Homélie pour le 22ème dimanche du Temps ordinaire, - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 30 août 2021

Homélie pour le 22ème dimanche du Temps ordinaire,

Homélie de Mgr Eric de Moulins Beaufort pour le 22ème dimanche du temps ordinaire le 29 août 2021, en la basilique Saint-Remi.

La controverse de Jésus avec les Pharisiens et les scribes sur les règles de pureté peut nous paraître éloignée de nos préoccupations, frères et sœurs, mais il en est ainsi précisément parce que Jésus nous a libérés d’une organisation du monde en pur et impur. Soyons conscients que quasiment toutes les religions du monde sont sous-tendues par ce partage et que les grandes civilisations se sont bâties sur une telle compréhension du monde. Le judaïsme, l’islam, l’hindouisme, par exemple, tous de manières différentes, sont habités par le souci de distinguer soigneusement le pur et l’impur et d’organiser de manière adaptée les relations avec l’un et l’autre. N’ayons pas non plus une compréhension trop grossière de ces catégories : le pur n’est pas le propre et l’impur n’est pas le sale. Le pur est plutôt ce qui rend possible une relation aisée entre l’humain et le divin, ce qui ne veut pas dire que l’humain soit toujours à la hauteur de cette relation, tandis que l’impur est ce qui rend cette relation incertaine, compliquée, dangereuse, soit parce que la mort y est trop présente, soit parce que la vie y est trop présente aussi. Par les paroles que nous entendons ce matin, Jésus apporte une révolution mentale considérable : « Rien de ce qui est extérieur à l’homme et qui entre en lui ne peut le rendre impur. Mais ce qui sort de l’homme, voilà ce qui rend l’homme impur. » Ce ne sont pas des choses de ce monde, des situations de ce monde, qui rendent l’homme inapte à la relation avec Dieu mais ce qui vient du dedans de l’homme, ces pensées et ces actions qui montent des profondeurs de notre liberté : « pensées perverses, inconduites, vols, meurtres, adultères, cupidités, méchancetés, fraude, débauche, envie, diffamation, orgueil et démesure. » « Tout ce mal, dit le Seigneur Jésus, vient du dedans et rend l’homme impur. » Jésus n’est pas venu pour raffiner sur les distinctions entre pureté et impureté mais pour nous rendre capables d’être habités par la sainteté de Dieu et d’y grandir.

Déjà ce souci-là habitait Israël. Nous l’avons entendu dans la lecture du livre du Deutéronome. L’auteur biblique fait parler Moïse soucieux que le peuple ne se contente pas d’obéir de l’extérieur aux lois et aux préceptes, mais « garde » les commandements du Seigneur son Dieu, c’est-à-dire les aime, cherche à s’y conformer par un élan intérieur, en goûte la beauté et la bonté, se réjouisse de la sainteté à laquelle il est appelé. Nous avons entendu que ce qui réjouit Dieu selon l’auteur du Deutéronome qui fait parler Moïse et qui suscite l’admiration des autres peuples est que le peuple choisi de Dieu est « sage et intelligent », non qu’il est obéissant seulement. La garde des commandements enrichit l’humanité, la rend davantage elle-même. Jésus vient, au terme, si l’on peut dire, de cet effort constant d’Israël. En lui, la parole de Dieu n’est plus un ensemble de mots, un ensemble de préceptes et de commandements, mais sa vie même et sa personne, partageant notre condition humaine, la vivant comme le Fils bien-aimé qui fait la joie de son Père à l’œuvre duquel il se consacre sans réserve.

Notre vie devant Dieu ne s’organise donc pas à travers des ablutions ni des interdits alimentaires ou sexuels, elle se concentre dans la recherche du bien à faire et du mal à éviter. Ce que nous demandons à Dieu n’est pas de nous excuser d’avoir manqué à la stricte délimitation du pur et de l’impur mais de nous pardonner nos péchés et de nous permettre par sa grâce d’avancer comme ses fils et ses filles bien-aimés, mettant en œuvre sa volonté qui est de nous faire tous ensemble en communion avec lui et entre nous. Or, frères et sœurs, là le drame se noue. Comment faisons-nous pour purifier nos pensées profondes, pour les dégager de ce qu’elles ont d’obscur et de ténébreux. Il est exigeant de se laver les mains pour passer du profane au sacré, de l’espace public où il faut bien survivre à l’intime où il convient de vivre de l’essentiel et du meilleur, mais cela est possible. Il est exigeant de se garder de manger telle nourriture classée impure et de renoncer à son goût, mais cela s’organise. Quelle maîtrise avons-nous de ce qui nous habite intérieurement et qui monter en nous, parfois comme à l’improviste ? Jésus vient pour nous offrir ce que nous ne pouvons pas nous donner à nous-mêmes : il vient faire de nous des fils et des filles du Père, pas seulement en nous encourageant à maîtriser nos pensées, à les corriger en les alignant sur les pensées de Dieu, mais aussi et surtout et d’abord en nous offrant sa propre filiation à lui. Il vient nous proposer de nous laisser habiter par lui, de sorte que ses sentiments à lui deviennent progressivement la source profonde où nous puiserons nos pensées et où nous déciderons de nos actes. Lui, le Fils éternel venu en notre condition humaine, il nous prête en quelque sorte son attitude filiale, pour qu’elle devienne nôtre. Au fond de nous-mêmes, il n’y a plus simplement ce qui monte de nos profondeurs, il y a aussi ce que nous pouvons puiser dans les sentiments mêmes du Seigneur Jésus. Nous vivons cela, frères et sœurs, par le baptême, que saint Jacques nous présente comme un engendrement : « Il a voulu nous engendrer par sa parole de vérité, pour faire de nous comme les prémices de toutes ses créatures. » Jésus nous engendre comme des fils et des filles du Père en venant grandir en nous et y installer la source de son Esprit. Il le confirme par la confirmation, il le rétablit par le sacrement de la réconciliation : lorsque nous nous sommes laissés submerger par les pensées obscures qui montent de nous, il nous rend à nouveau capables de puiser dans les pensées et les mouvements intérieurs de Jésus lui-même. IL la nourrit surtout par son Eucharistie, où tout nous permet d’assimiler davantage ce qui habite le cœur de Jésus et de le laisser habiter notre propre cœur.

Alors, frères et sœurs, réjouissons de la liberté que Jésus nous donne. Elle est exigeante, elle est pour un bien toujours plus grand. Elle fait de nous, selon le mot de saint Jacques, « les prémices de toutes les créatures » de Dieu, ceux et celles qui vivent en ce monde en anticipant sur la communion que sera la vie éternelle. Nous n’avons pas à classer les êtres et les choses en pur et en impur, parce que nous pouvons tout recevoir en fils et filles du Père, capables de chercher en tout la volonté du Père, la communion de tous en lui et entre eux. Mais nous devons consentir sans cesse à laisser purifier, transformer, remanier, les pensées profondes qui nous habitent, le lieu d’où montent nos pensées et se décident nos actes, afin que la colère, la concupiscence, la peur n’y dominent pas, mais la bienveillance, la confiance, l’espérance, la disponibilité à se donner plutôt qu’à prendre, les sentiments de Jésus qui peu à peu peuvent, par sa grâce, devenir les nôtres. Nous pouvons entrer dans cette liberté-là alors que nous connaissons mieux que les générations précédentes la complexité qui nous habite intérieurement à partir de ce que nous avons reçu ou subi ou vécu depuis notre conception, notre petite enfance et à travers les âges de la vie. Soyons, frères et sœurs, de ceux et de celles qui ne sont pas obnubilés par le souci d’être en règle avec les préceptes, mais désireux de mettre la Parole vivante et vivifiante de Dieu en pratique, désireux que cette Parole habite le fond de leur âme et soit le moteur de leur liberté. Que l’Eucharistie célébrée nous fasse entrer davantage dans le mouvement intérieur de Jésus,                                                                                                    Amen.


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