfois et soulagés. Vous nous côtoyez, vous nous entourez, vous nous accompagnez, vous nous aidez, dans des moments cruciaux de nos existences, et fatalement, vous en êtes marqués. Carène et vous avez choisi des métiers qui vous lient aux autres, qui vous font servir en étant forcément impactés par ce que vous voyez et entendez, touchés par les personnes que vous rencontrez, pour le meilleur, pour le plus ultime, et parfois pour le pire. Le souvenir de Carène vous accompagnera désormais. Que ce ne soit pas pour vous entretenir dans la peur, mais pour nourrir votre choix de servir les autres, de servir en aimant et d’aimer en servant. Que son souvenir et celui de quelques autres éclairent le regard que tous nous portons sur vous et nous aident tous à ajuster nos attitudes et nos attentes et aussi les décisions de ceux et celles qui ont à en prendre pour le bien de tous.

Frères et sœurs, chers amis, ensemble, en cette basilique, réunis autour de Carène et pour elle, nous sommes invités à prendre au sérieux la phrase qui a été proclamée : « Parce que nous aimons nos frères, nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie. Celui qui n’aime pas reste dans la mort. » Carène a aimé, elle a voulu aimer en actes et en vérité ; elle a voulu aimer non pour prendre et posséder et avoir à soi, mais pour donner et accueillir et donner encore. Elle avait vu bien des exemples, elle avait su se mettre dans leurs traces, elle avait appris à connaître aussi celui dont l’apôtre ose nous dire : « Lui, Jésus, a donné sa vie pour nous. Nous aussi, nous devons donner notre vie pour nos frères. » Alors, un homme pris de violence a frappé, emprisonné, semble-t-il, dans l’horrible violence, sans pouvoir se libérer de son emprise. La mort a fait d’un homme son instrument, et que reste-t-il à celui-là ? Permettez-moi de vous le dire : la mort a frappé Carène, la mort l’a emportée et vous a privés d’elle, mais en réalité, la mort ne triomphe pas. Le maître de maison n’a pas laissé Carène aux mains du néant ; Jésus le Seigneur la tire vers lui et il le peut d’autant plus qu’elle a été trouvée en tenue de service. La foi nous en assure : il ne laisse pas la mort régner. Il ne laisse pas aux mains de la mort celles et ceux qui ont su aimer leurs frères et leurs sœurs, dans la vérité de l’amour. Il se sert du moindre mouvement vers la vérité de l’amour pour nous faire entrer dans sa vie et sa joie, et cela pour toujours. Carène en est pour vous la promesse, désormais. Auprès de son père et avec lui, nous l’espérons avec vous, elle est pour ceux et celles qui se souviendront d’elle le gage que la vie n’est pas mesurée par la mort corporelle mais par la vérité de notre amour. L’amour est plus fort que la mort. Écoutons encore ce que nous dit saint Jean : « Si notre cœur nous accuse, Dieu est plus grand que notre cœur et il connaît toutes choses. »

Madame, vous aviez été durement éprouvée par la mort de votre époux, Noël, il y a trois ans, et Carène l’avait été aussi et avec elle, comme elle, vous, Luc et Claire et Adrien et vos enfants. Vous vous remettiez doucement de ce deuil. Sur ce chemin, Carène était pour vous et pour ses beaux-parents et pour d’autres une bonne part du soleil, et cette part-là vous est enlevée désormais. Rien ni personne ne pourra compenser cela. Vous êtes en ce moment très entourés. Les autorités de l’État et de nos villes et de notre région sont avec vous en ce jour ; tout le corps de l’hôpital partage votre chagrin et votre colère ou votre interrogation. Toutes celles et tous ceux qui vous connaissent de près ou de moins près, ici, à Ville-en-Tardenois ou à Champlat et à Vauciennes ou ailleurs dans le monde – car votre générosité de cœur et votre hospitalité vous valent des amis partout dans le monde- s’unissent à vous en ce jour. Demain et après-demain il vous faudra vivre encore et servir et aimer. Il vous faudra apprendre à Maëlle et à Elliott à vivre, à servir, à aimer. Le chagrin vous prendra ; parfois peut-être, il vous submergera. Mais votre Carène vous a montré à jamais la vérité de la vie humaine. Avec la grâce de Dieu, dans la vie pleine et entière de Dieu, elle ne restera pas inactive. D’elle vous entendrez jour après jour cette invitation : « Restez en tenue de service, votre ceinture autour des reins, et vos lampes allumées. » Et peut-être mieux encore qu’en cette vie, vous aidera-t-elle à recevoir cette promesse : « Heureux ces serviteurs-là que le maître, à son arrivée, trouvera en train de veiller ». Nous avons chanté au début de cette célébration : « Ô Seigneur, je viens vers toi ». C’est notre prière en ce matin, votre prière à vous sa famille et ses amis et aussi la prière de beaucoup qui sont ici et encore la prière de l’Église entière, celle de la terre et celle du ciel, notre prière pour Carène très spécialement mais aussi pour chacune et chacun : qu’au long de nos vies, nous allions vers le Seigneur qui seul peut faire déboucher toute existence dans la plénitude. Carène aura vécu brièvement mais intensément. Que Dieu lui donne de vivre pour toujours de l’amour qu’elle a tâché d’exprimer et de vivre en actes et en vérité. Qu’Il nous donne à tous de trouver notre manière de servir et d’y apprendre à aimer,                                                                            

Amen.



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