Homélie pour le 2ème dimanche de Pâques - dimanche de la divine miséricorde - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 20 avril 2020

Homélie pour le 2ème dimanche de Pâques – dimanche de la divine miséricorde

Voici l’homélie de Mgr Eric de Moulins-Beaufort pour le dimanche in albis, dimanche de la divine miséricorde, prononcée le 19 avril 2020, au 34ème jour de confinement.

« Jésus vint, et il était là au milieu d’eux ».

Frères et sœurs, voici, fondamentalement, ce qu’est la Résurrection, l’expérience du moins que nous pouvons en avoir : « Jésus vint ». Le Crucifié, le « mis au tombeau », vient, et il se tient là, au milieu de ses disciples ; il vient, et il se tient là au milieu de nous ; mieux encore, il vient, et il se tient là en nous, non comme une chose morte dont nous nous approprierions la substance vitale, mais parce qu’il est un vivant, parce qu’il est Le Vivant, qui vient nous apporter la paix, la joie, le pardon, et nous envoyer vers le vaste monde.

La situation des disciples, en ce premier jour de la semaine, se tenant enfermés dans un lieu aux portes soigneusement verrouillées par peur des autorités juives, rappelle facilement la nôtre. Chacun de nous peut faire à sa guise des rapprochements entre le Cénacle où se tenaient les disciples et lui-même en son confinement solitaire ou familial. Voici donc notre vœu, notre prière en ce dimanche : que le Seigneur vienne en nos cénacles, qu’il se tienne, lui, au milieu de nous ; qu’il vienne jusqu’en notre cénacle intérieur à chacun ou chacune et qu’il s’y tienne, diffusant en nous sa paix, sa joie, son pardon ; qu’il rejoigne les personnes malades, les mourants, les personnes isolées et immobilisées, les prisonniers, et que sa présence – sa venue plus exactement – transforme leur chambre ou leur pièce en un nouveau cénacle, prêt pour le don de l’Esprit-Saint.

Le récit de l’évangile selon saint Jean que nous venons d’entendre fonde en quelques façon le dimanche : le premier jour de la semaine, une première fois, puis, une seconde fois, huit jours plus tard, Jésus vint et se tint là au milieu de ses disciples, et huit jours plus tard encore, jusqu’à la fin des temps. Nous vivons cela, chaque dimanche, le premier jour de la semaine, dans nos rassemblements eucharistiques. Jésus vient et il se tient là au milieu de nous et sa venue nous renouvelle, nous fortifie, nous console, nous dynamise, nous transforme et il nous envoie vers le monde en sa diversité et ses agitations et ses constructions y vivre de la nouveauté qu’il nous donne. Nous vivons cela dans la liturgie de la Parole, lorsque nous entendons proclamer l’évangile et que nous répondons : « Louange à toi, Seigneur Jésus » et nous le vivons encore, de manière paradoxalement plus mystérieuse et plus palpable, dans la liturgie eucharistique, lorsque, par la puissance du Père qui envoie l’Esprit, il met entre nos mains son sacrifice unique pour le salut du monde et qu’il fait du pain et du vin, nos modestes offrandes, tout son être à lui livré pour nous, donné pour notre vie. En plus d’un sens, nous le voyons, nous le touchons, dans le pain et le vin consacrés élevés devant nous et que nous saluons, et dans l’assemblée où nous reconnaissons les membres du Corps qu’il est venu et qu’il vient constituer.

En ces jours, dans le prolongement du Carême et de la Semaine Sainte que nous avons vécus d’une manière inédite, nous sommes privés de voir et de toucher le Seigneur qui vient. Vous l’êtes, vous fidèles baptisés, qui suivez la Messe grâce à la radio ou au réseau internet ou à la télévision, mais nous le sommes aussi, nous prêtres, qui, certes, tenons entre nos doigts « le pain de la vie et la coupe du salut » mais qui ne pouvons vous voir, vous le Corps vivant du Christ, celles et ceux à qui il vient pour les envoyer dans le monde porter son pardon et sa paix et sa joie. Vous êtes dans la situation de Thomas, de saint Thomas : il n’était pas là le soir du premier dimanche, il eût pu, il eût dû se contenter du témoignage des Dix autres. Il a réclamé de pouvoir lui aussi « mettre son doigt dans la marque des clous et sa main dans son côté ». Huit jours plus tard, Jésus vient, et nous avons entendu le récit de cette rencontre. Nous y reconnaissons la miséricorde divine ! Dans la miséricorde du Père, Jésus vient ouvrir une porte à celui qui refuse d’avancer sur le chemin : « Cesse d’être incrédule, sois croyant ». Jésus ne demande pas à Thomas de croire n’importe quoi, de courir derrière les miracles ou les voyants. Il ne nous le demande pas davantage. « Il est ressuscité comme il l’avait dit » et toutes les Écritures, la Loi et les Prophètes, en portent témoignage. Toute l’histoire de Dieu avec son peuple reçoit une cohérence, une force, inattendue mais tellement décisive, car il ne nous a pas fait vivre pour que nous mourrions, mais « dans sa miséricorde, pour nous faire renaître », c’est-à-dire nous donner un principe nouveau de vie, « par une vivante espérance, pour l’héritage qui ne connaîtra ni corruption, ni souillure, ni flétrissure. » La joie que nous pouvons partager à l’annonce de la Résurrection ne nous trompe pas, elle nous donne de traverser les épreuves sans la perdre, parce que nous découvrons l’amour de Jésus pour nous, lui qui vient nous unir à lui, le Fils, et que nous sommes appelés à l’aimer.

Nous, évêques et prêtres qui célébrons, nous ne sommes pas seulement dans la position des Dix qui racontent à Thomas la visite qu’ils ont reçue. Nous voyons en vous se réaliser ce que les Actes des Apôtres décrivent : « les frères étaient assidus à l’enseignement des Apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières… tous les croyants avaient mis tout en commun ; ils prenaient leurs repas avec allégresse et simplicité de cœur ; ils louaient Dieu et avaient la faveur du peuple tout entier ». Vous vivez cela dans vos familles, dans vos fraternités, dans les groupes de partage de la foi auxquels vous appartenez. Sans doute, peut-on facilement y voir la routine, la médiocrité, le goût des cancans, mais ne voir que cela serait rester « incrédule ». Dans tout groupe chrétien, réuni au nom du Seigneur, se vit un peu ou beaucoup ce que la description de la première communauté par saint Luc rend visible : la réalité de la charité, de l’amour mutuel, de la joie d’être ensemble, de l’espérance d’apprendre à s’aimer et de partager cet amour dans la paix. Plus que jamais, nous devons, nous chrétiens, nous aider à faire cette expérience : le Seigneur vient à nous et il vient à nous, si bien que chacune de nos rencontres est une participation à la rencontre du Ressuscité, chacun de nos repas nous fait le rencontrer, chacune de nos prières nous intègre davantage en lui. Voir cela au moins un peu donne de la joie, une joie que nul ne peut ravir.

Alors, frères et sœurs, ne pas pouvoir communier sacramentellement est douloureux ; ne pas voir le Corps du Christ grandir en vous est douloureux ; ne pas avoir pu encore accueillir nos frères et sœurs catéchumènes est douloureux. Mais, dans cette épreuve, nous pouvons goûter la venue du Seigneur dans nos cénacles et nous aider à la voir et à la goûter davantage. Car la divine miséricorde se cache et se dévoile en ce dimanche : Jésus ressuscité, venant à ses disciples, ne leur fait aucun reproche, il suscite plutôt leur joie et il les envoie en mission puis il souffle sur eux pour les remplir de l’Esprit-Saint et leur donner le pouvoir de remettre les péchés. Ainsi se déploie la miséricorde du Père : non pas effacer nos péchés mais nous donner de les reconnaître et nous envoyer en porteurs de son pardon, en acteurs de son pardon en ce monde. Le Ressuscité vient à nous, envoyé par le Père, et sa venue se dévoile en ce que ses disciples deviennent des témoins vivants et actifs que Dieu a la puissance de rendre vivant celui que tous avaient vu mort, que Dieu a la puissance de rendre bienfaisant celui ou celle dont beaucoup avaient peur, que Dieu a la puissance de faire que les hommes et les femmes choisissent de vivre fraternellement plutôt que chacun pour soi, que Dieu a la puissance de susciter des hommes et des femmes capables d’entraîner au pardon plutôt qu’à la haine ou la colère.

Frères et sœurs, en ce deuxième dimanche de Pâques, que nous le vivions paisiblement ou que nous soyons épuisés par le confinement, préparons-nous à accueillir celui qui vient jusque dans nos retranchements,                                            

                                                                                                              Amen.


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