Homélie pour le 22 octobre 2023, en la basilique Saint-Pie-X à Lourdes, rassemblement Kerygma - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 22 octobre 2023

Homélie pour le 22 octobre 2023, en la basilique Saint-Pie-X à Lourdes, rassemblement Kerygma

Homélie pour le 29ème dimanche du Temps ordinaire, année A, le 22 octobre 2023, en la basilique Saint-Pie-X à Lourdes, rassemblement Kerygma

« Chantez au Seigneur un chant nouveau, chantez au Seigneur, terre entière » : frères et sœurs, voilà ce que doit ou devrait provoquer la proclamation du kérygme, l’annonce de la bonne nouvelle ; voilà ce que nous souhaitons, voilà ce que nous espérons, nous qui portons ce kérygme, nous qui aimerions le porter plus fortement, plus joyeusement. Car le kérygme est une parole puissante, une parole faite pour transformer, pour renouveler toute vie humaine. Comment le fait-il ? Il ouvre devant toute existence un horizon nouveau, un horizon immense, à la dimension de l’humanité entière, à la dimension, plus encore, du mystère le plus intime du Dieu vivant. Il assure à chacune et chacun qu’il est aimé, qu’il est appelé, qu’il est fait pour vivre pour toujours. Il fait resplendir, ce kérygme, la condition humaine d’une manière nouvelle : il met au jour le péché qui ronge chacun et chacune, cette pente intérieure qui nous pousse vers le refus au lieu de nous faire grandir vers l’adhésion à Dieu et à son dessein, et il fait vibrer en nous notre capacité de dire « oui », notre aptitude à faire confiance, notre désir d’entendre Dieu nous dire : « Lève-toi et marche », « Suis-moi », ou « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. »

Nous le savons, frères et sœurs, nous l’expérimentons dans un rassemblement comme celui-ci et aussi peut-être lors de la Messe chaque dimanche : il y a joie et action de grâce lorsque nous nous découvrons plusieurs, voire nombreux, à écouter la Parole de Dieu et à y répondre librement et sérieusement. « Chantez au Seigneur un chant nouveau, chantez au Seigneur, terre entière » : le fruit de la proclamation est la joie. Non pas la dénonciation, non pas le mépris des autres, non pas la colère ou le ressentiment, si partagés dans notre monde présent, mais la joie et l’action de grâce, parce que Dieu nous donne de vivre, à nous pourtant pécheurs, attirés par la mort et le rejet ; parce que Dieu ouvre devant chacune et chacun un chemin, alors même que l’avenir paraissait bouché ; parce que Dieu, s’il ne résout pas nos problèmes, nous fait passer à une vie supérieure, de l’esclavage du péché à la vie selon la charité en réponse à son amour inattendu.

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Alors, que faire aujourd’hui de la controverse entre les Pharisiens et Jésus sur l’impôt à payer ou non à César ? Cet épisode a-t-il quelque chose à voir avec le kérygme ? S’agit-il simplement d’admirer l’habileté de Jésus à qui l’on tend un piège et qui l’esquive prestement, renvoyant ses contradicteurs à eux-mêmes : « Montrez-moi la monnaie de l’impôt… Cette effigie et cette inscription, de qui sont-elles ? » ?

La pièce est à l’effigie de l’empereur et en porte l’inscription, car beaucoup est dû à César qui organise une certaine sécurité, la possibilité de commercer, un genre de paix sociale, ou, si vous préférez, beaucoup relève du politique ou de l’économique ou du social ou du culturel. Mais l’être humain, lui, est à l’image et la ressemblance de Dieu de sorte que tout de l’être humain, et le tout de l’être humain, qu’il soit homme ou femme, appartient à Dieu. Et voilà la bonne nouvelle, la grande nouvelle, la joyeuse nouvelle que nous avons à porter au monde entier : nous, humains, n’appartenons vraiment qu’à Dieu. Nous devons beaucoup aux structures qui nous portent : la famille, les liens de parenté, les relations économiques et sociales, l’État qui, avec ses brutalités, est une forme spéciale et très estimable de l’organisation politique, la culture dans laquelle nous puisons nos représentations et nos projections, mais nous, à la racine de notre être, en ce qui nous constitue libres, Dieu seul est digne d’être notre maître, Dieu seul, le Dieu vivant, le Dieu créateur, celui qui nous veut vivants, aujourd’hui et pour toujours.

L’avez-vous entendue, cette nouvelle, déjà présente dans la proclamation d’Isaïe s’adressant à Cyrus, l’empereur de Perse, celui qui, renversant la pouvoir de Babylone, a rendu la liberté à Israël. Dieu, par le prophète, lui dit : « Je suis le Seigneur, il n’en est pas d’autre. Hors moi, pas de Dieu. »

Or, il est juste et il vaut la peine de transposer à chacun de nous, à chacune de nous, ce que le prophète déclare de l’empereur perse. Chacun de nous, chacune de nous, frères et sœurs, est en fait un Cyrus que le Dieu vivant d’Israël prend par la main. Dieu prend par la main chacun, chacune de nous, c’est-à-dire, le fait ou la fait se lever, « pour soumettre les nations et désarmer les rois, pour lui ouvrir les portes à deux battants, car aucune porte ne restera fermée. »

Croire en un seul Dieu, croire au Dieu unique, n’est pas préférer un dieu plutôt que deux ou dix ou des milliers, tout le panthéon de tous les peuples. Croire en un seul Dieu, croire au Dieu unique, c’est croire que Dieu, au sens le plus haut de ce terme, me prend par la main, moi et chacune et chacun des autres, chacun, chacune pour lui-même, pour nous faire nous lever, chacun, chacune, pour nous faire avancer, travaillant, lui, le Dieu unique, à ouvrir devant chacune et chacun les portes les plus closes, pour que chacune, chacun, puisse vivre pour toujours dans la communion avec lui et avec tout autre. Croire en Jésus-Christ, le vrai Cyrus au sens plein de la vérité, le vrai libérateur, c’est croire qu’il nous libère, nous les humains, de l’esclavage du péché, d’une déformation intérieure dont nous ne pouvons nous défaire par nous-mêmes et qu’il nous ouvre un chemin pour avancer vers la lumière, vers la paix, la concorde, la réconciliation, avec Dieu et avec tous les êtres, qu’il le fait, non du sommet d’un victoire militaire mais au prix de son sang versé et par l’amour de son cœur transpercé pour nous et par nous. Croire en l’Esprit-Saint, c’est consentir à ce que l’Esprit donné par le Crucifié ressuscité vienne habiter notre liberté et nous partage le mouvement intérieur du Fils bien-aimé, faisant de nous des porteurs de vérité et des artisans de réconciliation, des libérateurs pour les autres et pour nous-mêmes.

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Les Pharisiens et les Hérodiens qui abordent Jésus le disent bien, en Juifs scrupuleux qu’ils sont : « Tu dis toujours vrai…, tu ne te laisses influencer par personne, car ce n’est pas selon l’apparence que tu considères les gens. » Celui, cependant, à qui ils parlent se prépare à être mis à mort et eux sont venus à lui pour le piéger et trouver de quoi le dénoncer. Jésus a l’air de se sortir de la conversation par une habileté rhétorique, mais en réalité, il fait un pas de plus vers sa condamnation à mort ou, plutôt, vers le sacrifice qu’il s’apprête à faire de lui-même, le grand don qui nous libère paradoxalement de toute dette et nous ouvre la possibilité de répondre à l’amour par l’amour. Le kérygme, la bonne nouvelle, la joyeuse nouvelle, que Dieu aime chaque être humain, personnellement, n’est pas qu’une phrase faite de mots. Il est la proclamation de l’efficacité de l’acte du Christ. Saint Matthieu note que les interlocuteurs de Jésus sont « surpris » de sa réponse : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ». C’est que Jésus ne vient pas sauver le peuple d’Israël dans un sens politique, il ne vient pas constituer un peuple au sens ethnique ou culturel de ce terme, il ne vient pas conforter ceux qui s’abstiennent du défendu et font tout ce qui est permis. Il vient appeler l’humanité à se rassembler selon une toute autre logique, lui qui vient à jamais nous libérer de notre dette devant Dieu.

Alors, nous pouvons entendre, frères et sœurs, la joie de l’Apôtre s’adressant aux chrétiens de Thessalonique et partager son action de grâce : « À tout moment, nous rendons grâce à Dieu au sujet de vous tous, en faisant mémoire de vous dans nos prières. Sans cesse, nous nous souvenons que votre foi est active, que votre charité se donne de la peine, que votre espérance tient bon en notre Seigneur Jésus Christ, en présence de Dieu notre Père. » Cette joie, cette action de grâce, devrait être la nôtre en contemplant les autres, ici à Lourdes, en ce matin, mais aussi dans chacune de nos célébrations eucharistiques. Car nous y sommes réunis non pas d’abord par nos choix personnels, nos besoins spirituels, nos intentions plus ou moins désintéressées, mais, comme le dit l’Apôtre, par le choix de Dieu qui a voulu que l’annonce de l’Evangile ne soit pas en nous, chez nous, simple parole que le vent emporte, mais « puissance, action de l’Esprit-Saint, pleine certitude », et cela non pas à cause de nos vertus mais malgré ce qu’il y a en nous de goût pour la mort et de complicité avec la mort, et cela non pas pour notre confort personnel mais pour que nous portions cette bonne nouvelle en nous pour tous les autres, pour que notre manière d’être soit une bonne nouvelle pour les autres.

Le kérygme n’est réservé ni à une ethnie, ni à un groupe humain privilégié par l’histoire, et moins encore à une élite spirituelle ou morale ; le kérygme est fait pour tous et pour ce qu’il y a de plus médiocre et de plus trouble en nous. Le kérygme est fait pour féconder de l’intérieur toutes les cultures, toutes les civilisations, chaque âme humaine et l’âme de chaque peuple. Il dit le sacrifice consenti par Jésus, par le don fait par le Seigneur, à chacune et chacun, et par sa victoire en chacune et chacun, personne par personne, brisant pour chacune et chacun les liens du péché, faisant apercevoir sa lumière au fond des ténèbres intérieures, faisant entrer son Esprit-Saint dans nos cœurs nécrosés, appelant chacun, chacune à entrer dans la danse, dans la ronde de la joie de Dieu : « Rendez au Seigneur, familles des peuples, rendez au Seigneur la gloire et la puissance, rendez au Seigneur la gloire de son nom ». Nous célébrons cela en chaque Eucharistie,

                                                                                              Amen.

                                                                                                                                                                                                              


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