Homélie pour le 7ème dimanche de Pâques - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

Tous les articles

Publié le 25 mai 2020

Homélie pour le 7ème dimanche de Pâques

Homélie pour le 7ème dimanche de Pâques, année A, le 24 mai 2020, en la chapelle du Monastère Sainte-Claire de Cormontreuil.

L’œuvre entière du Christ Jésus, mes Sœurs, celle qu’il a menée sur notre terre, depuis sa conception dans le sein de Marie jusqu’à sa mort sur la croix et sa Résurrection, et aussi celle qu’il mène en nous à travers les siècles, en nous les membres de son Corps, aboutit à la glorification. La gloire. Avons-nous assez conscience de cette réalité ? Elle est le poids de la présence, la splendeur de la beauté, la lumière qui s’ouvre sur une lumière plus grande encore ou l’immensité du ciel dévoilant une immensité redoublée comme on le voit dans certains jeux de nuages avant que le soleil se couche. La vie chrétienne a pour fin la glorification de Dieu ou, plus exactement, la glorification du Père par le Fils après la glorification du Fils par le Père. Y songeons-nous assez lorsque nous nous présentons notre foi à nous-mêmes ? Les malheurs du monde, les inquiétudes des humains, les désordres de la nature, les tourments de nos cœurs occupent tellement nos esprits. Voir Dieu être glorifié malgré tout, à travers tout, le chanter donc, le louer, parfois sans comprendre et parfois en ayant le sentiment de tout tenir en soi. Croire que l’histoire immense des humains est traversée par ce mouvement de glorification mutuelle du Père et du Fils et que ce mouvement-là nous fait être avec plus d’intensité que nous ne le soupçonnons, voilà sans doute une manière d’exprimer la visée ultime de la foi, ce vers quoi elle nous propulse.

« Père, l’heure est venue. Glorifie ton Fils afin que le Fils te glorifie. » Comment le Père glorifie-t-il le Fils ? En le laissant aller au plus extrême de l’abandon pour manifester ensuite dans la Résurrection l’immensité sans borne de sa tendresse pour lui, le laisser être traité comme un maudit pour le faire apparaître ensuite comme Fils bien-aimé, tiré des enfers et exalté à la droite du Père. Pourquoi alors un tel drame, si coûteux en douleur ? Pour nous, pour chacune et chacun de nous : le Bien-Aimé se laisse traiter en maudit, et le Père consent à l’y laisser aller, pour rejoindre tout être humain parti au plus loin, coupé le plus qui soit possible de tout lien avec Dieu, et le Père le relève d’entre les morts et le tire des enfers avec nous qu’il s’associe désormais à jamais. Comment le Fils glorifie-t-il le Père ? En le manifestant comme Père justement, comme celui qui donne la vie aux morts, comme celui qui ne donne pas la mort mais la vie plus forte que la mort, comme celui qui ne veut aucune souffrance mais l’amour en sa plénitude. Le Fils allant à sa Passion ne cherche rien d’autre qu’à nous montrer que le Père nous aime sans rien vouloir tirer de nous qui n’ait notre plein consentement ; le Fils ressuscité et entré dans sa gloire reçoit tout pour nous, pour nous unir à jamais à ce qui lui seul a acquis.

Mes Sœurs, dans le Cénacle, dans la chambre haute, les Onze ont entendu ces paroles de Jésus. Elles ont été prononcées, elles étaient destinées au Père, mais Jésus a voulu que les siens les entendent pour qu’elles leur soient une promesse, source d’espérance au milieu des tribulations. Nous les entendons en ce dimanche, dans le confinement maintenu de votre monastère : elles sont, ces paroles, un don que le Seigneur nous fait, qu’il vous fait, mes Sœurs, pour qu’elles retentissent ensuite dans votre cénacle intérieur à chacune. Puisque nous ne reprendrons les messes avec assemblée dans notre diocèse que dimanche prochain, partout dans notre diocèse, imitant ce qu’ont vécu les Apôtres, des hommes et des femmes reçoivent ces paroles dans le silence de leur appartement ou de leur maison, peut-être en suivant une messe diffusée. Ils peuvent leur accorder toute attention comme jamais. Plaise à Dieu que tous nous prenions la mesure de ce que nous entendons et vivons ainsi. Nous nous ajoutons, dans le contexte même physique où nous sommes, à Pierre, Jean, Jacques et André, Philippe et Thomas, Barthélémy et Matthieu, Jacques fils d’Alphée, Simon le Zélote et Jude fils de Jacques, et nous sommes portés comme eux par des femmes, avec Marie la mère de Jésus, et avec ses frères.

Pourquoi sommes-nous chrétiens ? Parce que nous sommes portés par la prière de Jésus lui-même : « Moi, je prie pour eux : ce n’est pas pour le monde que je prie, mais pour ceux que tu m’as donnés, car ils sont à toi ». Pourquoi sommes-nous chrétiens ? Pour que ce Jésus de Nazareth soit glorifié en nous, parce que nous le reconnaissons Fils de Dieu, envoyé par le Père, et qu’en lui et par lui nous confessons le Père de toute bonté. La vie du monde peut si souvent nous faire éprouver la dureté, le manque, la tristesse, la fragilité de toute relation. Mais nous, au milieu de tout cela, et sans que rien de tout cela nous soit vraiment épargné, nous sommes tenus par la prière de Jésus, par rien de moins que le Fils bien-aimé qui, pour nous, pour vous, pour moi, se tourne vers le Père, se laisse conduire par lui vers l’abaissement le plus ignominieux et l’exaltation la plus réjouissante. Pourquoi sommes-nous chrétiens ? Parce que nous avons été choisis pour être remplis de la vie éternelle, non comme une récompense lointaine à laquelle nous songerions parfois, mais en tant qu’elle consiste à connaître le Père, « le seul vrai Dieu » et celui qu’il a envoyé, « Jésus-Christ ». Remplis de la vie éternelle non pas comme on est gavé de douceurs et de gâteries, mais comblés de connaissance, c’est-à-dire élargis, purifiés, dilatés, brûlés surtout du désir de Jésus que tous les humains découvrent la bonté du Père et de sa souffrance que cette bonté soit voilée aux yeux de beaucoup.

Mes Sœurs, soyons dans la joie et dans la paix, quoi qu’il arrive, car ce que Jésus dit au Père est vrai à jamais : « Et moi, je viens vers toi. » Cette montée-là est le fondement de notre âme, de notre liberté et de notre repos. Car il va vers le Père en nous entraînant tous, un à un ; il va vers le Père chaque fois que nous faisons un acte de foi, d’espérance ou de charité, c’est-à-dire chaque fois que nous agissons vers la vie plutôt que vers la mort, vers la vérité plutôt que vers le mensonge, vers le pardon plutôt que vers la haine, vers l’humilité plutôt que vers la considération de beaucoup. Chaque fois, il est glorifié en nous par nous et il glorifie le Père en nous, en nous donnant de confesser sa bonté. Nous aussi, à notre tour, espérons pouvoir un jour glorifier le Père afin qu’en nous resplendisse la gloire de Jésus, c’est-à-dire que chacun de nos actes et chacune de nos pensées soient portés par le chemin de Jésus, le Bien-Aimé venu jusqu’à nous en renonçant à lui-même pour qu’en lui nous puissions dire au Père : « Et moi, je viens vers toi » et que ce soit le meilleur chemin pour aller vers les autres,

Amen.


Partager

Notre site utilise des cookies pour vous offrir une expérience utilisateur de qualité et mesurer l'audience. En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies dans les conditions prévues par nos mentions légales.