Homélie pour le 4ème dimanche de Carême - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 28 mars 2022

Homélie pour le 4ème dimanche de Carême

année C, le 27 mars 2022, en la chapelle du Lycée Saint-Joseph, à Reims, rassemblement Jubilate des 14-18 ans du diocèse

Nous sommes tous frères, tous frères et sœurs.

Très bien. Mais nous trouvons souvent des motifs pour nous disputer, pour nous mépriser, pour rester indifférents les uns aux autres, pour ne pas nous comprendre, pour prendre ce qui appartient à l’autre ou, à tout le moins, pour en avoir envie. Il n’y a qu’une humanité, sans doute, mais vivre cela, en vivre en vérité, est loin d’être spontané et que nous durions dans des relations fraternelles est loin d’être gagné. Comment sortir de cette situation, comment faire que la fraternité soit heureuse et porteuse de fruits de vie ?

La Bible, cette grande bibliothèque, affronte la question dès son commencement. Dès le livre de la Genèse, elle met en scène deux frères ou deux groupes de frères entre lesquels une rivalité s’insinue. Jésus reprend tout cela dans ses paraboles. « Un père avait deux fils » : ce n’est pas le début d’une anecdote, le lecteur averti de la Bible reconnaît tout de suite que ce qui va suivre traite du cœur du drame de l’humanité. Comment deux frères peuvent-ils hériter de leur père sans se jalouser et en venir à se faire la guerre ? L’héritage peut être matériel : une maison, des champs, une entreprise, des meubles, ou immatériel : des idées, des valeurs, une histoire, des souvenirs… Comment supporter que mon frère ne comprenne pas comme moi ce que nous avons reçu de nos parents ? La question se pose à l’échelle de chaque individu mais elle vaut aussi à l’échelle des peuples, des nations. Nous la reconnaissons dans certaines postures politiques à l’échelle d’un pays, de notre pays, d’un continent comme l’Europe ou du monde. 

« Un père avait deux fils ». Cette parabole, nous l’appelons la parabole du fils prodigue. Pourquoi pas, à condition de ne pas négliger que son commencement met en première position le père et les relations des deux fils. Il est vrai cependant que la première partie, la plus longue, s’intéresse à un des fils, le cadet, celui qui, ayant réclamé et obtenu sa part d’héritage, s’en va la dépenser avec prodigalité, en fait : la gaspiller jusqu’à la ruine. En quelques phrases, Jésus nous retrace la déchéance économique puis humaine de ce jeune homme. Mais ce qui intéresse Jésus est autre chose : Jésus veut nous faire réfléchir sur ce qui permet à ce fils de revenir vers son père. Le fils, que nous appelons prodigue, revient parce qu’il a faim et qu’il est au moins assuré que son père ne lui refusera pas la nourriture, mais il se trouve précédé, dépassé, renouvelé, par l’affection de son père qui se tient prêt, depuis toujours à lui rouvrir l’avenir qu’il a méprisé. En fait, le sujet de cette parabole est plutôt le père :  le fils cadet ne le comprend pas, lui qui a cru devoir partir pour mener une vie libre ; le fils aîné ne le comprend pas non plus, lui qui est resté, bien scrupuleusement fidèle à son devoir mais incapable de s’émerveiller de l’amour du père pour lui. Le fils aîné jalouse son cadet qui a su prendre du bon temps et qui se retrouve à la table du père comme si de rien n’était. Le fils cadet, que pense-t-il de son aîné ? Comment envisage-t-il de reprendre leurs relations ?

Jésus crée cette parabole parce qu’il a constaté que les Pharisiens  et les scribes, disons « les gens biens », se scandalisent que, lui Jésus, fasse bon accueil à ceux qui sont dans des situations de vie peu conformes à la sainteté du peuple d’Israël. Ceux-là sont comme le fils aîné, ils n’entrent pas dans la joie du Père qui voit le cadet revenir à la vie. Jésus veut réconcilier les deux parties de l’humanité : les gens biens et les gens à la vie abîmée ; sa parabole révèle que les uns et les autres doivent ou devraient changer de regard sur le Père. Il faut que les personnes à la vie abîmée découvrent que le Père est toujours prêt à les restaurer dans leur dignité de fils et de filles et qu’être fils et filles n’est pas être privé de liberté et d’épanouissement ; il faut que les gens biens découvrent que le Père les associe à son œuvre de salut et souhaite qu’ils partagent son désir que les autres retrouvent le chemin de la vie. 

Nous pourrions dire que, dans la parabole, manque un troisième fils : celui qui serait avec le Père et qui serait allé chercher le cadet dans sa déchéance en l’assurant que le Père est prêt à le recevoir. Jésus est ce Fils-là, celui qui sait de tout son être ce que le père de la parabole dit à son aîné : « Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. » Il est celui qui peut quitter le Père, non pour aller s’amuser mais pour aller chercher le fils perdu et tracer pour lui le chemin du retour. Il est celui qui peut convaincre tous les fils aînés, tous les gens biens, qu’ils n’ont pas à mépriser ce qui se sont perdus mais à se réjouir de les voir revenir. Saint Paul affirme cela lorsqu’il écrit : « Dieu nous a réconciliés avec lui par le Christ. » Qui va réconcilier les humains si facilement divisés ? Non pas l’empereur qui par la force va contraindre des adversaires à revenir dans la sujétion, non pas les forces politiques, économiques et culturelles qui ne guérissent pas les cœurs, mais le changement de regard sur Dieu, le Père de tous les humains, et ce regard nouveau nous est rendu possible par le Fils bien-aimé qui nous dévoile combien Dieu attend et espère que nous découvrions, dans tout le réel de nos vies, combien nous comptons à ses yeux et combien il attend que nous sortions de nos égarements, de l’emprisonnement dans nos besoins, de l’enfermement dans l’autosatisfaction. « Nous vous le demandons au nom du Christ : laissez-vous réconcilier avec Dieu ». Vous avez vécu cela dans le sacrement de la réconciliation.

Le thème de votre rassemblement était : « Il posa les yeux sur lui et il l’aima. » A nous, frères et sœurs, d’apprendre à reconnaître combien nous sommes aimés et à choisir de mener notre vie comme une réponse à cet amour. Car, alors nous vérifierons que « le monde ancien s’en est allé », le monde du manque, de la peur, de la méfiance, de la jalousie entre les frères et sœurs humains, et qu’« un monde nouveau est déjà né »,

                                                                                                                                                Amen.


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