Homélie pour le 1er dimanche de l’Avent, le 27 novembre 2022, en l’église Saint-Martin d’Hauteville, messe pour la restauration de l’église. - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 29 novembre 2022

Homélie pour le 1er dimanche de l’Avent, le 27 novembre 2022, en l’église Saint-Martin d’Hauteville, messe pour la restauration de l’église.

Homélie pour le 1er dimanche de l’Avent, année A, le 27 novembre 2022, en l’église Saint-Martin d’Hauteville, messe pour la restauration de l’église.

D’une certaine façon, frères et sœurs, l’essentiel est dit dans le bref mot d’introduction qui est reproduit en haut des feuillets vous permettant de participer à cette Messe : « La vie peut nous étourdir, nous en oublions notre vocation première, celle de fils et de filles bien-aimés du Seigneur. Veiller, c’est garder sans cesse la mémoire du Seigneur. C’est aussi distiller, au creux de toutes nos actions, le double commandement de l’amour. » La vie tourne comme un manège, elle nous entraîne sans que nous pensions à l’arrêter et sans que nous sachions comment nous y prendre : « On mangeait, on buvait, on prenait femme et mari ». Il en était ainsi au temps de Noé, il en est ainsi encore aujourd’hui, même si l’on prend moins femme ou mari et si l’on est davantage entraîné par le cercle travail-loisir-travail. La venue du Fils de l’homme intervient ou interviendra comme une surprise. Sera-t-elle bonne, cette surprise, ou mauvaise ? Tout dépend de la manière dont nous l’attendons. Nous comprenons bien qu’un maître de maison, prévenu, n’aurait pas laissé entrer le voleur, mais le Fils de l’homme, la venue glorieuse de Jésus, l’attendons-nous comme on attend un voleur ou la survenue de la guerre, ou l’attendons-nous comme une épouse et les enfants attendent le retour d’un époux et d’un père, comme une fiancée attend la venue de son fiancé ou un fiancé l’arrivée de celle qu’il aime ? Si nous voulons avoir une perception chrétienne du temps, frères et sœurs, le temps n’est pas seulement pour nous un cycle qui sans cesse se répète, comme deux femmes au moulin, occupée à faire tourner la meule ; le temps n’est pas non plus une ligne épuisante qui s’étend vers l’indéfini. Le temps, notre temps, est un temps d’attente, parce que le temps est toujours celui d’une venue. Et non pas la venue de la mort, même si fatalement elle vient, mais la venue de Quelqu’un, la venue du Seigneur. Il vient à nos devants depuis sa Résurrection, dans la mort sans doute, en fait dans toute rencontre, dans tout événement. Nous vivons des temps inquiétants, les sujets de préoccupations ne manquent pas, les signes d’une sorte d’épuisement de notre civilisation, sans doute, mais nous ne devrions pas être de ceux qui vivent dans l’angoisse, de ceux qui se crispent sur ce qu’ils craignent de perdre, mais de ceux et de celles qui se préparent à recevoir ce qu’ils ne peuvent se donner. « Deux hommes seront aux champs : l’un est pris, l’autre laissé. » Vu d’un peu loin, deux hommes aux champs se ressemblent. Qui peut distinguer entre eux. Il en va de même et plus encore de deux femmes au moulin. Pourquoi l’une est-elle prise et l’autre laissée ? Pourquoi la maladie s’abat-elle sur tel ou tel, ou bien la chance tout au contraire. Deux vies que rien ne distinguait vraiment en apparence prennent des tours très différents. C’est vrai déjà ici-bas, dans le cours de la vie terrestre ; c’est plus vrai encore devant le jugement de Dieu qui voit, lui, ce que nous avons mis dans nos actes : de l’amour ou de la recherche de domination, de la volonté de servir ou la peur de manquer, de l’attention aux autres ou des calculs d’intérêt. Chacun de nous peut se mentir à lui-même ; nous ne pourrons pas tromper le Fils de l’homme, lui qui s’est rendu capable de repérer en nous le moindre mouvement d’amour et de le tirer vers lui. Encore une fois, il vient par surprise, sans que nous puissions le prévoir exactement, mais ce n’est pas pour nous nuire, ce n’est pas comme un voleur, c’est comme un époux, pour trouver en nous sa joie.

Frères et sœurs, chers amis, je viens à vous ce matin, au nom du Seigneur, non pas vraiment par surprise puisque vous m’avez invité, et certainement pas comme un voleur, ou pour vous nuire. Je viens parce que vous avez entrepris de restaurer votre église, l’église Saint-Martin de votre village d’Hauteville. Je me dois de vous en remercier et d’en remercier Mme la Maire et le conseil municipal. En venant à vous, je pensais à saint François d’Assise. Sans doute connaissez-vous son histoire. Alors qu’il priait dans l’église Saint-Damien, il entend une voix lui enjoignant : « François, répare mon église. » Aussitôt, il constate l’état de délabrement de la chapelle où il se trouvait et il se met à la restaurer. Mais il finira par comprendre que la voix lui enjoignait de réparer l’Église, avec un É majuscule, la communauté totale du peuple de Dieu, bien abîmée en ce début du XIIème siècle. Dans le contexte présent, tout comme Notre-Dame incendiée en cours de restauration, les travaux que vous entreprenez dans votre église apparaissent comme un signe, une promesse. Alors que l’Église dans notre pays et même notre région s’est bien affaiblie, alors que vous ne disposez plus vraiment des services d’un prêtre, qu’il vous faut attendre des missions itinérantes, vous restaurez le bâtiment église, et comment ne pas y voir l’attente d’une restauration de la communauté chrétienne, du peuple de Dieu présent au milieu de vous ? Nous avons entendu, en ce premier dimanche de l’Avent, la grande promesse d’Isaïe. Alors que le royaume du Nord en Israël a été détruit et que le royaume du Sud autour de Jérusalem, est menacé par ses puissants voisins, le prophète voit « la montagne de la maison du Seigneur se tenir plus haut que les monts, s’élever au-dessus des collines. » Alors que tout s’effrite, tout s’affaiblit, le prophète qui voit loin voit le Temple de Jérusalem devenir une espérance pour toutes les nations, un lieu de rassemblement et donc de communion pour tous les peuples, même ceux qui s’opposent le plus. Nous vivons, vous le savez, des temps de transformations. Nos modèles de production et de consommation se renouvellent. Ils commencent par être en crise et quelques-uns parmi vous cherchent avec énergie des voies nouvelles. A l’échelle du monde entier, tous s’inquiètent de l’épuisement de certaines ressources, de l’incapacité de la planète de se régénérer. Notre société française doute d’elle-même, de son histoire, de son avenir. Elle a du mal à se sentir une et entraînée dans un projet commun. De son côté, l’Église du Christ elle-même laisse voir les zones d’ombre de son organisation, les failles redoutables de certains de ses ministres. En ce premier dimanche de l’Avent, comme chaque année, mais avec peut-être plus d’acuité, la liturgie de la Parole nous invite à croire que l’issue n’est pas le chaos mais la communion, non pas la guerre par manque de ressources mais la possibilité d’une paix plus profonde, mieux choisie. Cela ne veut pas dire qu’il n’y aura pas à passer par des moments difficiles, et sans doute y sommes-nous déjà, mais tout tunnel a son issue, tout nuage sa frange d’or. Alors, frères et sœurs, je forme le vœu que l’église Saint-Martin, dans ce coin de France que vous représentez, puisse, par sa restauration, en convaincre beaucoup que l’histoire n’est pas faite que de processus et de mécanisme mais de l’approche de Celui qui est venu et qui vient, qui vient pour tout rassembler, qui vient pour nous unir les uns aux autres, pour nous ouvrir les uns aux autres, de sorte que le moindre effort de compréhension mutuelle, de service rendu à un voisin, de renoncement à un droit en vue d’une unité plus forte, tout cela prépare le Royaume et la communion qui viennent.

Vous avez entendu l’annonce du prophète : « Oui, la loi sortira de Sion, et de Jérusalem, la parole du Seigneur. » La « loi », ici, en hébreu, c’est la Torah. Non pas des ordres, des préceptes, mais l’enseignement de Dieu, le partage que Dieu nous fait de ce qui l’habite, de sa manière d’être et d’agir. Voilà, frères et sœurs, qui pose le problème spirituel de notre temps. Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale nous avons construit un monde de l’abondance et même de la surabondance. Nous nous représentons la dignité de l’humanité dans notre autonomie, notre capacité à nous procurer ce dont nous avons besoin et même à organiser le monde selon nos désirs. L’homme contemporain veut être maître de lui, de sa naissance à sa mort. Il répugne donc à recevoir sa « loi » de Sion, et à écouter la parole qui vient de Jérusalem. Il résiste, l’homme contemporain, à chercher ses principes de vie dans des livres anciens, hérités de civilisations disparues, et il résiste à l’idée de les recevoir de plus grand que lui. Mais il court le risque, cet homme, de dépendre seulement du marché économique et du bruit médiatique. Il ne prend pas le temps d’écouter la voix de Dieu, ni dans une célébration religieuse ni dans l’intimité de son cœur, mais il se laisse bombarder par toutes les prescriptions des publicités, des faiseurs d’opinion, du vacarme de la sphère médiatique. Puisse votre église, frères et sœurs, être pour vous un lieu de recueillement et de paix, un lieu où chacune et chacun peut entrer à sa guise pour y prendre le temps de se retrouver soi-même et de se laisser atteindre par l’espérance qui a motivé la construction de ce lieu. Puisse le patronage de saint Martin, de surcroît, inspirer à tous la charité, l’amour du prochain qui est indissociablement l’amour de Dieu, la manière dont le Dieu vivant veut être aimé. Alors, frères et sœurs, votre église sera une de ces armes de lumière qu’évoque saint Paul qui nous permettent de rejeter les œuvres des ténèbres et de nous mettre au service de la paix, de la vérité, de la justice, de la communion entre les êtres et avec Dieu,

Amen.


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