Homélie pour le 3ème dimanche de l'Avent - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 15 décembre 2020

Homélie pour le 3ème dimanche de l’Avent

Homélie pour le 3ème dimanche de l’Avent, année B, le 13 décembre 2020, en l’église Saint-Luc de Monthois, confirmation des lycéens du Vouzinois.

« Je ne suis pas le Christ », « Je ne suis pas le prophète Élie », « Je ne suis pas le Prophète annoncé » : sont-ce des réponses suffisantes à la question : « Qui es-tu ? », question reprise et renforcée en : « Que dis-tu sur toi-même ? ». Vous, jeunes gens qui vous tenez ce matin devant l’autel, vous êtes ou vous entrez dans l’âge où l’on vous pose cette question et où vous vous la posez à vous-mêmes, plus ou moins secrètement : « Qui suis-je ? », « Que puis-je dire de moi-même ? » ou encore : « Que veux-je dire de moi-même ? »

Vous percevez en effet que vous n’êtes pas seulement le fils ou la fille de vos parents, la sœur ou le frère de vos frères et sœurs. Vous êtes, chacune, chacun, un être unique, inimitable, une manière unique d’être un homme ou une femme, d’être un être humain au milieu de tous les autres. Pour nous chrétiens, chacun, chacune porte d’une manière unique quelque chose de la bonté, de la beauté et de la grandeur de Dieu, ce que dit l’Écriture sainte qui nous assure que nous sommes créés à l’image et à la ressemblance de Dieu.

Jusqu’à un certain point, qui je suis dépend de ce que je veux, de ce que je choisis, de ce que je fais. Vous le savez bien : vous êtes appelés à choisir une filière d’études, à vous orienter vers un métier, à développer vos compétences intellectuelles, artistiques, sportives, à améliorer votre capacité à entrer en relation avec les autres et à faire des choses, à vivre des moments, avec eux.

Mais à un autre niveau, sans doute plus important, plus décisif, personne ne sait vraiment qui il est et, pourtant, chacun, chacune, sent qu’il doit devenir, qu’elle doit devenir, celui ou celle qu’il ou elle est. Qui je suis dépend de ce que j’ai reçu et de ce que j’ai vécu. Même si je le rejette, même si je voudrais le nier, même ce faisant, je m’affronte à ce qui me précède, à ce que je n’ai pas choisi mais qu’il m’a bien fallu vivre ou supporter, qu’il me faut bien être. Cependant, alors même que je reconnais le poids de ce qui s’impose à moi, je découvre que je suis autre que cela, que je peux l’être encore davantage, de manière affirmée ou de manière secrète, que je ne coïnciderai avec moi-même qu’en allant au moins un peu au-delà de ce qui m’est donné ou imposé.

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Jean, celui qui baptisait sur le bord du Jourdain, vous l’avez entendu ne répond pas tout à fait à la question : « Que dis-tu sur toi-même ? ». Il n’énonce pas un projet, il ne décrit pas ses compétences, il ne donne pas son curriculum vitae. Il cite le prophète Isaïe : « Je suis la voix de celui qui crie dans le désert : Redressez le chemin du Seigneur ». Jean ne s’occupe pas trop de qui il est. Nous avons entendu, la semaine dernière, qu’il se nourrissait de miel sauvage et de sauterelles et qu’il s’habillait de peaux d’animaux. Il se reconnaît dans une mission. Sa mission, c’est de crier : « Redressez le chemin du Seigneur » et de baptiser. Sa mission consiste à annoncer aux humains qu’un avenir vient à eux, que quelqu’un vient à eux, qu’ils ne sont pas seuls, qu’ils ne sont pas condamnés à se fatiguer sans but : quelqu’un vient à eux à la rencontre de qui il vaut la peine de se préparer. Quelqu’un que Jean ne décrit pas, qu’il ne prétend pas mieux connaître que les autres, quelqu’un qu’il reconnaît comme plus grand que lui, d’un autre niveau que lui. Jean, donc, se reconnaît dans une mission. Il accepte de ne pas pouvoir se définir lui-même mais de s’identifier à ce qu’il a à faire, à dire, à proclamer pour le bien de tous.

Vous, frères et sœurs, qui entourez ces jeunes gens en ce jour, comment répondriez-vous à la question : « Qui êtes-vous ? », « Que dites-vous de vous-mêmes ? » ? Répondrez-vous en disant votre nom, votre métier, votre situation de famille, le nombre de vos enfants, vos goûts de sportifs ou de lecteurs ? Tout cela est bel et bon, mais ces jeunes gens aujourd’hui nous rappellent une tout autre dignité de chacun et de chacune de nous. Ils viennent pour être confirmés par le don de l’Esprit-Saint dans leur dignité de fils ou de filles du Père. Ils viennent vers Celui qui est au milieu de nous et qui est plus grand, d’un autre ordre, que Jean le Baptiste. Ils viennent pour ne pas être seulement des travailleurs de ce monde, des producteurs consommateurs doués de surcroît de quelques talents de société, mais pour être des artisans du monde nouveau et éternel, pour être remplis de l’Esprit du Dieu vivant et devenir pour tous les autres des porteurs de bonnes nouvelles, des signes qu’il y a un chemin de vie pour chaque être humain, des promesses, chacun, chacune, selon ce qu’il a ou ce qu’elle a d’unique, que l’existence de tout être humain le prépare à la rencontre  du Dieu vivant et de tous les autres en Lui.

Vous le savez bien, frères et sœurs. Il y a dans vos vies tout ce qui peut se décrire ou se raconter, se compter même, et il y a aussi, et surtout, ce qui échappe à toute description, ce qui ne peut être dénombré, ce qui compte plus que tout mais que peu ou personne ici-bas, et parfois pas même chacun pour sa propre vie, ne peut dire en vérité. Il y a ce que l’on fait et qui se voit, et il y a ce que l’on donne de soi, ce que l’on abandonne, ce que l’on choisit et en vue de quoi l’on choisit. Par tout cela, nous sommes liés au Christ Jésus ; en tout cela nous nous unissons à lui ; par tout cela son Esprit-Saint nous fait grandir en lui.

Jeunes gens qui vous tenez devant l’autel, dans un instant, je vais vous imposer les mains et appeler sur vous de la part du Père éternel le don de l’Esprit-Saint pour que celui-ci vienne, par la puissance du Christ Jésus, habiter vos libertés en leur intimité la plus profonde. En bien des sens, il n’y aura rien de changé en vous après cela ; en un sens, vous serez nouveaux. Vous aurez revêtu « le vêtement du salut », vous serez couverts « du manteau de la justice ». Vous serez au milieu de l’humanité de ceux et de celles qui font monter « la justice et la louange devant toutes les nations ». Peut-être certains d’entre vous feront-ils de grandes choses aux yeux des humains, vraisemblablement ferez-vous surtout des choses ordinaires, inaperçues, mais vous recevez ce matin l’assurance que, dans le plus banal, le plus quotidien, le plus répétitif, vous aurez désormais la liberté de rendre présentes la bonté et la beauté et la grandeur de Dieu. L’Esprit-Saint vous est donné en plénitude pour que rien de ce que vous vivrez ne soit valable que pour ce monde terrestre et pour que tout puisse servir à préparer le Royaume qui vient.

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Il faut encore rendre clair ceci. A la différence de Jean le Baptiste, vous ne pourrez plus répondre : « Je ne suis pas le Christ ». Car confirmés, par l’onction du Saint-Chrême, vous allez devenir d’autres christs, d’autres oints du Seigneur, d’autres Messies. Car le Seigneur Jésus se tient au milieu de nous pour nous donner part à ce qu’il est et même à qui il est. Seulement, au long de votre vie, il sera bon que vous vous souveniez que ce vous êtes et serez, au plus profond, au plus vrai de votre être, ne vient pas seulement de vos bonnes dispositions, de vos talents, de vos vertus, mais vous est donné par celui qui est plus grand que nous tous, dont aucun de nous n’est digne de délier la courroie de la sandale, et qui, lui, vient pour nous laver les pieds et nous donner part à sa vie.

Alors, chers amis, ne vous souciez pas trop de qui vous êtes ni de ce que vous serez. Occupez-vous-en un peu, mais pas trop. Car vous êtes et serez plus que vous ne pouvez le savoir si vous recevez toujours ce que donne le Seigneur Jésus. Alors, comme le dit l’Apôtre : si nous n’éteignez pas l’Esprit, si vous ne méprisez pas les prophéties, celles de Jean le Baptiste, d’Isaïe et de quelques autres, alors vous pourrez être dans la joie, vous serez dans la joie, parce que vous porterez de la joie autour de vous. Pour vous, notre prière en ce jour reprend celle de l’Apôtre : « Que le Dieu de la paix lui-même vous sanctifie tout entiers : que votre esprit, votre âme et votre corps soient tout entiers gardés sans reproche pour la venue de notre Seigneur Jésus-Christ »,                                                             

Amen.

+ Eric de Moulins-Beaufort


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