Homélie pour le 28ème dimanche du Temps ordinaire - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 12 octobre 2020

Homélie pour le 28ème dimanche du Temps ordinaire

Homélie pour le 28ème dimanche du Temps ordinaire, année A, le 11 octobre 2029, en l’église de Witry-lès-Reims, de l’espace missionnaire de la Vallée de la Suippe.

Dans le récit de saint Matthieu, Jésus se heurte à la résistance des grands prêtres et des pharisiens. Il est entré triomphalement à Jérusalem, mais eux refusent de le reconnaître comme le Messie d’Israël, celui qui serait assez plein de l’Esprit de Dieu pour que les autorités terrestres, ceux qui, depuis des siècles, guident le peuple comme peuple de Dieu, lui cèdent la place. Alors, Jésus leur parle en paraboles. Lorsque Jésus emploie des paraboles, il signale toujours ainsi un refus qui lui est opposé et qu’il tâche de surmonter ou de contourner. La parabole que nous venons d’entendre est la troisième qu’il raconte avant que les pharisiens et les chefs du peuple s’efforcent de le piéger avec des questions qui pourraient le mettre en porte-à-faux avec l’occupant romain.

La parabole du festin nuptial peut paraître assez simple à déchiffrer. Jésus s’y présente comme l’époux des noces venant à Israël, le peuple de Dieu, pour s’unir à celui-ci, seul ou le premier parmi tous les peuples de la terre. Le résultat est clair : ceux et celles qui bénéficieront de l’alliance ne seront pas les partenaires de premier rang, ce sont au contraire les éclopés, « les mauvais comme les bons », que Dieu appelle à lui, en tout cas qu’il réussit à intéresser à lui. Les premiers invités, en effet, se sont détournés : ils ont trouvé le temps long, ils se sont lassés d’attendre la réalisation des promesses, ils ont organisé leurs vies plus sûres ou plus confortables. Nous reconnaissons là facilement l’histoire de l’Église aussi : les premiers invités sont le peuple d’Israël, aux responsables desquels Jésus s’adresse ; ce peuple n’a pas accepté l’alliance, sa transformation avec Jésus et en Jésus, de sorte que l’alliance est passée aux païens dont certains, parmi eux, l’ont accepté. Du moins comprend-on facilement ainsi la parabole. Méfions-nous toutefois des compréhensions trop évidentes. La parabole est toujours une énigme, une énigme à entendre et réentendre parce qu’elle désigne un mystère qui ne peut être explicité directement. D’ailleurs Jésus ne raconte-t-il pas ces paraboles devant ses disciples qui sont douze Juifs qui le reconnaissent volontiers et qui sont des Juifs fidèles et pratiquants ? Certains Pères de l’Église ont plutôt entendu dans les premiers convives que le roi finit par faire massacrer les anges déchus et ils tirent de la parabole la conclusion suivante : le Roi, Dieu, ne se résigne pas à laisser sa salle des noces vide, il veut partager sa richesse intérieure avec une de ses créatures et c’est nous les humains qui sommes appelés à avoir part aux richesses de Dieu à la place des anges. Nous sommes donc les invités de la noce, mais nous le sommes au second rang, pour rattraper les premiers qui n’en ont pas voulu. Sommes-nous capables de nous émerveiller d’être appelés au Royaume des cieux ? Sommes-nous capables encore d’être étonnés, surpris, saisis de confusion ?

Mais il nous faut encore être attentifs. Comment imaginons-nous que Jésus raconte sa parabole ? Il y a, dans l’histoire qu’il met en scène, une violence qui peut nous tromper. Violence des premiers invités qui récusent l’invitation et finissent par mettre à mal les porteurs de l’appel du roi des noces ; violence du roi de la parabole qui fait périr les meurtriers et incendie leur ville. Tout cela ressemble à la violence des hommes, des humains, nous ne la reconnaissons que trop. Mais sommes-nous obligés d’entendre cette violence dans la bouche de Jésus ? La parabole est offerte pour faire réfléchir ceux qui l’entendent et les amener à changer leur attitude intérieure. Jésus s’adresse aux chefs du peuple : sans doute, il dénonce leur résistance mais leur résistance est avant tout une résistance intérieure, pas seulement leur résistance politique ou sociale. En tout cas, c’est la résistance intérieure que Jésus vive. Nous pouvons le comprendre en faisant un détour. En 1963, le curé de Saint-André de Reims, le chanoine Warnier, disait ceci dans une homélie : « Ce qui intéresse l’homme aujourd’hui ; c’est ce qu’il est lui-même, c’est sa vie sur terre, sa puissance, ses conquêtes, ses techniques… Or, nous avons à porter dans ce monde un témoignage de pauvreté… un témoignage de douceur et de bonté dans un monde dur, de sacrifice dans un monde qui chercher le confort, de pureté dans un monde où toutes les perversions de la vie sexuelle s’étalent au grand jour, de paix… de soif de justice… Vous avez reconnu les béatitudes. » Jésus vient ouvrir aux juifs et à tous les hommes le royaume des cieux, mais qui cela intéresse-t-il ? Qui ne se demande ce qu’il apporte en termes de prospérité, de sécurité, de confort, de bonheur saisissable et mesurable ? Les grands prêtres et les pharisiens s’inquiétaient de ce que Jésus apportait comme libération pour le peuple d’Israël et ils se demandaient ce que serait le coût de cette libération face aux Romains si puissants. Mais Jésus apporte tout autre chose. Les grands-prêtres et les pharisiens étaient-ils prêts à s’y intéresser, plus que les premiers invités de la noce de la parabole qui avaient tant à faire et qui se sont agacés d’être dérangés dans leurs projets ? Nos contemporains sont-ils capables de s’y intéresser, eux qui sont tellement fascinés par ce qu’ils sont capables de produire et si inquiets aussi des transformations à venir de nos conditions de vie ? Nous-mêmes, frères et sœurs, qui sommes ici en ce dimanche, sans doute avons-nous entendu l’invitation du roi des noces. Sans doute sommes-nous heureux d’être associés aux noces du Fils bien-aimé. Nous avons été ramassés à la croisée des chemins, « mauvais comme bons », et nous sommes là dans la salle des noces. Jusqu’à quel point sommes-nous prêts à nous intéresser à ce que le Seigneur veut nous donner, jusqu’à quel point sommes-nous prêts à nous laisser transformer pour être des invités dignes de ce repas de noce ?

Cette question nous amène au point le plus énigmatique de la parabole de Jésus : le sort de l’homme qui ne portait pas le vêtement de noce. Pourquoi suscite-t-il une telle réaction, qui nous paraît de colère, de la part du roi que Jésus met en scène ? Nous sommes peinés peut-être d’entendre cela, gênés dans notre image de Dieu plein de miséricorde ? C’est une énigme, elle exige notre réflexion, notre méditation, elle appelle de nous que nous tâchions d’entrer dans la logique de la parabole. N’oublions que celle-ci veut nous conduire de l’intérieur à une conversion plus grande. Pour ma part, je comprends ceci : ce que l’homme sans vêtement de noce manque, c’est de parler. Rien ne nous oblige à entendre la question : « Mon ami, comment es-tu entré ici, sans avoir le vêtement de noce ? » comme si elle était prononcée d’une voix courroucée. « Mon ami », dit le roi. Pourquoi l’homme ne répond-il pas ? Pourquoi ne dit-il pas ce qui est, tout simplement : « C’est toi qui m’as fait chercher malgré mon indignité, et je te remercie », ou : « C’est ton Fils bien-aimé qui est venu jusqu’à moi pour me faire entendre ton invitation, je n’osais y croire » ? Car, en vérité, frères et sœurs, nous sommes invités au Royaume sans le mériter, sans y être jamais de plein droit, jamais comme des invités de premier rang, mais non pas pourtant sans le savoir, sans y consentir, sans nous en réjouir, au moins un peu, sans nous en émerveiller et exprimer notre émerveillement. Car Dieu veut avec nous une relation. Nous ne sommes pas des êtres inertes qui sont placés d’un côté ou de l’autre. Nous sommes capables de regarder notre vie, nous sommes capables de nous évaluer un peu nous-mêmes, nous sommes capables de dire ce que nous recevons, ce que nous portons en nos cœurs, à l’intime de nos âmes, c’est notre grandeur de créatures faites à l’image et à la ressemblance de Dieu.

Alors, frères et sœurs, la parabole de Jésus ne peut nous servir à dénoncer tels ou tels dans l’histoire. Les grands prêtres et les pharisiens d’il y a deux mille ans vont, certes, agir pour que Jésus soit mis à mort. Ils ont été l’expression du refus ou de la résistance de l’humanité entière, de nos tous et de chacun et chacune de nous qui ne valons pas mieux quel les autres, sans la grâce de Jésus. Jésus consent à sa Passion. Le roi de la parabole fait périr les meurtriers, le vrai roi des cieux, le Dieu vivant, livre son Fils et le Fils bien-aimé offre de tout cœur sa vie pour que vivent ceux et celles qui le rejettent dans un premier mouvement. La parabole nous appelle à nous demander ce que nous attendons du Royaume des cieux. Nous pouvons comprendre les paroles de saint Paul avec toute leur intensité : « Je sais vivre de peu, je sais aussi être dans l’abondance », car l’Apôtre, lui, a compris cela : « Mon Dieu comblera tous vos besoins son sa richesse, magnifiquement, dans le Christ Jésus ». Puissions-nous, frères et sœurs, apprendre toujours mieux de la célébration de l’Eucharistie à reconnaître le repas de noce auquel Dieu nous convie et qu’il nous ouvre déjà ici-bas par son Fils Jésus, notre frère,

                                                                                                                    Amen.


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