Homélie pour le 6ème dimanche de Pâques, année C, - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 23 mai 2022

Homélie pour le 6ème dimanche de Pâques, année C,

Homélie pour le 6ème dimanche de Pâques, année C, rassemblement des personnes séparées, divorcées, réengagées du diocèse, en l’église de Neuvizy

« Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure. » Sans doute, beaucoup d’entre vous ont-ils engagé leur vie pour cela, en espérant cette venue de Jésus et du Père vers lui et même chez lui, en aspirant à devenir une demeure du Dieu vivant au milieu des humains. En vous mariant, en célébrant votre mariage comme le sacrement de l’amour du Christ Jésus pour l’Église, vous désiriez cela, plus ou moins explicitement, les uns et les autres : que votre foyer puisse devenir une demeure de Dieu, que la qualité de votre union soit telle qu’elle apaise le chaos du monde et appelle en quelque sorte la venue du Dieu Trinité, Créateur et Sauveur. Vous avez pour cela tâché de « garder la parole » du Seigneur Jésus, la parole qu’il a dite et la parole qu’il a mise sur vos lèvres : « Je te choisis pour époux, je te choisis pour épouse, et je me donne à toi », mais cela n’a pas marché, cela ne s’est pas réalisé complètement, le chemin engagé s’est perdu, il est devenu impossible, il vous a fallu y renoncer. 

Que nous dit aujourd’hui le Seigneur, par la liturgie de la Parole de ce dimanche, que nous puissions retenir au terme de cette journée passée ensemble ? Quelles lumière pourrions-nous recueillir, chacun pour sa part et les uns avec les autres pour éclairer notre route, votre route à chacun et notre route ecclésiale ? Trois choses au moins.

« Que votre cœur ne soit pas bouleversé ni effrayé. » Jésus avait des raisons précises de dire cela à ses disciples : si préparés qu’ils fussent, ils allaient être surpris et dispersés devant la violence qui allait atteindre Jésus et le caractère radical de son échec apparent. Nous pouvons être bouleversés et effrayés par l’exigence que le Seigneur semble faire peser sur nous et par le constat de notre incapacité à y répondre. Mais sa parole est claire : « Que votre cœur ne soit pas bouleversé ni effrayé ». Puissions-nous nous aider à tenir dans cette attitude. Puisse l’Église nous aider toujours à tenir dans cette confiance que le Seigneur appelle aussi « la paix », celle qu’il donne d’une manière dont il nous prévient aussitôt qu’elle n’est pas à la manière du monde. 

« Je m’en vais et je reviens vers vous » et encore : « Si vous m’aimiez, vous seriez dans la joie puisque je pars vers le Père, car le Père est plus grand que moi. » Nous comprenons ce départ de Jésus de sa Passion et de sa mort et son retour de sa résurrection, ou alors nous l’entendons de son ascension et de l’attente de son retour glorieux. Sans doute, mais pour nous, aujourd’hui ? Qu’y a-t-il pour nous dans ce temps long de nos histoires terrestres, où le Seigneur paraît être au début puis à la fin mais bien peu présent et actif dans le chemin quotidien. Tant que tout est facile ou que tout se résout au mieux, nous nous contentons des signes faibles de sa présence, mais il semble nous laisser sans forces devant certaines épreuves de la vie et surtout sans solution devant des situations qui sont pour nous porteuses de mort, qui nous empêchent de vivre pleinement, joyeusement, librement, de louer le Créateur sans réserve. Or, il nous promet de revenir et il a l’audace de nous demander de nous réjouir de son départ, parce qu’il va vers le Père plus grand, toujours plus grand que lui. Nous devrions nous en réjouir avant tout pour lui, pour sa joie, mais aussi pour nous car du Père, il devrait revenir vers nous plus fort, plus riche, plus porteur de force, de lumière, de paix. Comment expérimentons-nous cela, lorsque nous sommes blessés, lorsque nous avons échoué, lorsque nous sommes mis de côté et privés des ressources ordinaires qu’il laisse à ses disciples, lorsque l’Église elle-même, en son nom, nous prive de ces ressources et nous traite avec méfiance ? Or, les paroles du Seigneur sont claires : quoi qu’il se soit passé pendant son absence, il revient vers nous, et il revient toujours depuis le Père, depuis le plus haut et le plus intime du Dieu vivant, et sans doute sans renoncer à faire sa demeure en chacun de nous, si nous l’aimons en gardant sa parole. Comment l’Église peut-elle comprendre ces paroles, comment peut-elle y conformer son attitude, comment peut-elle nous aider à y être fidèles les uns et les autres, quoi qu’il soit arrivé ?

« SI quelqu’un m’aime, il gardera ma parole. » « Garder la parole » n’est pas exactement « respecter la loi ». Respecter la loi signifie faire ce qu’il faut pour y être conforme, faire le minimum requis pour ne pas avoir d’ennui. « Garder la parole » veut dire se laisser habiter et travailler par la parole. Un peu après, dans le même évangile, Jésus parle de « garder le commandement » ou de « garder les commandements. » Ici, celui qui aime garde sa parole ; celui qui ne l’aime pas, lui, ne garde pas « ses » paroles. Qui aime Jésus comprend, sans forcément en faire des discours, que ses paroles sont une seule parole, ses paroles et ses actes d’ailleurs, sont une seule immense et unique parole, la parole que le Père qui l’a envoyé prononce et qui est une parole de bénédiction : « Dieu vit que cela était bon » et même : « Dieu vit que cela était très bon ». Tout ce que Jésus fait, tout ce que Jésus commande, et même ce qu’il dit de l’indissolubilité du mariage que l’homme ne doit pas défaire, est à garder parce que c’est l’unique parole paternelle de bénédiction ; tous les commandements de Dieu sont à garder, parce qu’ils expriment l’unique et double commandement : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. » Sans doute, frères et sœurs, y a-t-il ainsi une manière de nous interroger : en vous mariant dans le sacrement du mariage, vous espériez garder la parole du Seigneur ; vous espériez garder ses commandements. En vous séparant, en divorçant, et en vous remariant, est-il impossible que vous ayez continué à garder sa parole et à garder ses commandements ? « Garder » encore une fois veut dire s’en laisser habiter et travailler, accepter que sa parole et ses commandements nous mesurent, dévoilent ce qui habite notre cœur et le comparent à la mesure du Christ Jésus. La vraie question que tout chrétien doit se poser n’est pas : suis-je conforme aux commandements, mais, conforme ou non, est-ce que je garde les commandements, est-ce que je garde sa parole, comment est-ce que je me laisse atteindre par l’unique parole exprimée dans ses paroles et ses actes, dans les paroles et les actes qu’il a laissés à son Église ? 

Dans le livre des Actes des Apôtres nous avons entendu le rude débat qui a animé l’Église primitive à propos de la circoncision et des règles rituelles prévues par ce que les Juifs appelaient la loi de Moïse. Les Apôtres ont compris et accepté que, par la puissance du Christ, mort et ressuscité, le chemin du salut était ouvert à tous les humains, sans qu’ils aient tous à porter le fardeau des Juifs, et ils ont donc décidé de ne faire peser aucune autre obligation pour devenir chrétien que celles qui s’imposent. Or, des trois réalités dont il convenait de s’abstenir, une n’a plus de sens pour nous, une autre est négligée par les chrétiens (s’abstenir de la viande non saignée), reste la troisième : s’abstenir des unions illégitimes. Il revient à l’Église de définir ce dont il s’agit et elle doit le faire en restant fidèle au discernement des apôtres qui consiste à ramener ces interdictions au minimum le plus strict, juste ce qui s’impose. Nous risquons toujours par scrupule de définir un champ trop large, par peur de manquer  à l’attente de Dieu, alors que ce qui intéresse Dieu n’est pas le champ délimité mais le chemin de croissance, le chemin de la garde de la parole de Jésus et de la garde de ses deux commandements sur lequel nous avançons concrètement. N’oublions toutefois pas ce que dit le Seigneur Jésus : « L’Esprit-Saint… vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. » Nous ne gardons pas la parole de Jésus ni ses commandements par nos forces, par nos analyses, ni avec nos faiblesses, mais par son Esprit qu’il demande pour nous et que le Père nous envoie. Quelle confiance faisons-nous à l’Esprit-Saint, comment croyons-nous qu’il éclaire notre intelligence aveuglée parfois par la peur de souffrir, par l’inquiétude de nous retrouver seul ou seule, par le besoin de trouver un soutien ? Comment croyons-nous qu’il fortifie notre volonté, parfois fatiguée de se reprendre toujours dans le même acte qui n’est pas compris ni reçu ? Comment croyons-nous qu’il rejoint notre mémoire par laquelle nous gardons les dons reçus de Dieu, déjà, pour les faire fructifier autant qu’il dépend de nous.

Frères et sœurs, en ce dimanche de Pâques, nous sommes invités à contempler la Jérusalem céleste qui descend, la demeure où Dieu sera tout en tous qui vient vers la terre et la touche tout en intégrant ce qui monte d’elle. Parce que nous écoutons cette parole, nous acceptons de viser cette Jérusalem-là, nous désirons que le chemin de vie nous y mène, nous recevons l’assurance douce et ferme que, de fait, si sinueux et compliqués soient-ils, parce que le Seigneur Jésus nous y précède et nous y accompagne et que l’Esprit-, le Défenseur, œuvre pour qu’elle soit notre avenir. Puisse la rencontre de ce jour et l’Eucharistie que nous célébrons vous assurer tous que l’horizon de votre vie est en vérité la Jérusalem céleste, où l’Agneau nous rejoindra à jamais et fera en nous sa demeure puisqu’il nous aura accueillis dans la sienne,

                                                                                           Amen


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