Homélie pour le saint jour de Pâques, le dimanche 9 avril 2023, en la cathédrale Notre-Dame de Reims - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

Tous les articles

Publié le 11 avril 2023

Homélie pour le saint jour de Pâques, le dimanche 9 avril 2023, en la cathédrale Notre-Dame de Reims

Homélie pour le saint jour de Pâques, le dimanche 9 avril 2023, en la cathédrale Notre-Dame de Reims

« Alléluia, Christ est ressuscité ! Il est vraiment ressuscité ! » Êtes-vous venus en courant, frères et sœurs, ce matin, pour entendre cette nouvelle qui a retenti au cœur de la nuit ? Êtes-vous venus pleins de désir et d’ardeur, après quarante jours de Carême, pour recevoir, au cœur de vos vies bien occupées, dont vous êtes peut-être fiers ou peut-être pas toujours satisfaits, cette annonce qui renouvelle tout ? Dans cette messe du jour de Pâques, chaque année, la liturgie fait montre de délicatesse. En nous donnant à entendre le récit de l’évangile selon saint Jean, elle nous met devant les yeux comme il est difficile, comme il est délicat, d’entrer dans la foi en la résurrection de Jésus. Ce n’est pas un fait qui s’impose au premier coup d’œil. On peut, comme Marie Madeleine, s’approcher du tombeau, voir la pierre roulée et ne rien comprendre. On peut courir chercher les disciples et ne pas savoir que leur dire exactement tout en se livrant à des conclusions à partir des apparences : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau ». Qui a jamais dit cela ? On peut courir au tombeau et regarder à l’intérieur, comme le disciple aimé la première fois, constater ce qu’il y a à constater et ne pas voir de quoi il s’agit. On peut courir au tombeau et y entrer même comme Simon-Pierre et constater un peu davantage et ne pas comprendre encore. On n’entre pas de plain-pied dans la Résurrection et pas même dans la foi en la Résurrection de Jésus. Il y faut une nouvelle naissance, un engendrement nouveau.

Qu’a vu le disciple que Jésus aimait qui, brusquement, lorsqu’il entre enfin dans le tombeau, fait qu’il croit ? Il a vu comme lorsqu’il s’était penché les linges posés à plat ; il voit comme Simon-Pierre sans doute, aussi le suaire roulé à part à sa place. Et surtout, il voit Simon-Pierre dans le tombeau, Simon-Pierre qu’il a laissé entrer le premier, peut-être parce qu’il est plus âgé, peut-être parce qu’il est celui à qui Jésus a donné le nom et la mission d’être « pierre », pierre de fondation pour l’Église nouvelle, peut-être aussi parce que Pierre est celui qui a renié Jésus et qui, pourtant, ce matin-là, le premier à l’appel de Marie Madeleine, s’est levé et est parti en courant. « Il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts » : il ne s’agit pas d’un fait brut, il ne s’agit pas d’un cadavre de moins sur la terre ; il s’agit de la réintégration des pécheurs, de la victoire sur la mort et le péché, de la guérison de l’humanité blessée. Le disciple que Jésus aimait méritait d’être aimé : il n’a pas utilisé son privilège pour humilier celui qui avait renié, il l’a honoré plutôt, lui laissant d’être le premier à entrer dans le tombeau vide et à constater les traces laissées par le Ressuscité. Et soudain, il lui est donné de voir, non pas l’absence d’un corps mort mais la victoire du pardon, la puissance de Dieu qui abaisse et qui relève et cela pour toujours.

Frères et sœurs, peut-être avez-vous une foi forte et indéracinable en la Résurrection, peut-être votre foi est-elle hésitante et enveloppée de questions ? A vrai dire, la liturgie nous y conduit doucement, pas à pas. Il a fallu, pour que les apôtres eux-mêmes y entrent pour de vrai, plusieurs apparitions, plusieurs venues de Jésus jusqu’à eux et, pour finir, l’envoi en mission. Toute la semaine qui s’ouvre et les deux dimanches qui viennent nous feront entendre ces récits. C’est peu à peu que Jésus, touche par touche, pourrait-on dire, a installé ses disciples dans la juste position pour qu’ils puissent croire comme a cru le disciple qu’il aimait. Il en va de même pour nous. Sans cesse, nous avons à nous réinstaller dans la juste posture, au bon endroit et au bon moment, pour regarder et voir et croire.

Dès aujourd’hui, cependant, nous pouvons comprendre un peu pourquoi cette réalité n’est pas facile d’accès. C’est que la Résurrection est avant tout un pardon, le grand acte, la grande parole de pardon que Dieu adresse à l’humanité entière, toute entière sous le pouvoir de la mort, tout humain étant rejoint par Jésus, mort pour nos péchés, ressuscité pour notre vie. Cela demande que nous acceptions, chacun pour sa part et tous ensemble, d’être des pécheurs, incapables de vivre vraiment en fils et filles de la Résurrection, en frères et sœurs du Ressuscité, et pourtant en bénéficiant tout de même. Cela demande que nous consentions à ne pas nous considérer innocents ou indemnes du mal qui se fait dans le monde, et que nous consentions aussi au pardon que Dieu veut donner : « Dieu, dit l’apôtre Pierre, nous a chargés d’annoncer au peuple et de témoigner que lui-même l’a établi, e Jésus, Juge des vivants et des morts. C’est à Jésus que tous les prophètes rendent ce témoignage : Quiconque croit en lui reçoit par son nom le pardon de ses péchés. »

Or, frères et sœurs, il se fait du mal dans le monde et ce mal crée de la souffrance. Il s’en commet dans les guerres, comme en Ukraine ou en Arménie et au Haut-Karabagh, comme au Burkina-Faso, en Centrafrique, à l’Est de la République démocratique du Congo, au Mali ou ailleurs ; il s’en commet dans l’exploitation de certaines réserves naturelles au détriment des populations locales et de l’équilibre de la planète ; il s’en commet dans nos vies de tous les jours, dans les relations de travail, dans les décisions de certains responsables, dans nos relations de voisinage ou de famille, dans nos mesquineries, nos jalousies, parfois mortifères, nos égoïsmes, nos fermetures les uns aux autres. Tout ce mal appelle justice. Les crimes et les violences commis dans l’Église et dévoilés ces dernières années nous ont rappelé qu’il doit être fait justice aux personnes victimes pour qu’elles puissent vivre. Mais le pardon, comprenons-le, le pardon de Dieu n’est pas absolution collective ou amnistie, et moins encore oubli ou amnésie. Il ne fait pas échapper à la justice, il y fait entrer bien plutôt. Le pardon de Dieu consiste à regarder en face le mal qui est dans le cœur des humains et à nous le faire constater en vérité tout en nous promettant un principe nouveau de vie, un engendrement nouveau, une « nouveauté de vie », celle de l’agneau pascal, celle du Seigneur Jésus, mort pour nos péchés et ressuscité pour notre vie, nouveau principe de vie qui peut s’inscrire dans nos libertés et y opérer son œuvre de purification, si du moins nous y consentons. Croire en la Résurrection, c’est aussi croire que j’ai besoin d’être pardonné et besoin d’être renouvelé au plus profond de moi-même. C’est accepter d’agir, en ma liberté qui détermine mes pensées et mes actes, pour que l’emporte en moi le ferment nouveau, celui qui peut faire de moi « le pain de la Pâque », selon le mot de saint Paul, dans la droiture et la vérité.

Nous l’avons chanté après la seconde lecture : « Mors et vita duello conflixere mirando, la mort et la vie ont combattu en un duel prodigieux ». Fêter Pâques, frères et sœurs, c’est accepter de prendre part à ce combat, non pas à la mesure de nos forces à chacun mais dans la force du Christ Jésus qui cherche à se déployer en moi comme en tous, pour entraîner l’humanité dans sa résurrection, car, oui, il est vivant, il est le Vivant, alleluia,

 Amen.


Partager

Notre site utilise des cookies pour vous offrir une expérience utilisateur de qualité et mesurer l'audience. En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies dans les conditions prévues par nos mentions légales.