Homélie pour le 16ème dimanche du Temps ordinaire - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 20 juillet 2021

Homélie pour le 16ème dimanche du Temps ordinaire

Homélie de Mgr Eric de Moulins Beaufort pour le 16ème dimanche du temps ordinaire le 18 juillet 2021, en la basilique Saint-Remi.


Ne sommes-nous pas, frères et sœurs, à chaque messe, frères et sœurs, surtout à chaque messe dominicale à laquelle nous pouvons participer, comme les Apôtres partis en mission qui se réunissent ensuite auprès de Jésus pour lui faire part de ce qu’ils ont fait et enseigné. L’évangile de dimanche dernier, dans la lecture presque continue de l’évangile selon saint Marc, nous invitait à nous comprendre tous comme étant envoyés là où nous sommes. Nous ne sommes nulle part simplement par hasard ou par fatalité, moins encore seulement pour y gagner notre vie ou y passer du temps, mais toujours, de près ou de loin, pour porter témoignage, d’une manière ou d’une autre, que Dieu est Père pour tous les êtres humains et que tous les humains sont appelés à vivre pour toujours dans la plénitude de sa vie. Chacun de nous porte ce témoignage parfois par la parole, plus souvent en exerçant la foi, l’espérance et la charité en chacun de ses actes, en s’y efforçant à tout le moins.

La grande différence néanmoins entre les Apôtres et nous est que nous ne voyons pas de telles foules venir à nous que nous ne puissions prendre nos repas tranquillement, en tout cas ce n’est pas notre situation habituelle aux uns ou aux autres. Il est vrai surtout que la bonne nouvelle portée par les Apôtres au nom de Jésus paraissait toute neuve, toute fraîche, jamais entendue, qu’ils allaient dire à tous et à toutes qu’un chemin vers Dieu leur était ouvert quoi qu’ils aient fait ou quoi qu’on pense d’eux ou d’elles alors que nous avons souvent l’impression, nous tous chrétiens et spécialement nous catholiques, d’être envoyés pour dire que tel comportement n’est pas juste ou que telle manière de vivre ne plaît pas à Dieu. Beaucoup autour de nous n’attendent guère d’entendre que Dieu les aime, parce qu’ils le savent déjà, qu’ils n’en doutent pas, qu’ils s’aiment eux-mêmes assez, à moins qu’ils ne veuillent surtout s’aimer eux-mêmes, plutôt que se savoir aimés par un Dieu qui ne se saisit pas. Lorsque Jésus voit la foule qui l’attend, il est « saisi de compassion envers eux, parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger », écrit l’évangéliste Marc. Nos contemporains acceptent-ils d’être regardés comme des brebis sans berger ? Sont-ils dans l’attente que quelqu’un les enseigne longuement ? Quelle préparation faut-il ou faudra-t-il pour qu’ils puissent se placer dans une telle posture ?

Et pourtant, frères et sœurs, l’homme n’est-il pas aujourd’hui comme hier comme « une brebis sans berger » ? N’est-il pas aujourd’hui, plus encore qu’hier peut-être, difficile ou compliqué de savoir comment être un humain digne de ce nom ? Notre époque dénonce avec acribie les certitudes encore récentes. Peut-être étaient-elles trop confortables, peut-être masquaient-elles des relations plus difficiles que l’on n’osait le voir, des situations de violence que la conscience collective esquivait ? Mais l’homme contemporain qui s’apprête à aller sur Mars en même temps qu’il doute de son droit à pénétrer tous les coins de la planète terre sait-il qui il est, où il va, pourquoi et en vue de quoi il vit ici-bas ? A y bien réfléchir, le reproche du prophète aux chefs d’Israël mérite toujours d’être entendu : « Vous avez dispersé mes brebis, vous les avez chassées, et vous ne vous êtes pas occupés d’elles. » Nos élites, les élites politiques, sociales, religieuses, intellectuelles de notre pays comme de tous les pays du monde doivent accepter d’entendre ce jugement, et à bien des titres certains parmi nous font partie de ces élites. Comment aidons-nous les uns et les autres à s’y retrouver dans la complexité du monde, que faisons-nous pour aller porter un peu de clarté, un peu de lumière, un peu de force à ceux et celles qui s’angoissent ou qui ont l’impression justifiée ou non de ne pas compter pour grand-chose en ce monde ? Elle vaut alors aussi, la promesse du Dieu vivant : « Eh bien ! Je vais m’occuper de vous –cela, c’est pour les pasteurs qui ne font pas leur travail-, puis je rassemblerai moi-même le reste de mes brebis de tous les pays où je les ai chassées… Voici venir des jours –oracle du Seigneur, où je susciterai pour David un Germe juste. » En Jésus, Dieu a donné ce descendant juste de David, capable d’exercer « dans le pays le droit et la justice ». Que nous apprend Jésus sur la condition humaine ? Comment nous éclaire-t-il sur le sens de notre vie ici-bas ? Que nous révèle-t-il de nous-mêmes que nous puissions partager avec tous ? Saint Paul l’exprime à sa manière : « Maintenant, dans le Christ Jésus, vous qui autrefois étiez loin, vous êtes devenus proches par le sang du Christ. » Les situations de plus grande distance entre les humains sont l’annonce du rapprochement le plus fort. Pour cela, Jésus a donné et donne sa vie. Pour cela, Jésus s’offre en chaque Eucharistie : pour que les plus éloignés puissent former un seul Homme nouveau en faisant la paix. Cela ne peut se faire que par lui et en lui, mais cela nous éclaire sur tous ceux et toutes celles que nous rencontrons : si différents soient-ils de nous, si opposés même puissions-nous être, nous sommes appelés à nous rapprocher d’un rapprochement qui n’aura pas de fin et cela se fera parce que, de fait, Jésus a donné sa vie pour cela, Jésus a ouvert son cœur pour que la paix vienne nous unir tous les uns aux autres.

Alors, frères et sœurs, nous qui sommes envoyés, nous venons près de Jésus refaire nos forces. Nous en avons besoin. Ce que nous vivons aujourd’hui, chacun dans ses lieux propres, dans ses relations, dans ses activités, peut paraître peu de choses, peut sembler peu efficace. Pourtant, en Jésus et par lui, nous œuvrons, plus et mieux que nous ne le savons, pour le rapprochement éternel des humains, pour l’unité concrète de l’humanité où chacun pourra s’émerveiller de tous et où tous seront renouvelés par chacun. Dans l’évangile, tout paraît concentré : la mission des Apôtres et les fruits qu’ils en recueillent. N’oublions pas cependant que Jésus est mort seul sur la croix et que cette mort solitaire seule est le gage assuré de l’unité de tout le genre humain en une communion éternelle. Nous autres, vivons ce que nous avons à vivre en regardant ceux et celles que nous rencontrons non pas comme des ennemis, ni des concurrents, pas forcément non plus comme des amis d’aujourd’hui – ce serait une naïveté dangereuse-, mais dans l’espérance pleine d’assurance que nous serons rapprochés en un seul par Jésus le jour venu et pour toujours. N’ayons pas peur des oppositions que nous pouvons avoir sur le plan politique ou sur le plan social et même sur le plan éthique. Ne les esquivons pas, ces différences, et ne les laissons pas non plus devenir en nous des motifs de haine ou de mépris ou de ressentiment. Ainsi nous nous unissons au labeur du seul Pasteur, ainsi nous ne cherchons pas à imposer nos vues, à dominer, à encadrer les autres, mais nous servons l’œuvre du Père par Jésus. Ainsi nos vies modestes prennent toute leur densité spirituelle dans l’attente pleine d’espérance du jour où ceux et celles que nous côtoyons découvriront enfin ce que Jésus fait pour eux et s’en réjouiront sans fin,                                                                                             Amen


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