Homélie pour le dimanche des Rameaux - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 29 mars 2021

Homélie pour le dimanche des Rameaux

Homélie pour le dimanche des Rameaux, le 28 mars 2021, en la cathédrale Notre-Dame de Reims.

Après l’évangile des Rameaux

« Le Seigneur en a besoin mais il vous le renverra aussitôt. » Jésus a besoin d’un petit âne, un petit âne sur lequel personne encore ne s’est assis. Il n’a besoin que de cela, et juste un moment : « Il vous le renverra aussitôt », mais il ne peut pas s’en passer. Alors, il a tout préparé, tout organisé, visiblement sans en avertir ses disciples les plus proches, en passant par un autre cercle, comme pour leur faire une surprise.

« Le Seigneur en a besoin. » Jésus a besoin de cet ânon, de ce petit âne qui n’a pas encore été monté, pour entrer à Jérusalem, non pas comme il l’a déjà fait plusieurs fois chaque année, en pèlerin, mais cette fois-là en roi, en Messie, en prenant pour lui les signes qui avaient été annoncés par les prophètes. Il entre dans sa ville, mais ce roi-là n’est pas monté sur un cheval impressionnant, mais sur un petit âne tout doux. Il n’entre pas dans la ville pour la dominer et en assujettir les habitants. Il entre dans la ville comme celui qui est rempli de l’Esprit de Dieu et qui vient partager abondamment ce qui le fait vivre.

Il a besoin d’un petit âne, comme il a besoin de l’acclamation des foules et des manteaux que les gens étendent sur le chemin et des feuillages dont ils jonchent son passage. Il vient entraîner les cœurs et les esprits, ouvrir à une joie, à l’espérance qu’une plénitude est possible, qu’elle est à portée de mains.

Nous savons bien ce qui va se passer, nous connaissons ce qui s’est passé. Le petit âne est sans doute retourné au village où il avait été trouvé, mais Jésus n’a pas été acclamé par les foules jusqu’au bout. Bien vite, elles vont se retourner contre lui et tous les pouvoirs terrestres, ceux de l’État et ceux de la religion, vont se liguer contre lui. Il n’agit décidément pas comme on l’attendait. Il ne prend pas le bon chemin pour faire advenir un règne. Pourtant, les évangiles ont recueilli soigneusement le récit de cette entrée solennelle. Ils ne se moquent pas de la foule et de son enthousiasme si fragile. Jésus, surtout, ne la méprise pas.

Il a besoin de nos acclamations, il a besoin de notre espérance, il a besoin que nous le laissions avancer en nous pour qu’il puisse nous entraîner un peu plus loin. Il a besoin que nous nous dépouillions de nos manteaux, de nos statuts sociaux, de nos sensibilités, de nos options politiques, de nos préjugés de classe, des distinctions plus ou moins subtiles que nous entretenons entre nous, et que nous laissions entraîner un peu plus loin, un peu ailleurs, là où la lumière de Dieu prévaut, là où l’amour consenti emporte nos sentiments.  Même si nous ne le faisons qu’un moment, pas très longtemps, « le Seigneur en a besoin. »

Il a besoin que nous nous dépouillions de notre péché, que nous n’y restions pas attachés ni accrochés, que nous le lui remettions pour qu’il soit à jamais à distance de nous. Il a besoin que nous nous consentions à renoncer à notre autosatisfaction comme à toute complaisance en nous-mêmes, et même à la détestation de soi. Il a besoin que nous acceptions d’avoir besoin d’un Sauveur.

Alors, frères et sœurs, en ce dimanche des Rameaux, réjouissons-nous d’agiter nos palmes pour acclamer Jésus. Peut-être ne l’acclamons-nous que ce jour-là, cette unique fois-là. Lui nous prend au sérieux. Lui ne nous juge pas. Il accepte notre acclamation.

D’un seul cœur donc, en unissant nos cœurs à l’exultation de notre maîtrise qui, là-haut, dans la galerie, chante le Christ glorieux, le Messie qui entre dans sa ville, tournons-nous vers l’autel du Seigneur.

Après la lecture de la Passion

Qui est Jésus ? Que disons-nous de lui ? La question parcourt l’évangile selon saint Marc avec une caractéristique : Jésus ne laisse pas dire qui il est. Il faut du temps, il faut qu’il soit allé au bout de sa mission. Le cri du centurion : « Vraiment, cet homme était Fils de Dieu ! » éclate enfin, quoi qu’ait voulu dire cet homme. C’est lui, un étranger, un Romain, un occupant, qui dit le mieux, dans les mots et aussi à partir de l’élan de son cœur, qui est Jésus. Face au crucifié mort, un crucifié parmi des centaines de milliers dans l’empire romain, quelqu’un enfin peut dire qui il est et le dire bien, quelqu’un qui n’est pas possédé par un esprit mauvais Quelqu’un qui pourrait ne voir qu’un excité troublant l’ordre public, reconnaît : « Cet homme était Fils de Dieu ! ».

Qu’est-ce à dire ? Comment le dire pour que ce ne soit pas un blasphème ? Ses accusateurs, bien sûr, n’y parviennent pas, ni les soldats qui lui crachent au visage et qui le giflent, ni le Grand-Prêtre, moins encore Pilate. Ses disciples ne parviennent pas à le dire : l’un trahit, l’autre renie, tous s’enfuient. Seuls disent comme il convient qui est Jésus la femme de Béthanie qui répand un parfum précieux sur la tête du Messie, de l’Oint de Dieu, et le centurion, cet étranger resté humain à travers les guerres et les batailles qu’il a menées. Le disent aussi peut-être des amis silencieux et inattendus, qui se lèvent en quelque sorte tout au long du récit : le propriétaire de la maison à l’étage de laquelle Jésus a pu manger la Pâque avec les siens, Joseph d’Arimathie, les femmes qui restent là à observer.

Et nous, frères et sœurs, que disons-nous de Jésus ? Comment disons-nous qu’il est le Fils de Dieu sans que ce soit un blasphème ou une absurdité ? Par quelle transformation intérieure passons-nous pour le dire en vérité ?

Nous ne sommes pas propriétaires de Jésus, nous sommes ceux et celles qu’il a choisis. Nous ne sommes pas à la hauteur de Jésus, nous sommes ceux et celles qu’il laisse approcher de lui et à qui il remet son corps livré et son sang versé. Nous ne sommes pas les meilleurs des humains, nous sommes celles et ceux à qui il consent à être identifié.

Frères et sœurs, il est encombrant mais pas très grave finalement que nous ayons un masque sur le nez et sur la bouche et que nous devions nous passer les mains au gel avant toute action. Il serait grave que nous ne sachions pas dire pourquoi Jésus est mort. Le sinistre enchaînement qui a conduit à sa mort n’est que le visible de ce qui demeure caché : même nous manquons de foi en Jésus ; même nous ne savons pas recevoir pleinement ce qu’il vient nous donner.

Qui est Jésus ? Saint Paul l’a confessé pour nous : celui qui peut s’abaisser sans mesure pour nous rejoindre jusque dans la mort parce qu’il ne reste pas dans la mort mais est exalté au plus haut des cieux, nous entraînant à sa suite. Il est Fils de Dieu non pas en ce qu’il possède, en ce qu’il prend, en ce qu’il commande, mais en ce qu’il s’abaisse et ne se rend pas justice à lui-même, mais laisse le Père venir à son secours. Il est le Fils qui s’approche de nous jusque dans le gouffre de la mort pour choisir chacun ou chacune comme son frère ou sa sœur et qui laisse le Père l’exalter, afin qu’Il nous entraîne tous.

Frères et sœurs, puisque Jésus nous a choisis, osons le choisir, lui, comme notre Seigneur, celui par le nom de qui nous nous laissons conduire en tous nos actes et en toutes nos pensées,  Amen.


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