Homélie pour le 5ème dimanche de Carême - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 29 mars 2021

Homélie pour le 5ème dimanche de Carême

Homélie pour le 5ème dimanche de Carême, année B, évangile de l’année A, célébration du 3ème scrutin pour les catéchumènes, le 21 mars 2021, en l’église Saint-André (espace missionnaire Reims-Est).

Récapitulons les trois évangiles des scrutins. La Samaritaine ne savait pas qu’elle était autre chose qu’une femme vouée à survivre d’un jour sur l’autre ; Jésus ouvre en elle la profondeur de son intériorité et la branche sur le jaillissement de la vie de la Trinité. L’aveugle de naissance ne pouvait que mendier ; Jésus, en lui rendant la vue, lui donne la capacité de mener sa vie par lui-même et dans la lumière inattendue que Dieu vient jusque dans notre condition terrestre. Aujourd’hui, nous avons entendu : « Lazare, viens dehors ! ». Même la mort ne peut empêcher la voix de Dieu de nous rejoindre. La voix même du Créateur qui nous a tiré du néant à l’être retentit pour nous tirer de la mort. En ces trois évangiles, trois aspects du baptême sont présentés à nos catéchumènes, juste avant qu’ils le reçoivent, ou pour mieux dire, par la proclamation de ces évangiles au sein de l’assemblée dominicale, les catéchumènes sont mis déjà en présence du baptême sous ces trois aspects. Le baptême est une plongée qui creuse en nous ou dégage en nous une profondeur intérieure qui nous relie au Dieu vivant ; le baptême est une illumination qui nous donne de voir toutes choses et nous-mêmes et notre existence dans l’horizon non plus de la mort, du manque et de la division, mais de la vie, de la présence abondante et de la communion entre tous ; le baptême enfin est un appel qui nous tire de la mort et de tout enfermement porteur de mort vers la vie et l’action qui fait circuler la vie : « Déliez-le, et laissez-le aller ! »

Le récit de la résurrection de Lazare est complexe. Saint Jean le construit en différents épisodes ou différents tableaux qui méritent tous que nous les contemplions et que nous nous en laissions imprégner. La situation de départ est étonnante : que veut dire Jésus ? Que pense Jésus ? Que veut-il faire ? Son ami Lazare dort-il ou est-il mort ? « Lazare, notre ami, s’est endormi ; mais je vais aller le tirer de ce sommeil » et plus loin, parlant « ouvertement » selon l’évangéliste : « Lazare est mort, et je me réjouis de n’avoir pas été là, à cause de vous, pour que vous croyiez. Mais allons auprès de lui ! » La question sous-jacente est capitale : qu’est-ce que la vie ? Qu’est-ce qu’être mort et qu’est-ce qu’être vivant ? L’évangéliste joue sur deux mots grecs bien différents et nous n’avons en français qu’un seul mot : bios, en grec, dit la vie biologique ; zoé, en grec, dit la vie aussi, mais la vie vraiment vivante. Il ne suffit pas d’être un organisme en bonne santé ou en santé suffisante, ou en survie pour être vivant ; il ne suffit d’être un organisme qui n’est pas mort pour être en vie. Mais réciproquement, peut-on être vivant alors que l’on est biologiquement mort ? Peut-on penser sérieusement qu’il y a vie, vie vivante, lorsqu’il n’y a plus de relation, d’interaction, lorsqu’on ne peut plus se toucher, s’embrasser, agir les uns avec les autres, les uns pour les autres ? La vie, zoé, la vie au sens plein, est la vie vivante. Disons qu’est vraiment vivant celui qui donne de la vie, qui contribue à rendre les autres vivants, comme Dieu est le Vivant qui donne la vie. La vie, bios, biologique, cherche à survivre, c’est le minimum ; la vie, zoé, la vie vivante, donne la vie, rend vivant autour de soi. En allant vers son ami Lazare mais en ayant retardé un peu son départ, Jésus affronte la question, le drame. Il met en lumière ce hiatus entre la vie biologique et la vie vivante. Il ne va pas vers Lazare seulement pour le ramener à la vie biologique mais pour le tirer lui et ses sœurs et aussi ses disciples et nous aussi avec eux vers la vie vraiment vivante. Il n’est pas venu, lui Jésus, pour nous faire échapper au sort commun des humains, à la mort biologique, mais pour nous tirer, malgré la mot et même à travers elle, chacun un par un et tous ensemble vers la vie vivante et vivifiante. La première lecture nous l’a fait entendre, si nous savons comprendre le prophète Jérémie : « Voici venir des jours –oracle du Seigneur- où je conclurai avec la maison d’Israël et avec la maison de Juda, une alliance nouvelle… Je mettrai ma loi au plus profond d’eux-mêmes ; je l’inscrirai sur leur cœur. » Il n’est pas suffisant de renouveler une alliance qui sera toujours rompue parce que les humains ne la respecteront pas ; lui Jésus vient pour sceller une alliance qui ne se déféra pas, parce que c’est depuis le fonds de leur cœur, depuis le plus intime de leur âme, que les humains la mettront en œuvre. Ainsi seulement les humains seront-ils vraiment humains, vraiment dignes de leur condition humaine telle que le Créateur l’a voulue et la veut. Mais, il faut pour cela une action nouvelle de Dieu, une nouvelle naissance, un renouvellement de la création, un nouvel acte, un nouvel engagement de Dieu.

Car c’est le mystère caché dans le récit de ce que nous appelons la résurrection de Lazare. Ce qui n’est pas dit explicitement mais qu’il nous est donné de comprendre, c’est que Jésus doit consentir à mourir. Dans l’intrigue de l’évangile selon saint Jean, ce qui se passa à Béthanie autour de Lazare, de Marthe et de Marie est l’ultime épisode qui scelle la décision de la mise à mort de Jésus. Jésus tire Lazare du tombeau par un simple appel, rien ne paraît plus facile. Mais saint Jean nous le montre pleurant, ému jusqu’aux entrailles, et il nous le fait entendre priant. Jésus s’affronte à la difficulté à croire de Marthe, de Marie, de ses disciples, de nous tous finalement. Il vit, dans la distance qui sépare le lieu où il était de Béthanie et dans les quelques mètres qui séparent l’entrée de Béthanie de la tombe de Lazare, pendant lesquels il rencontre Marthe puis Marie, il vit ce que la lettre aux Hébreux décrit : « Le Christ, pendant les jours de sa vie dans la chair, offrit, avec un grand cri et dans les larmes, des prières et des supplications à Dieu qui pouvait le sauver le mort, et il fut exaucé en raison de son grand respect » – Nous avons entendu, en saint Jean, Jésus dire : « Père, je te rends grâce parce que tu m’as exaucé. Je le savais bien, moi, que tu m’exauces toujours » -, la lettre aux Hébreux continue : « Bien qu’il soit le Fils, il apprit par ses souffrances l’obéissance et, conduit à sa perfection, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause du salut éternel ». Frères et sœurs, pour que nous puissions entendre l’appel de Jésus : « Viens dehors ! » et que nous y obéissions, sortant donc de l’enfermement de la mort et du péché, il faut rien de moins que l’entrée de Jésus, le Fils bien-aimé du Père, dans la souffrance et dans la mort. Il faut qu’il aille jusqu’au bout du don de lui-même et qu’il y consente même pour ceux et celles qui n’en veulent pas, pour que son appel puise percer les murs intérieurs que nous nous sommes bâtis, croyant résister à la mort par le péché. Pour que nous puissions vivre de l’alliance nouvelle, inscrire la loi de Dieu en notre cœur, il faut que le Fils unique vive l’obéissance en notre chair jusqu’au bout en demandant l’achèvement du dessein du Père.

Ce matin, nous accompagnons nos amis qui se préparent au baptême. L’appel du Christ a traversé leurs surdités et leurs aveuglements. Il a creusé en eux des profondeurs ignorées, il a répandu sur eux une lumière inespérée, il veut faire retentir en eux l’appel qui leur permettra d’aller désormais non plus sur les chemins de la survie seulement mais sur ceux de la vie vivante et vivifiante. Ils ont reconnu que ces chemins-là, nous ne pouvions les parcourir qu’appelés par la voix de celui qui est venu nous rejoindre dans la mort mais en étant jusqu’au bout, dans toute sa chair, le Fils obéissant au Père. En nos amis, nous redécouvrons la force du baptême. Soyons attentifs à la voix du Seigneur, celle que nous allons entendre en l’accompagnant dans sa Passion et sa Résurrection, celle qui retentit à notre cœur jour après jour. Le Seigneur ne se résigne jamais à nous laisser dormir dans les tombeaux où nous risquons de nous complaire,

                                                                                                                            Amen.


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