Homélie pour le 7ème dimanche de Pâques, le 20 mai 2023, en l’église Notre-Dame de Neuvizy, rassemblement des personnes séparées, divorcées, réengagées - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 23 mai 2023

Homélie pour le 7ème dimanche de Pâques, le 20 mai 2023, en l’église Notre-Dame de Neuvizy, rassemblement des personnes séparées, divorcées, réengagées

Homélie pour le 7ème dimanche de Pâques, année A, le 20 mai 2023, en l’église Notre-Dame de Neuvizy, rassemblement des personnes séparées, divorcées, réengagées

En l’ultime dimanche du temps pascal, la liturgie nous donne à entendre les ultimes paroles de Jésus au soir de la Cène, après le don de son Eucharistie et avant d’entrer dans sa Passion. Après avoir longuement enseigné ses apôtres, il se tourne vers le Père. Nous avons entendu en ce jour les premiers moments de ce que l’on appelle souvent la « prière sacerdotale » de Jésus. Sacerdotale, parce qu’il s’offre au Père, se mettant tout entier à sa disposition, non dans un acte de culte mais dans son être où toute son humanité se tient devant le Père comme le Fils éternel. Ces paroles, frères et sœurs, méritent que nous les méditions au long de notre vie. Notre rassemblement de ce dimanche, ce que nous avons vécu ensemble depuis ce matin autour du thème de la consolation, tout cela m’incite à vous proposer trois réflexions.


La première est que, rassemblés le dimanche, nous prolongeons la situation des apôtres réunis dans la chambre haute, celle où Jésus avait institué son Eucharistie juste avant d’entrer dans son agonie à Gethsémani et dans sa Passion : nous aussi, ici à Neuvizy tout spécialement, sommes avec Marie, mère de Jésus et quelques autres femmes. Mais l’évangile nous donne de déchiffrer le sens profond de tout rassemblement chrétien. Nous sommes, nous chrétiens, portés par la prière de Jésus. Nous, catholiques, sommes habitués à recevoir des dons de la part du Christ, par exemple dans les sacrements. Nous savons ou nous croyons savoir les décrire, nous cherchons parfois à mesurer si nous les avons reçus vraiment. Nous nous y préparons d’ailleurs en les demandant, parfois par une lettre précise. Mais l’essentiel demeure ce que nous avons entendu à l’instant : Jésus prie pour nous, Jésus intercède pour nous auprès du Père. Il est exaucé, il se sait exaucé, comme il l’a montré devant le tombeau de Lazare, au bénéfice de ceux et aussi de celles qui l’accompagnaient, mais il se situe devant le Père non pas comme quelqu’un qui réclame ses droits mais comme le Fils bien-aimé heureux de tout devoir et de se devoir lui-même à la gracieuse générosité du Père. Il se sait exaucé non parce qu’il se sent fort dans une négociation mais parce qu’il se met dans l’attitude juste devant le Père et en lui et parce qu’il connaît le Père, qui n’est pas un tyran conduit par l’arbitraire de ses caprices mais Celui qui l’engendre de toute éternité, Celui qui ne veut avoir d’autre joie que d’engendrer le Fils en lui donnant tout de lui-même. Il est exaucé, frères et sœurs, comme nous le sommes nous-mêmes chaque fois que nous célébrons l’Eucharistie, lorsque nous supplions le Père d’envoyer l’Esprit-Saint sur le pain et le vin pour qu’ils deviennent le corps et le sang du Fils bien-aimé entré dans notre condition humaine en notre faveur et sur nous pour que nous devenions, comme nous le fait dire, par exemple, la troisième prière eucharistique, « un seul Corps et un seul Esprit dans le Christ ». L’Eucharistie n’est pas une chose que nous produirions nous-mêmes ou que l’Église fabriquerait à partir d’elle-même ; elle est un don que l’Église entière reçoit avec émerveillement, avec étonnement même, qu’elle ne peut réclamer comme un droit mais dont elle ne doute pas que le Père veuille la combler puisque le Fils a demandé qu’il en soit ainsi. Il en va de même pour tout sacrement, et même, pour le sacrement de mariage, qui n’est pas seulement la bénédiction de ce qu’un homme et une femme ont réalisé par eux-mêmes mais de don gracieux que le Père leur fait de les unir à l’amour du Christ Jésus, le Fils bien-aimé, pour l’Église, c’est-à-dire la communion des croyants, qu’il suscite du sein de l’histoire humaine. Il en va ainsi, frères et sœurs, du « pain quotidien » : nous le demandons dans la prière des enfants de Dieu et, même lorsqu’il nous vient et de notre travail et de nos engagements dans l’affection et dans l’amitié et dans la vie sociale et des responsabilités que nous assumons avec cœur, il est toujours aussi, ce « pain quotidien » ou « suressentiel » un cadeau inespéré, une grâce qui nous surprend et que nous recevons avec gratitude comme des enfants qui s’étonne et s’émerveille que la bonté du Père soit inépuisable.


Que demande Jésus au Père en cette ultime prière ? « Père, glorifie ton Fils afin que le Fils te glorifie. » Il demande la gloire. A nous de bien comprendre que la gloire dont il s’agit ici, la gloire que cherche Jésus, la gloire qu’au moment où il va sceller sa vie par la mort qu’il va vivre rejeté des humains et abandonné de ses amis mais non du Père, la gloire pour Jésus n’est pas la domination, n’est pas la possession, n’est pas la conquête, elle ne se nourrit pas de splendeur visible et d’éclat indubitable. La gloire qu’il demande, c’est d’être manifesté comme Fils, comme le Fils bien-aimé et rien d’autre. La gloire dont il veut gratifier le Père n’est rien d’autre pour celui-ci que d’être reconnu comme Père par les humains. Il est en effet si tentant pour les humains de se faire une autre image de Dieu, une image à laquelle ils puissent se soumettre – car se soumettre appartient aussi à la gamme des attitudes de l’homme pécheur-, ou qu’ils puissent rejeter facilement, qu’ils puissent s’entretenir à repousser toujours davantage. La gloire de Jésus n’est rien d’autre que de faire reconnaître le Père comme Père, comme pure paternité et paternité purement bienfaisante. Il le fera dans le mystère de la mort et de la résurrection, rendant visible ou perceptible, que le Père rend le Fils vivant par-delà toute mort infligée et lui donne une multitude de frères et de sœurs. Nous pouvons peut-être interpréter la demande de glorification formulée par Jésus en termes de consolation. A quelques instants de l’atroce désolation du jardin de Gethsémani et de sa Passion, à quelques heures de crier : « Eli, Eli, lama sabbactani », Jésus demande au Père de lui accorder la grâce d’être consolé. Non pas de traverser la Passion comme s’il s’agissait d’un mauvais moment, dur à vivre mais vite oublié, mais au contraire en en entrant dans la désolation en acceptant d’en être transformé, d’y être déplacé, d’y apprendre ce qu’il n’aurait pas attendu avoir à apprendre, mais cela pour recevoir plus de vie et plus de capacité à donner la vie.


Dans le chaos du monde, dans ses souffrances, ses manques, au cœur des douleurs que le cosmos ou la nature peuvent nous infliger et de celles que les humains savent si bien s’infliger les uns aux autres, dans les relations personnelles ou dans les injustices et les violences collectives, le Fils qui a vécu tout cela et qui s’apprête à en subir la force destructrice au-delà de ce qui est pensable fait monter vers le Père sa confession qu’il est, lui, le Père vivant et vivifiant à qui il se remet sans réserve, sûr que le Père ne peut que le faire passer de la vie à la vie, sûr que le Père ne peut que renouveler sans cesse son engendrement éternel, sûr que le Père ne veut rien d’autre pour ses créatures que leur vie, c’est-à-dire la capacité pour elles de se rendre les unes les autres de plus en plus vivantes. La gloire du Fils, frères et sœurs, est celle qu’il avait depuis toujours, « avant que le monde existe » mais cette gloire, il ne veut l’avoir désormais qu’en la partageant à toutes celles et tous ceux dont il s’est fait l’enfant et le frère. La gloire qu’il veut apporter au Père n’est rien d’autre que celle qu’il lui donne de toute éternité, mais passant désormais aussi par le cœur libre de celles et ceux que, lui, le Fils, s’unit et qu’il veut s’unir encore davantage. Il ne s’agit pas pour lui de récupérer purement et simplement ce qu’il avait de toute éternité, mais de grandir encore dans la glorification en nous unissant tous à lui, nous tous qui sommes capables de le rejeter ou de le trahir ou de le renier. Nous avons entendu comme le Fils reconnaît que ses amis lui sont donnés par le Père et comment il prie pour les garder tournés vers le Père. Seul peut nous couper de la gloire du Père le péché, parce que le péché nous fait sortir précisément de l’attitude filiale. L’échec, lui, ne nous en fait pas sortir. Il met à l’épreuve notre confiance, il bouleverse notre manière de nous confier à Dieu, notre manière pour parler comme Jésus « d’être au Père » et de venir à lui, mais l’échec, en tant que tel, ne nous fait pas sortir de l’attitude filiale. Il peut nous y faire entrer davantage. Il peut nous purifier de notre tentation de posséder Dieu pour nous et nous ouvrir au davantage et à l’autrement qu’il veut nous faire vivre. Il oblige aussi l’Église entière à découvrir qu’elle est la communauté de celles et ceux que Dieu a choisis, de ceux et celles que le Père donne au Fils, de celles et ceux qui reçoivent tout comme une surprise inattendue, et non de celles et ceux qui ont des droits sur Dieu comme sur eux-mêmes et sur les autres. Elle est la communion de celles et ceux à qui il est donné de vivre ce que les humains ne peuvent imaginer vivre par eux-mêmes, mais de le vivre dans la gratitude d’un don reçu.


Enfin, frères et sœurs, le Seigneur Jésus, lorsqu’il prie ainsi, s’apprête à être arrêté et condamné par les autorités d’Israël. Il va vivre le mystère de l’agonie dans le jardin de Gethsémani. Il va expérimenter au fond de son cœur de Fils fait homme l’inutilité apparente de son sacrifice. Que peut l’offrande de la vie d’un seul humain devant les forces de refus et de rejet qui rongent la liberté des humains ? En cela, il est notre prêtre, celui qui va jusqu’au bout de l’intercession pour les pécheurs que nous sommes. Devant Jésus en croix, mais aussi devant Jésus priant ainsi à l’ultime moment de son dernier repas, nous pouvons nous reconnaître pécheurs, nous pouvons apprendre à reconnaître la part obscure qu’il y a en chacun ou chacune de nous ; nous pouvons consentir, devant Jésus s’offrant avec tant de vérité, à reconnaître que nos cœurs sont partagés, déchirés parfois, que nos libertés sont contradictoires, et le faire non pour nous glorifier nous-mêmes mais pour nous laisser mettre ou remettre sous le regard du Père par celui qui intercède pour nous en sachant ce qu’il y a au fond de nos cœurs, en mesurant combien nos libertés peuvent être blessées ou abîmées mais qui s’offre pour qu’elles puissent redevenir un jour, ne fût-ce qu’au dernier jour, des libertés de fils et de filles. L’apôtre Pierre nous a exhortés à ne pas avoir honte de souffrir pour être chrétiens mais à redouter de souffrir parce que nous aurions été moins qu’humains. Nous savons, comme Église, que nous sommes une communion de pécheurs que le Fils bien-aimé ose tirer vers son Père parce qu’il les reçoit de lui. Que l’œuvre de Dieu pour nous transformer en ses fils et ses filles dignes de l’éternité passe par nous, par nos décisions et par nos désirs. Dans notre sanctuaire diocésain de Neuvizy, nous sommes comme les apôtres et les premiers disciples dans la chambre haute où Marie priait avec eux pour qu’ils reçoivent l’Esprit-Saint. Que l’Esprit nous accompagne, chacune et chacun selon notre histoire et notre responsabilité dans l’Église, afin qu’il vienne le règne de Dieu, dans la vérité et dans l’amour,


Amen.


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