Homélie pour le 4ème dimanche de Carême - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 15 mars 2021

Homélie pour le 4ème dimanche de Carême

Homélie pour le 4ème dimanche de Carême, Lectures année B, évangile année A, le 14 mars 2021 en l’église Saint-Nicolas de Rethel, célébration du 2ème scrutin.

Frères et sœurs, vous l’aurez compris : les deux premières lectures proclamées ici ce matin sont celles prévues pour le 4ème dimanche de Carême de l’année B ; l’évangile, parce que nous célébrons le deuxième scrutin en faveur de nos catéchumènes, est celui de l’année A qui reprend les grands évangiles traditionnels de la préparation au baptême. Mais les livres bibliques, si différents soient-ils, sont cohérents entre eux. Ce que saint Paul affirme dans son épître aux Ephésiens exprime ce qui nous voyons Jésus vivre en acte dans la rencontre avec l’aveugle-né. Que nous dit l’Apôtre ? « Dieu est riche en miséricorde ; à cause du grand amour dont il nous a aimés, nous qui étions des morts par suite de nos fautes, il nous a donné la vie avec le Christ : c’est bien par grâce que vous êtes sauvés. » « A cause du grand amour dont il nous a aimés » : le texte grec et la version latine disent plutôt, avec plus d’audace : « A cause du trop grand amour dont il nous a aimés », « à cause de l’amour en excès dont il nous a aimés ». Tout l’enjeu de l’amour de Dieu pour nous, de la miséricorde dont il est riche est de faire des morts que nous sommes des vivants. Toute l’épreuve pour nous est d’accepter de reconnaître à la fois que nous sommes des morts à cause de ce que l’on désigne par le mot de « péché » et que nous ne sommes vivants qu’en Jésus, que par lui, mais qu’en lui et par lui nous le sommes vraiment.  

Le récit de l’évangile selon saint Jean peut paraître complexe, il nous permet tout de même de glaner quelques lumières précises :

-la situation de l’aveugle-né ne s’explique pas par le péché. Jésus tord le cou à la tentation constante de relier une situation d’infirmité, de maladie, de malheur, à une faute commise.

-en revanche, cet homme privé de la vue est comme inachevé. Jésus vient parachever l’œuvre du Créateur : il reprend les gestes de celui-ci selon le livre de la Genèse, façonnant de la boue, et il rend la vue à l’aveugle. Le résultat est que cet homme est désormais capable d’aller et venir par lui-même. Il est en un sens plus vivant qu’auparavant, capable de conduire sa vie en fonction de ce qu’il voit.

-nous pouvons vibrer au sentiment d’urgence de Jésus : « Il nous faut travailler aux œuvres de Celui qui m’a envoyé tant qu’il fait jour. » Il me semble que cela veut dire au moins que tant que Jésus est là, il ne peut pas ne pas venir au secours d’un malheur ou d’une vulnérabilité.

-Ce faisant, Jésus dévoile ce qu’il vient faire pour tous les hommes. Tous, nous sommes aveuglés par le péché. En doutons-nous ? Le péché fait précisément que nous ne voyons plus le bien à faire. Nous sommes en colère et nous nous trouvons toujours plus de raison de l’être ; nous sommes saisis du désir de posséder tel objet, et il nous semble de plus en plus que nous ne pourrons pas vivre si nous ne le prenons pas ; quelqu’un nous a fait une remarque, et tout ce qu’il dit ou fait nous paraît viser à nous humilier. Notre regard est déformé par le péché. Nous ne voyons plus que ce qui ne va pas, que ce qui nous menace ou nous ennuie, ou, regardant un autre, nous ne voyons plus que ce qui nous déçoit. Nous sommes aveuglés, parce que le péché déforme notre regard sur la réalité et nous pousse à des décisions qui augmentent le mal. L’aveugle guéri nous montre ce que Jésus nous apporte : s’il nous délivre du péché, il nous rend capables de voir la réalité et de conduire notre vie dans la lumière. Nous pouvons percevoir la bonté de Dieu, reconnaître le bien qui nous est fait et y répondre en faisant le bien nous aussi.

-Dans les termes de saint Paul, nous sommes morts à cause du péché. Nous ne sommes pas morts biologiquement. Mais nous sommes morts au sens où nous ne portons plus la vie. Nous ne rendons pas ou plus les autres et nous-mêmes plus vivants. Nous pouvons comprendre cela à partir du récit des Chroniques. Le peuple d’Israël y apparaît comme l’humanité vue sous une loupe. Le peuple ne parvient pas à tenir dans l’alliance avec Dieu ; il vit d’injustices et de violences, comme tous les autres. D’où l’invasion babylonienne qui apparaît comme un châtiment et la déportation en exil. Le prophète fait entendre cette phrase étonnante : « La terre se reposera soixante-dix ans jusqu’à ce qu’elle ait compensé par ce repos tous les sabbats profanés ». La terre, don de Dieu aux humains, ne répond pas à la promesse qu’elle porte. Alors qu’elle est donnée pour permettre aux humains de se donner la vie les uns aux autres, elle est souillée par les actions de prédation, de domination, de confiscation. Tout cela évoque fortement pour nous le regard que nous devions avoir sur la terre alors que nous prenons conscience des limites de la planète et des destructions que nous y portons. Le thème de Carême du CCFD déclinant Laudato Sì nous y invite. Comment la terre peut-elle redevenir en tout ce qu’elle est dans le dessein de Dieu : un don aux humains pour qu’ils se rendent vivants les uns les autres ? Comment redevenir ou devenir enfin des vivants, des êtres qui portent la vie ?

-la réponse de saint Paul est claire : en Jésus, par lui, avec lui seulement. Nul autre ne le peut. Nous ne sommes pas délivrés ou guéris du péché par des enseignements, par de bonnes intentions, par des exemples de vertu, par les menaces de la loi morale ou de la loi civile. Nous ne pouvons guérir du péché que par l’engagement de Jésus pour nous, que par le don qu’il fait de lui-même en entrant dans notre humanité, en prenant notre chair, en nous rejoignant dans notre condition, et en se livrant dans la mort pour notre salut et en ressuscitant. Pourquoi ? Parce qu’ainsi seulement il peut nous recréer et nous ouvrir un chemin nouveau. Le remède du mal n’est pas dans l’exhortation ni dans l’exemple seulement, il est dans une nouvelle création : elle ne fait pas de nous des êtres parfaits, d’une moralité irréprochable, mais elle crée une nouvelle relation entre Dieu et nous, la relation filiale. Nous ne guérissions pas du péché en revenant à la situation d’avant le péché mais en nous laissant entraîner malgré le poids du péché en nous par la relation du Fils à son Père. Cette relation nouvelle nous rend la capacité de lutter pour sortir des ténèbres.

-Jésus nous montre cela dans sa manière d’agir avec l’aveugle de naissance. S’il voulait juste faire un miracle, il lui suffirait de dire : « Vois » ou de passer la main sur son visage. S’il crache, fait de la boue, l’applique sur les yeux de l’aveugle, c’est pour reprendre les gestes du Créateur mais aussi annoncer qu’il s’engage lui-même, de tout son être, jusque dans sa chair, pour délivrer cet homme. Il ne se contente pas de guérir les yeux de cet homme, il lui offre aussi de voir l’œuvre de Dieu totale et d’y croire. Il lui offre de croire en la bonté de Dieu, jamais absente, mais qui se manifeste au maximum dans la rencontre de Jésus. Dieu ne sauve pas les hommes en général, mais chacun, un à un, par la rencontre avec Jésus, à travers ce que chacun accepte de recevoir de Jésus, qui est le Fils bien-aimé venant à chacun de nous et à nous tous pour nous relier au Père.

-Tel est le défi que les Pharisiens que saint Jean met en scène ne parviennent pas à accepter : Dieu ne se contente pas de nous intégrer à un groupe dont nous sortons par le péché et dans lequel nous pouvons revenir par des actes rituels par exemple. Dieu vient de manière inattendue, inespérée, et il vient pour atteindre le fond du fond de notre cœur. Le livre des Chroniques nous l’a fait entendre : face au mal qui ne cesse de revenir dans le cœur des humains, Dieu, après de multiples appels, réduit le peuple d’Israël à peu de choses en exil, mais lui façonne là un cœur différent et, par Cyrus le roi perse qui renverse soudain la puissance de Babylone, il lui rouvre, sans que rien le laisse prévoir, un chemin nouveau.

Alors, frères et sœurs, nous célébrons ce matin un scrutin pour les catéchumènes. L’Église reprend des gestes de Jésus pour les présenter à Dieu le Père et lui demander de permettre au Fils d’accomplir en eux ou en elles toute son œuvre. Nos amies nous montrent quelque chose ce matin : elles menaient une vie qui n’était pas sans beauté, ni sans bonté ; elles étaient vivantes, bien sûr, et porteuses de vie autour d’elles. Mais elles ont su voir que cela ne venait pas d’elles d’abord, mais du don de Dieu, elles ont su comprendre qu’il valait la peine qu’elles se laissent recréer par le Christ Jésus pour pouvoir, comme le dit saint Paul, « réaliser les œuvres bonnes que le Père a préparées d’avance pour qu’elles les pratiquent ». Nous, chrétiens de vieille souche, nous avons en elle quelque chose à voir et à comprendre. Nous ne pouvons pas nous dire indemnes du péché, nous ne pouvons pas nous dire sans complicité avec la mort, mais nous avons la grâce de voir celui qui vient nous chercher pour nous rendre capables, par-delà nos faiblesses, de servir les œuvres de Dieu, et celui-là, nous pouvons toujours l’accueillir et nous laisser faire par lui. Tel est le trop grand amour dont nous sommes aimés. Que ce soit notre joie, en priant pour nos frères et sœurs, les futurs baptisés de Pâques,                 

                                                                                                                                        Amen.


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