Homélie pour le 5ème dimanche de Carême, année A, le 25 mars 2023, en la chapelle du Pensionnat du Sacré-Cœur, rassemblement des collégiens et lycéens Jubilate - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 27 mars 2023

Homélie pour le 5ème dimanche de Carême, année A, le 25 mars 2023, en la chapelle du Pensionnat du Sacré-Cœur, rassemblement des collégiens et lycéens Jubilate

Homélie pour le 5ème dimanche de Carême, année A, le 25 mars 2023, en la chapelle du Pensionnat du Sacré-Cœur, rassemblement des collégiens et lycéens Jubilate

Effatah : Ouvre-toi ! L’évangile selon saint Marc nous a conservé cet appel de Jésus à un païen qui était sourd et qui avait du mal à parler qu’on lui avait amené. Il nous l’a conservé en araméen, la langue courante du temps de Jésus, et ce mot a été repris dans notre liturgie du baptême. Ce matin, un autre appel de Jésus retentit pour nous : « Lazare, viens dehors », complété par une consigne : « Déliez-le et laissez- le aller ». « Ouvre-toi », « Viens dehors », « Déliez-le et laissez-le aller » : chaque fois, ce sont des paroles de libération et des appels à vivre davantage. Car, dans l’un et l’autre moment, Jésus se montre comme l’Envoyé du Père, le Fils bien-aimé, venu pour servir la gloire de son Père et, comme l’a dit celui que l’on célèbre comme un Père de l’Église, saint Irénée de Lyon : « La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant et la vie de l’homme, c’est la vision de Dieu » (Adversus Haereses, IV, 20, 7).

L’homme sourd et quasi muet était un païen inconnu de Jésus ; Lazare était un juif, ami de Jésus. Or, Jésus ne préserve pas ses amis de la condition ordinaire des humains. Cela provoque de l’incompréhension, en tout cas du désarroi. Nous les attendons affleurer dans le récit évangélique lorsque Marthe et aussi sa sœur Marie disent à Jésus : « Seigneur, si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort » ou lorsque certains de ceux que l’évangéliste appelle « les Juifs », voyant Jésus pleurer, s’interrogent : « Lui qui a ouvert les yeux de l’aveugle, ne pouvait-il pas empêcher Lazare de mourir ? ». Vous-mêmes, frères et sœurs, si j’en juge par les lettres que je reçois de confirmands, vous avez été mis face au drame de la mort, lors de la mort d’un grand-parent ou d’un arrière-grand parent, ou de quelqu’un de plus jeune. Retenons donc ceci déjà : Jésus ne fait pas échapper ses amis au sort commun des humains, avec ses injustices et ses douleurs ; il les associe à son œuvre. Dans sa relation à Marthe et Marie, il les laisse avancer comme elles peuvent dans le chagrin et la douleur du deuil, pour les amener, aussi loin que possible, à la foi en Dieu le Père qui veut que l’être humain vive pour toujours, selon ce que nous avons entendu de la bouche du prophète Ézékiel : « Je vais ouvrir vos tombeaux et je vous en ferai remonter, ô mon peuple. » Il agit ainsi pour que leur chemin de foi puisse éclairer ceux et celles qui les entourent et nous aussi qui entendons le témoignage de leur traversée de la détresse dans l’évangile proclamé.

Relevons encore quelques détails.

Pour guérir l’homme qui était sourd et parlait difficilement, nous avons vu hier matin que Jésus mettait ses doigts dans les oreilles de l’homme et sa salive sur la langue de celui-ci ; face à la tombe de Lazare, l’évangile selon saint Jean nous le montre « saisi d’émotion », « bouleversé », pleurant. Ces gestes anticipent sur le don qu’il va faire de lui-même dans sa Passion et aussi dans son Eucharistie où il se donne par avance, et son émotion comme son bouleversement anticipent sur sa propre mort dans un grand cri puis un grand silence. Toute guérison opérée par Jésus, même lorsqu’une parole y suffit, vient de l’engagement total du Fils en faveur de ceux et celles dont il fait ses frères et sœurs, engagement que rien de moins ne peut exprimer ici-bas que la mise en jeu de sa chair, son corps livré et son sang versé.

D’autre part, devant l’homme païen, nous l’avons vu « lever les yeux au ciel », ce qui est une manière de se tourner vers le Père qui l’a envoyé et, devant la tombe de Lazare, nous l’entendons prier, de nouveau « les yeux au ciel » : « Père, je te rends grâce parce que tu m’as exaucé. Je le savais bien, moi, que tu m’exauces toujours ; mais je le dis à cause de la foule qui m’entoure, afin qu’ils croient que c’est toi qui m’as envoyé. » Nous le voyons aussi lever les yeux au ciel au moment de l’Eucharistie.  Jésus n’est pas venu pour faire sa volonté, son œuvre à lui, mais pour faire celle du Père, pour manifester en tout la bonté inlassable du Père. Jésus ne demande foi en lui que parce que, lui, ne retient rien ni personne pour lui mais nous fait passer vers le Père.

Ajoutons enfin que, dans le récit qui concerne Lazare, Jésus se heurte à la difficulté où sont ses amis eux-mêmes de croire, de croire vraiment, de faire confiance, pleinement, que Dieu, en vérité, agit pour nous conduire de la vie à la vie, de la vie ici-bas à la vie en plénitude, de la vie telle que nous la connaissons dans notre univers à l’intensité de la vie avec Dieu et en Dieu. Devant la douleur de Marthe et de Marie, il éprouve combien le chemin de salut choisi par le Père peut être éprouvant pour les humains et peut faire vaciller la foi des meilleurs ; il anticipe là ce qu’il aura dans peu de jours à vivre avec ses apôtres, ceux qu’il a choisis et qui ne pourront le suivre vraiment jusqu’au bout. AU moment de se livrer entre leurs mains, il mesure leur faiblesse si grande, et pourtant il avance.

Reste, frères et sœurs, à comprendre ceci. Pour Jésus, la mort physique n’est pas le tout de la mort. Mourir en fils ou fille du Père, c’est se remettre entièrement à celui qui nous veut vivants ; c’est donc passer de la vie à la vie en plénitude. Vivre en rupture avec Dieu, en revanche, c’est être déjà mort, coupés de la vie éternelle. Saint Paul essaie de rendre compte de cela dans le passage de la lettre aux Romains qui nous a été proclamé en deuxième lecture. L’Apôtre distingue « l’emprise de la chair » et « l’emprise de l’Esprit ». Les traductions font ce qu’elles peuvent pour rendre le texte grec. Vit sous l’emprise de la chair ou, si vous préférez, sous l’esclavage de la chair, celui dont tout le comportement, les actes et les pensées sont commandés par la peur de manquer, la peur de mourir, le désir d’accaparer, la recherche du plaisir, le besoin de détruire, celui qui se laisse aussi mener par l’opinion la plus bruyante ou par les forces qui s’exercent sur lui, tandis que celui qui vit sous la mouvance de l’Esprit se trouve libéré. Libéré non pour faire tout ce qui lui passe par la tête, mais libéré pour discerner le bien le meilleur que Dieu espère de lui, pour le choisir et le mettre en œuvre avec tout son œuvre. L’emprise de la chair est un esclavage qui nous place de plus en plus sous le joug de la mort et de la peur de mourir ; l’emprise de l’Esprit, de l’Esprit-Saint, est une libération qui nous rend de plus en plus libres de vivre en fils ou en filles du Père, même au milieu de ce monde, choisissant le meilleur et y répondant dans la joie de répondre à l’amour dont nous sommes aimés. Dans cette lumière, pour le dire autrement, est vivant en vérité celui ou celle dont la vie mérite d’être éternisée parce que déjà elle le met en communion avec l’intensité de vie du Dieu vivant, Père, Fils et Saint-Esprit. La vie terrestre, avec ses moments intenses et ses moments plus creux, ses joies et ses peines, ses difficultés et ses soulagements, est le reflet de l’intensité immense de la vie intime du Dieu vivant dans laquelle il veut nous insérer pour toujours. Jésus est envoyé au milieu de nous, il se fait notre frère, il met tout son être dans la balance en notre faveur, pour que le moindre acte qui nous met sur la voie du don de soi, du décentrement, du partage sans retour attendu, de l’attente par-delà toute tristesse puisse permettre de nous tirer dans la vie pleine et entière et surabondante de Dieu.

Alors, chers amis, frères et sœurs, osez croire que, comme le dit l’Apôtre saint Paul, par le baptême vous n’êtes plus esclaves du péché ; apprenez à vivre sous la conduite de l’Esprit-Saint, mobilisant votre être pour choisir le meilleur. Vous serez alors des signes d’espérance pour celles et ceux qui vous entourent, vous servirez la gloire de Dieu, vous vous préparerez à entendre le jour venu la parole qui sauve définitivement : « Lazare, viens dehors » et l’ordre donné aux anges et aux saints : « Déliez-le et laissez-le aller », car la vie éternelle sera infiniment plus vivante et intense encore que notre vie terrestre,                                                                                          

                                                                                                                                         Amen.


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