Homélie pour le 3ème dimanche de Carême, rassemblement interdiocésain Kérygma - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 13 mars 2023

Homélie pour le 3ème dimanche de Carême, rassemblement interdiocésain Kérygma

Homélie pour le 3ème dimanche de Carême, année A, le 12 mars 2023, en la chapelle du collège Notre-Dame de Reims, rassemblement interdiocésain Kérygma

« Si tu savais le don de Dieu… » : frères et sœurs, voici ce que nous rêvons tous sans doute de pouvoir dire un jour à tant et tant de personnes que nous rencontrons. « Si tu savais le don de Dieu… » : et nous espérons pouvoir prononcer cette phrase avec un ton qui s’approcherait de celui de Jésus, un ton qui donne confiance à notre interlocuteur ou notre interlocutrice et l’encourage à nous interroger plus avant. Nous rêvons d’autant plus de pouvoir adresser cette parole à certains que beaucoup autour de nous portent au cœur la question par laquelle les Hébreux avaient mis Dieu à l’épreuve : « Le Seigneur est-il au milieu de nous, oui ou non ? » « Si tu savais le don de Dieu », ne serait-ce pas alors une belle réponse qui nous permettrait d’enclencher sur le fameux kérygme qui nous a occupés pendant ces deux jours de rassemblement. Car, nous l’avons compris : il ne suffit pas de connaître le kérygme ; encore faut-il être intérieurement en situation de l’annoncer, de le porter, de le partager.

La question « Le Seigneur est-il au milieu de nous, oui ou non ? » taraude certains, surtout dans des situations de douleur ou de détresse, mais d’autres de nos contemporains vivent très bien en apparence, sans se la poser jamais. L’idée de l’existence d’un Seigneur ne les a pas effleurés ou bien elle a déserté leur esprit. Pourtant « Si tu savais le don de Dieu » ne s’adresse pas seulement à ceux et celles qui sont en état de manque ou de guerre ou de maladie. A quelqu’un qui se porte très bien, Dieu a mieux encore à apporter, du moins le croyons-nous, un don qui dépasse toute eau courante, un don qui peut transformer chacun en porteur de sens, de lumière, de rafraichissement, de force pour les autres.

Nous connaissons tous bien le récit de la conversation de Jésus avec la femme de Sykar. Nous avons encore admiré la patience avec laquelle procède Jésus. Il n’assène pas à la femme ce qu’il a à lui dire ; il se sert de son besoin, de son besoin d’eau pour la cuisine et le ménage et il dévoile en quelque sorte dans ce besoin une attente plus fondamentale, une attente qui habite son être le plus profond. Nous avons entendu encore comment Jésus fait basculer la conversation avec sa demande : « Va, appelle ton mari, et reviens ». Ne croyons pas que Jésus veuille humilier cette femme. Au contraire. Mais elle vient de demander : « Seigneur, donne-moi de cette eau, que je n’ai plus soif, et que je n’aie plus à venir ici pour puiser », et Jésus la renvoie vers les autres, à commencer vers celui à qui elle est liée, son mari. Car le don de Dieu ne peut être capté par une personne pour elle-même : il est donné à une personne pour que celle-ci le partage avec d’autres, pour que celle-ci se mette au service des autres. Or, la femme va vivre cela. Elle part, laissant sa cruche, et s’en va, non pas tant vers son ou ses maris que vers tous ses concitoyens pour les inviter à venir voir celui qu’elle a rencontré. Elle ne garde pas ce qu’elle a compris pour elle, mais elle le partage avec les autres, de sorte que ceux-ci disent, selon l’évangéliste : « Nous savons que c’est vraiment lui le Sauveur du monde. »

Alors vient pour nous une autre question : quelle expérience ont-ils du salut, les habitants de Sykar ? On ne voit guère ce que Jésus leur a apporté, sinon les paroles dites à la femme et la promesse de l’eau jaillissant au fond des cœurs. Mais, ici, nous découvrons que le salut n’est pas d’abord la solution aux épreuves, aux difficultés, aux souffrances d’ici-bas, encore que tout cela puisse être donné cependant : le salut consiste en une nouvelle manière de regarder toute réalité, et soi-même et Dieu. Il consiste à ne plus se voir seulement comme un être de besoin, vivant sous un ciel plus ou moins bienveillant et entouré d’autres êtres humains en étant solidaires de certains et en se méfiant des autres. Le Sauveur du monde dévoile à chacune et à chacun, même une modeste femme de Samarie ou les habitants d’une humble bourgade d’un canton écarté de l’Empire romain, méprisé par les Juifs, qu’il est, qu’elle est habitée par une profondeur que Dieu aspire à remplir et à dilater, que chacune et chacun est appelé à devenir le vrai temple de Dieu, le lieu de sa présence et le diffuseur de sa bonté pour les humains. Le salut ne consiste pas en ce que nous soyons débarrassés ici-bas de toute épreuve et de toute calamité, mais en ce que, même dans l’épreuve, même dans les calamités et aussi dans la trame la plus ordinaire des jours, celle qui nous fait aller jour après jour chercher de l’eau au puits, nous soyons ouverts à l’Esprit-Saint qui veut sourdre en nous comme une eau vivante et jaillissante et remplir chacun de nos actes de la charité de Dieu et qu’ainsi, déjà ici-bas, déjà dans la trame ordinaire des jours, déjà dans les épreuves et les calamités, nous vivions de la vie éternelle, du jaillissement éternel du Père, du Fils et du Saint-Esprit. C’est cela que nous avons à dévoiler à nos contemporains, cette espérance formidable pour chacune et pour chacun

Mais ce qui rend possible aux humains de se comprendre ainsi, c’est la parole, la promesse de ce Jésus-là, de celui qui s’est assis un jour près d’un puits en Samarie. Lui peut dire : « L’eau que je lui donnerai deviendra en [toi] une source d’eau jaillissant pour la vie éternelle », parce que, lui, en vérité, vient tout entier du Père et s’apprête à faire de sa vie un don, à laisser jaillir jusqu’au bout, jusqu’à son cœur transpercé, le flux de l’Esprit qui l’habite totalement. Lui se donne pour nous, lui se livre pour nous, lui remet entre nos mains son corps livré et son sang versé, pour que s’ouvre en nous la profondeur où l’Esprit pourra jaillir, discrètement et inlassablement. Lui, comme l’a écrit saint Paul, « est mort pour nous, alors que nous étions pécheurs » et il nous permet de mettre notre fierté, non pas dans nos œuvres mais dans le don qu’il nous a fait de lui-même et d’avoir espérance que l’Esprit-Saint en nous nous met, malgré nos péchés, sur le chemin de la charité, « l’amour de Dieu répandu dans nos cœurs par l’Esprit-Saint qui nous a été donné ».

Frère ou sœur, « si tu savais le don de Dieu »… Il me semble qu’en ces deux jours nous avons goûté ce qui nous a été donné. Nous l’avons goûté en faisant mémoire chacun de son histoire ; nous l’avons goûté ensemble en le partageant dans la confiance de la fraternité. De ce don de Dieu dont nous vivons, qui habite le plus intime de notre âme, nous voudrions être les témoins ; nous voudrions amener beaucoup de nos frères et sœurs en humanité jusqu’à Jésus, pour qu’ils puissent dire à leur tour : « Nous-mêmes, nous l’avons entendu, et nous savons que c’est vraiment lui le Sauveur du monde. » Nous sommes parfois timides, nous n’osons pas livrer ce qui nous fait vivre au plus profond, ce qui fait de nous des vivants pour la vie éternelle. Il peut même se faire que parfois nous jugions que tels autres n’en sont pas vraiment dignes. Dans cette Eucharistie, en célébrant l’acte par lequel Jésus, le Seigneur, nous remet son corps livré et son sang versé, demandons-lui de nous embaucher pour sa moisson. Demandons-lui de croire qu’il nous envoie moissonner ce qui ne nous a coûté aucun effort, puisque lui est mort pour tous et a percé le chemin vers la vie en plénitude,

                                                                                                                                  Amen.


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