Homélie pour le 4ème dimanche de Pâques - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 26 avril 2021

Homélie pour le 4ème dimanche de Pâques

Homélie pour le 4ème dimanche de Pâques, année B, le 25 avril 2021, en l’église du Monastère des Bénédictines de Saint-Thierry, messe de l’espace missionnaire de la Suippe et de la paroisse du Mont-d’Hor.

Chaque dimanche, mes Sœurs, frères et sœurs, chaque dimanche, nous célébrons cela : il est, lui, Jésus, le bon pasteur qui donne sa vie pour ses brebis. Chaque dimanche aussi, nous vérifions que nous sommes de « ses brebis » parce que nous le connaissons. Nous reconnaissons sa voix et nous l’écoutons, nous le suivons, nous apprenons du moins à le suivre, à nous laisser entraîner par lui.

Le 4ème dimanche de Pâques est, depuis quelques années, appelé un peu abusivement le dimanche du Bon Pasteur et est devenu une occasion de prier pour les vocations. Dimanche du « Bon Pasteur » est un peu abusif parce que dans le chapitre 10 de l’évangile selon saint Jean, Jésus se présente de plusieurs manières qui varient donc chaque année, mais en fait cette année, l’année B du cycle liturgique, cette appellation est justifiée parce que nous entendons le passage où il se présente ainsi.

Pourquoi y-a-t-il, dans l’Église, des vocations particulières, des vocations de consacrés, femmes et hommes ? Parce que Jésus est le bon pasteur qui ne se contente pas de guider ses brebis convenablement, mais qui donne sa vie pour elles, qui affronte jusqu’au bout pour elles le danger, qui donne sa vie pour qu’elles soient vivantes. La vie consacrée, et spécialement celle des religieuses, est une réponse des brebis à la vérité et à la bonté du berger, du pasteur. Lui engage tout son être dans le service des brebis ; il est beau, il est « juste et bon » qu’au moins certaines brebis engagent tout leur être dans sa suite. Pourquoi y a-t-il des pasteurs parmi les brebis ? Pourquoi certains sont-ils mis à part pour être des pasteurs ? Pour nous rappeler à tous qu’il y a bien un unique bon pasteur. Lui seul, Jésus, est « le bon pasteur, le vrai berger, qui donne sa vie pour ses brebis ». Nous autres : évêques, prêtres et diacres, ne le sommes qu’en un sens dérivé, que dans la mesure où notre action et, dans la mesure du possible, nos pensées, prolongent son action et sa pensée pour ses brebis. Le seul bon pasteur, le seul qui donne sa vie pour ses brebis, le seul qui puisse le faire sans menacer ou abîmer en rien la vie de ses brebis, c’est lui, Jésus, parce que lui seul a « le pouvoir de la donner » et « aussi le pouvoir de la recevoir de nouveau ». Notre Église a besoin de prêtres et d’évêques et de diacres, de pasteurs, pour vivre toujours dans l’écoute de la voix du seul Pasteur et dans la suite de ce seul Pasteur. Sans cela, sans le ministère apostolique qui prolonge et rend palpable le service du Christ Seigneur, nous risquerions de confisquer pour nous-mêmes le don de Dieu, nous nous croirions des brebis capables de se débrouiller toutes seules dans les chemins de la vie, capables de trouver sans aide les pâturages abondants, capables d’éviter seules les attaques des loups et de déjouer seules les séductions des faux bergers.

Jésus, dans le passage que nous avons entendu, distingue entre le bon pasteur et les bergers mercenaires. Au début du chapitre, il distinguait entre le bon pasteur et les brigands. Les bergers mercenaires ne viennent pas pour voler et égorger les brebis ; ils ont un contrat, ils le remplissent du mieux qu’ils peuvent. Ils n’ont pas à donner leur vie pour les brebis, cela n’a pas de sens. Jésus ne leur fait pas de reproches ; il se présente seulement comme étant, lui, d’un autre ordre, dans une relation toute différente. Lui seul en effet a la vie en lui-même et cela alors même qu’il se reçoit du Père. Lui seul peut affirmer : « Je connais mes brebis » en ajoutant aussitôt ce qui est encore plus étonnant : « et mes brebis me connaissent », et prend une comparaison qui est bien plus qu’une comparaison : « comme le Père me connaît et que je connais le Père ». La connaissance qu’a le bon pasteur des brebis et que les brebis ont de leur pasteur prend sa source dans la connaissance mutuelle du Père et du Fils dans leur unité éternelle.

Saint Augustin, grand évêque de la fin du IVème siècle, lorsqu’il commente ce passage, ne craint pas d’écrire qu’il est normal que certains pasteurs ne soient que des mercenaires. Tous les pasteurs dans l’Église sont appelés à entrer dans le mouvement intérieur du seul bon pasteur, de celui qui peut en vérité et en tout bien donner sa vie pour ses brebis parce qu’il les connaît comme nul ne peut les connaître ni ne peut d’ailleurs se connaître, mais on ne peut attendre de tous ceux qui sont nécessaires pour la vie de l’Église qu’ils coïncident avec la relation unique du seul bon et vrai pasteur. Les mercenaires ne sont pas des brigands, c’est déjà beaucoup. Les mercenaires n’ont pas la prétention de faire mieux et pas même aussi bien que leur maître, c’est sans doute sagesse. Nous avons découvert depuis quelques années que certains que beaucoup tenaient pour des pasteurs exceptionnels n’étaient que des brigands déguisés. Les mercenaires sont plus ordinaires, moins réjouissants mais, finalement, ils ne sont pas dangereux du moment que les brebis savent qui est leur seul vrai berger, le seul digne d’être écouté et suivi jusqu’au bout. Cependant, il n’est pas question que les mercenaires se satisfassent de l’être. Ils sont appelés à entrer, comme toute brebis du Seigneur, ainsi que le rendent visibles les consacrés, femmes et hommes, et parmi eux, les religieuses et les religieux, et plus spécialement encore les moniales et les moines, dans le mouvement de celui qui donne sa vie pour nous et qui se donne à connaître pour que nous le connaissions comme il est connu du Père et connaît le Père. C’est pourquoi prier pour les vocations sacerdotales et consacrées n’est jamais demander la quantité et toujours une prière pour la qualité, pour que chacun dans l’Église réponde à l’amour du bon pasteur par son propre amour.

Deux choses encore à ajouter.

Chaque dimanche nous célébrons que le Bon Pasteur donne sa vie et nous vérifions avec joie que nous sommes de ses brebis. Ceci fonde tout simplement la vie de nos paroisses centrée autour de la célébration eucharistique dominicale. Mais le Seigneur nous rappelle aujourd’hui qu’il a d’autres brebis, dans d’autres enclos et qu’il doit les conduire. Voilà qui fonde aussi le fait qu’il y ait de pasteurs humains dans l’Église au risque que certains ne soient que des mercenaires. Nous, évêques, prêtres et diacres, rappelons à toute communauté chrétienne qu’elle n’est pas seule, qu’elle n’est pas le commencement ni la fin de l’Église du Dieu vivant. Peut-être en notre époque, où nous ne pouvons plus tenir les paroisses autour de la célébration eucharistique mais des espaces qui abritent un lieu eucharistique, la Providence nous appelle-t-elle à ouvrir toujours chacune de nos communautés à l’immense troupeau que le Bon Pasteur doit réunir et conduire pour qu’il n’y ait qu’un seul troupeau et un seul berger.

Enfin, vous avez entendu saint Jean : « Le monde ne nous connaît pas ». Nous le vérifions tous les jours. Le débat sans cesse repris sur la laïcité confirme cette parole du Seigneur. Car Jésus vient précisément pour rassembler les humains non pas sur des motifs politiques, non pas sur des motifs économiques, non pas sur des motifs culturels, mais sur l’acte qu’il pose lui, et lui seul, cet acte qu’aucune logique purement terrestre ne peut comprendre comme saint Pierre l’affirmait aux « chefs du peuple et aux anciens » : il est, lui, « la pierre méprisée de vous, les bâtisseurs, mais devenue la pierre d’angle. » Il est rude aux États et à leurs responsables, aux capitaines d’entreprises et aux grands penseurs, d’accepter qu’il ne puisse y avoir de salut en dehors de celui-là, cet homme, Jésus, qui seul peut donner sa vie pour tous les autres et les rassembler tous pour toujours dans une unité vraiment vivante, parce que lui seul est le Fils que le Père aime, au point de le ressusciter d’entre les morts. En lui, nous découvrons ce que ni le politique ni l’économique ni le culturel ne peuvent nous donner : que la vie livrée est source de vie plus haute. Nous, chaque dimanche et chaque jour, nous chantons avec le psalmiste : « La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenu la pierre d’angle ; c’est là l’œuvre du Seigneur, la merveille devant nos yeux. » Puisse ce chant habiter tous nos actes,

                                                                                                            Amen.


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