Homélie pour le saint Jour de Pâques - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 21 avril 2022

Homélie pour le saint Jour de Pâques

le dimanche 17 avril 2022, en la cathédrale Notre-Dame de Reims

« Marie-Madeleine se rend au tombeau de grand matin : c’était encore les ténèbres. » Peut-être, frères et sœurs, malgré le franc soleil de ce jour, êtes-vous encore dans les ténèbres : les ténèbres de la guerre en Ukraine et ailleurs, les ténèbres de la crise sanitaire qui traîne et paraît ne pas devoir finir, les ténèbres des élections présidentielles qui nous laissent incertains, et encore les ténèbres qui peuvent régner dans nos cœurs, nos hésitations face à la vie et à ses décisions, nos incertitudes, nos doutes, nos fragilités, des morceaux de ténèbres qui emplissent plus ou moins nos cœurs et rendent nos pensées obscures. Vous êtes venus ici parce que c’est Pâques, parce que nous célébrons la Résurrection du Seigneur Jésus, et vous l’aurez remarqué : l’évangile proclamé n’évoque pas le Ressuscité. Il n’est question que d’un absent, d’un corps qui devrait être là et qui manque à l’appel. Voilà peu de choses : une absence, des linges posés à plat et un suaire roulé à part. Alors que, dans le petit matin de Jérusalem, le soleil se lève, il y a peu à voir et cela paraît presque dérisoire. Mais les linges et le suaire sont le signe, la trace, qu’il y a eu un cadavre, le cadavre de Celui-là. Mais, dans ce récit, il est aussi question de foi : « Il vit, et il crut. » un des deux disciples a changé. Le monde pour lui a changé. « Il vit, et il crut. »

L’évidence massive du monde est qu’un cadavre ne bouge pas. Pourtant, le cadavre de Celui-là n’est plus là, il n’existe plus. Un monde nouveau est déjà né qui perce, là, à Jérusalem, dans le jardin, dans le tombeau. C’est très peu de choses, c’est tout autre chose. La réalité ne tire plus sa cohérence de la loi inéluctable de la mort, de l’usure, du manque, de la peur, mais de Celui qui est entré en elle et qui fait d’elle, de toute la réalité, l’expression d’une promesse. Il faut que Jésus soit allé au bout de la vie, et au bout de la mort, il faut que beaucoup aient constaté sa mort et sa mise au tombeau, pour que puisse devenir clair, au moins pour quelques-uns, que, « selon l’Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts. » 

Nos frères et sœurs Juifs ont fêté ce vendredi leur fête de Pessah. Pessah, c’est le saut : le saut que fit l’ange de Dieu pour épargner les Hébreux de la mort des premiers-nés qui frappait les Égyptiens, c’est le passage, la traversée de la Mer Rouge, c’est encore et toujours le passage de l’esclavage et de la mort à la vie et à la liberté, de la condition d’esclave d’autres hommes à celle d’un peuple au service du Dieu vivant dont il garde la Parole au milieu des nations. Pour nous chrétiens, Pâques est le fait que Dieu n’a pas laissé son peuple être repris par les Égyptiens mais lui a fait traverser la Mer à pied sec, et non moins le fait que le Père n’a pas laissé Jésus dans la mort mais l’a tiré vers la vie en plénitude et lui a donné de rendre la vie aux pécheurs que nous sommes. La Résurrection n’est pas un automatisme, elle n’est pas ce qui vient après la mort. Elle est la surprise inouïe, inattendue, que Dieu, le Dieu créateur, presque sans rien troubler de l’ordre du monde, si bien troublé par nos péchés, agit pour tenir les promesses de la Création. Pour cela, il a trouvé en Jésus, qui a vécu en Israël, qui est mort comme il est mort, rejeté et pardonnant, « lui qui, là où il passait, faisait le bien », comme nous avons entendu Pierre le proclamer, la prise qui lui permet d’aller chercher en tous et en chacun ce qui pourra le tirer vers la vie éternelle. La Résurrection de Jésus est aussi, réciproquement, ce qui donne à tout ici-bas sa consistance, ce qui fait que le meilleur de nos vies et de nos cœurs, vaut pleinement, que nous pouvons nous y consacrer sans risque. Les promesses de notre enfance à chacun, les promesses de nos affections et de nos amours, les promesses de nos constructions et de nos édifications, les promesses de nos travaux de chaque jour, aucune n’est vaine, aucune n’est une pure illusion, chacune est une annonce de la réalité la plus réelle, plus réelle que toute mort, puisque, comme le dit saint Paul, « votre vie reste cachée avec le Christ en Dieu. » Car il nous faut bien comprendre ceci : la Résurrection n’est pas la prolongation de notre existence terrestre, la simple reprise de nos affections, de nos projets, de nos aspirations. Elle en est le renouvellement complet. Jésus n’est pas venu faire ce que les médecins tentent aujourd’hui de faire pour nous : allonger notre espérance de vie, faire reculer les maladies. Il est venu, il a vécu, il a souffert, il est mort, pour libérer de toutes nos complicités avec les forces de la mort.

Frères et sœurs, il est possible que nous restions encore dans les ténèbres, ou que nous y retournions après avoir aperçu un moment la lumière. L’évangile de ce jour nous encourage à être patients avec nous-mêmes. Ni Marie-Madelaine, ni Pierre, ni même le disciple que Jésus aimait n’ont tout de suite compris ce qui se passait. Aucun n’est entré aussitôt dans la Résurrection. Le disciple aimé a eu besoin de voir une première fois qu’il n’y avait rien que les linges, puis une seconde fois, les linges et Pierre dans le tombeau ; de Pierre, nous ne savons quand il a cru ; et Marie-Madeleine a eu besoin que le Ressuscité vienne à elle et l’envoie en mission. En réalité, frères et sœurs, on ne constate pas la Résurrection comme on constate un fait de guerre ou le résultat d’un match, ou les primes reçues sur une feuille de paie. Croire en la Résurrection demande un certain travail. Il faut travailler les Écritures pour y découvrir le dessein de Dieu, l’action continue du Dieu vivant, et il faut se laisser travailler par elles. Il faut accepter d’avoir besoin d’être libéré, il faut se reconnaître participant des ténèbres de tous les autres humains.  Il faut consentir à ce que Jésus, « lui qui, là où il passait, faisait le bien », soit le « Juge des vivants et des morts. » Il faut accepter d’entendre les témoins qui nous sont donnés, « les témoins que Dieu a choisis d’avance ». Dans la nuit, dans notre diocèse, 37 adultes l’ont été pour les autres ; en France, plus de 4500 ; des dizaines de milliers dans le monde, qui sont entrés dans la mort avec le Christ et en sont sortis pour avoir part à sa Résurrection. Nous le sommes pour vous tous, nous ministres ordonnés, évêques, prêtres et diacres, qui prolongeons par notre vie la course de Pierre et de l’autre disciple jusqu’au tombeau et leur retour sans doute à pas plus lents.

Dans la crise sanitaire, dans la crise sociale de notre pays, dans la crise écologique où toute l’humanité et toute la planète sont embarquées, dans la crise de la paix où nous sommes entrés, il est loisible de multiplier les commentaires. En ce matin de la Résurrection, sous le franc soleil de ce jour, permettez-moi de dire ceci : le mal est évident, le mal, sous toutes ses formes, impose sa loi qu’il fait passer pour vérité ; le bien est toujours modeste, fragile, incertain ; il est toujours possible de le mettre en cause ; mais que du bien, du vrai, du bon, puisse monter de nos cœurs et se traduire en actes, si humbles soient-ils, voici, frères et sœurs, ce qui, dans la lumière du Christ ressuscité, devrait nous garder en joie. « Recherchez les réalités d’en haut, » nous dit saint Paul. Mais ces réalités d’en haut, ne les cherchons pas en fixant le ciel. Elles percent ici-bas, au milieu de nous, l’évidence du mal comme, ce matin-là, à la pointe du jour, le tombeau  à la pierre roulée où il n’y avait plus  à voir que des linges posés. Elle est pour nous, la question de la séquence : « Dis-nous, Marie-Madeleine, qu’as-tu vu en chemin ? ». Le Christ est ressuscité, Alléluia,


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