Homélie pour le 15ème dimanche du Temps ordinaire, dans la basilique Notre-Dame d’Avioth - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 18 juillet 2023

Homélie pour le 15ème dimanche du Temps ordinaire, dans la basilique Notre-Dame d’Avioth

Homélie pour le 15ème dimanche du Temps ordinaire, année A, le 16 juillet 2023, dans la basilique Notre-Dame d’Avioth, fête de notre Dame du Mont-Carmel

Prenons un peu de temps. Fermons les yeux et représentons-nous la scène : le matin, au bord du lac, Jésus sort, il s’assied. On peut imaginer qu’il parle avec quelques disciples qui l’ont suivi. Peu à peu la foule se fait nombreuse. Vous voyez cette foule, vous sentez la pression des corps les uns contre les autres, chacune ou chacun voulant entendre le Maître qui parle. Soudain, il se relève, monte dans une barque, la fait pousser un peu plus loin sur l’eau et, assis, il se met à parler à voix forte pour être entendu en profitant de la réflection de l’eau. Voyez bien cela, frères et sœurs, sentez bien cela : la foule, le lac, la barque, la voix de Jésus. Voyez et sentez bien cela, parce que vous y êtes, nous y sommes. Vous êtes venus jusqu’ici en ce dimanche matin pour entendre Jésus et, de fait, il vous parle, il parle pour vous, il s’adresse à vous comme à nous tous. il parle à chacune et à chacun de nous et aussi à la foule que nous formons.

Or, que dit-il en ce second long discours que nous rapporte saint Matthieu. Il parle « en paraboles », nous dit l’évangéliste. Il parle d’un semeur, de grain jeté, de sols plus ou moins accueillants. Il parle d’une réalité pour en désigner une autre. Il parle de ce qu’il est aisé de se représenter pour évoquer ce qui reste caché, invisible ou indiscernable, non pas caché dans les nuages ou dans des cieux inaccessibles, plutôt caché au fond des cœurs, dans les replis des libertés humaines. Que dit-il ? Vous connaissez bien cette parabole que nous appelons « la parabole du semeur ». Elle nous paraît d’autant plus facile à comprendre que Jésus en donne l’explication à ses disciples et donc à nous qui en bénéficions par la grâce de la proclamation liturgique. La Parole de Dieu est semée, mais les humains l’accueillent de manière différenciée, toujours bien volontiers mais pas toujours avec la disponibilité qu’il faudrait pour lui faire porter du fruit. Assez facilement, nous comprenons que nous sommes invités à garder notre cœur attentif à la parole de Dieu malgré les distractions qui se présentent comme les oiseaux du ciel, malgré les soucis qui nous envahissent comme les ronces et les épines, malgré les persécutions, les ennuis, les exigences qui nous font peur, et peut-être nous disons-nous qu’après tout, si nous sommes là à écouter, c’est que nous sommes peut-être de la bonne terre et cela nous rassure un peu. En tout cas, le prédicateur qui commente ce texte – c’est moi aujourd’hui- ne peut qu’en tirer comme leçon qu’il nous faut chercher à être la bonne terre qui fait porter du fruit à la parole de Dieu. Mais il faut nous méfier, frères et sœurs. Si l’évangéliste ne s’est pas contenté de noter l’explication mais aussi la parabole, c’est sans doute que l’explication même donnée par Jésus n’épuise pas le sens de la parabole. Les disciples ont senti que Jésus disait plus, disait mieux, avec sa parabole qu’avec l’explication qu’il propose pour apaiser ses disciples inquiets. Et puis, la liturgie nous met sur la piste : en première lecture nous avons entendu le prophète Isaïe faire dire à Dieu que sa parole ne lui revient pas sans avoir produit son effet. Pourtant l’explication de la parabole semble indiquer que nous, humains, par la sécheresse ou le manque de disponibilité de nos cœurs, nous pourrions mettre en échec la parole de Dieu, l’empêcher de porter du fruit. Il faudrait savoir à la fin : cette parole de Dieu est-elle efficace par elle-même, malgré tout, ou bien est-elle limitée par nos dispositions à nous, les humains ?

Alors, revenons à la parabole. Que raconte-t-elle : « Voici que le semeur est sorti pour semer. » Jésus parle de lui. Il est sorti de bon matin, sorti de la maison où il a passé la nuit, et il sème en parlant à la foule. Il sème en racontant cette parabole même qui met en scène ce qu’il est en train de faire et ce qui est en train de se passer. Il y a plus encore : il est sorti du sein maternel comme tout être humain mais lui sait pour quoi, en vue de quoi il est sorti : pour semer. Mieux encore : il est sorti du Père, il est sorti de la gloire éternelle, il est sorti pour se rendre visible à nos yeux, audible à nos oreilles, perceptibles par nos sens, pour nous parler dans un langage d’homme, un langage qu’il a appris peu à peu comme nous tous et qu’il nourrit de son expérience de l’existence, mais pour semer, pour préparer ce qui ne peut advenir s’il ne donne pas ce qu’il a et surtout ce qu’il est. Il est sorti, pas seulement pour parler, mais pour se donner, lui, tout entier, pas seulement pour semer des mots mais pour se livrer, lui, tel qu’il est, selon ce qu’il est, le Fils bien-aimé du Père qui veut faire de tous les humains et chacune et de chacun d’eux ses sœurs et ses frères. Nous vivons cela, frères et sœurs, à haute intensité chaque fois que nous prenons part à l’Eucharistie.

Mais que nous fait comprendre la parabole : que le semeur qui sème, le semeur qui se sème lui-même, n’est pas toujours reçu et que cela ne doit ni nous étonner ni nous inquiéter. Car il se donne largement, il ne va pas uniquement là où il est sûr de rencontrer le meilleur accueil, il ne se livre pas seulement à la meilleure terre. Il se donne là où un plus sage ne prendrait pas le risque de se livrer : sur le bord du chemin, sur le terrain caillouteux… Lui tente sa chance partout, et tant pis pour le grain perdu. Tant pis, parce qu’il y a une bonne nouvelle : la bonne terre existe, celle qui rapporte cent ou soixante ou trente pour un. Malgré les distractions possibles, malgré les persécutions, malgré les soucis de ce monde, la bonne terre existe et le grain semé finit par la rencontrer et il se transforme en une ample moisson. Ce qui est semé, la parole que Dieu nous dit inlassablement dans sa création, qu’il répète et déploie chez les prophètes, qu’il concentre et qu’il donne une fois pour toutes en Jésus, cette parole dévoile la réalité spirituelle de l’humanité. Elle fait apparaître ce que les libertés humaines peuvent avoir de fermé, de dur, d’impénétrable, mais aussi de fragile, d’inconstant, d’incapable de se fixer sérieusement sur un objectif, d’impuissant à faire le tri entre ce qui est momentané et ce qui compte vraiment. Et pourtant, ce qui est semé si largement par Dieu, malgré les apparences, rencontre la bonne terre que cela rendra féconde au-delà des espérances premières.

Alors, frères et sœurs, permettez-moi de vous le dire ici, en cette basilique. La bonne terre qui fait porter du fruit à la Parole de Dieu semée, non pas aux mots seulement mais au Fils qui est livré pour nous, c’est à tout le moins la bienheureuse Vierge Marie, Marie de Nazareth, la fille de Sion, notre Dame du Mont-Carmel que nous célébrons aujourd’hui. En elle, nous le savons depuis le récit de l’Annonciation, la Parole de Dieu a été accueillie pleinement de telle sorte qu’elle a pu prendre chair en sa chair. En elle le Fils unique bien-aimé du Père, le Fils éternel, a été reçu de telle sorte qu’il a pu devenir pleinement un enfant des humains et prendre l’humanité qui lui permet de se livrer aux humains. En elle, à tout le moins, notre humanité a une fois pour toutes reçu en vérité la Parole de Dieu et lui a fait porter tous les fruits désirables. En elle, la Parole de Dieu a pu descendre comme jamais elle n’était descendue pour se rendre proche des humains et, par elle, elle remonte vers le Père en produisant le fruit espéré. Même s’il n’y avait qu’elle, il y aurait elle au moins, et cela suffirait pour que toute l’histoire de l’humanité, toute l’histoire de l’alliance avec Dieu vaille la peine d’être vécue. Et parce qu’il y a elle, la Vierge Marie, la Vierge de l’écoute et du oui et du « fiat », nous pouvons, tous et chacune et chacun oser espérer que nos faibles capacités à recevoir la parole de Dieu et à lui faire porter du fruit valent la peine, servent à quelque chose, contribuent à la gloire de Dieu. C’est pourquoi nous venons à Marie : pour lui demander d’intercéder pour nous, sans doute, pour lui confier tel et tel besoin, tel et tel souci, telle et telle angoisse qui nous habitent, qui nous distraient, qui nous retiennent loin de Dieu, qui nous privent de Lui faire confiance purement et simplement, mais aussi parce que son « oui » à elle, son « fiat » à elle, sa foi à elle, son ouverture et sa persévérance à elle tiennent l’humanité ouverte à son Fils Jésus et à ce qu’il nous donne, nous tiennent unis, ouverts à son Fils Jésus et à ce qu’il nous donne, malgré tout.

Frères et sœurs, nous souffrons en notre époque de voir la foi se tarir en beaucoup de cœurs. Des grands-parents, des parents souffrent de constater que leurs enfants ou leurs petits-enfants s’éloignent, parfois sans paraître s’en rendre compte, de la foi qui compte tant pour eux, se désintéressent de Jésus qui les a fait tellement vibrer, tellement grandir, en qui ils ont puisé le meilleur de ce qu’ils ou elles ont fait ou voulu faire. La parabole du semeur, du semeur qu’est Jésus, est fait pour nous rassurer, pour nous apaiser. Mais certainement pas pour nous démobiliser, pas pour nous amener à nous résigner. La parabole nous rassure et nous apaise parce qu’elle nous assure qu’il fait partie de la fonction de la parole de Dieu, et de Jésus semeur semé, livré entre nos mains, de faire apparaître l’état différent des cœurs ou les différents niveaux de disponibilité des libertés. Si nous avons la chance de nous intéresser à la parole de Jésus, si nous avons la grâce de vibrer au son de sa voix, si nous trouvons dans ses paroles et dans ses gestes et dans le grand geste de sa Croix, de sa Résurrection, de son Eucharistie, du don de l’Esprit-Saint, lumière et force pour notre vie, alors, frères et sœurs, vivons-en pleinement. Ne soyons pas intimidés ni détournés par celles et ceux qui n’en éprouvent rien. Nous sommes avec Marie, la mère de Jésus, qui sait, elle, dans le secret, ce qui lui a été dit et ce à quoi elle a consenti et qui porte jusqu’au bout ce qui lui a été remis. Nous sommes avec elle et portés par elle, soutenus par elle, et nos pauvretés, nos lâchetés, nos découragements sont anticipés par elle et en elle et repris dans le grand acte de son « fiat », de son « oui » donné une fois pour toutes au nom de nous tous et jamais repris, toujours approfondi. Nous sommes avec elle en portant nos enfants et petits-enfants, nos voisins, et tous les humains que nous connaissons ou que nous ne connaissons pas qui ne peuvent voir ni entendre, dont les yeux sont fermés et les oreilles bouchées, mais nous aussi, c’est pour eux, en leur nom, en leur faveur que nous recevons la Parole de Dieu et que, modestement mais certainement, étonnés par son action en nous, nous lui faisons porter du fruit. A travers nous, osons le croire, mais plus sûrement à travers la Vierge Marie et les saints, la création entière trouve son débouché, son accomplissement. Elle découvre ce qu’elle porte et rend possible et en rend grâce au Créateur. Elle célèbre la gloire, c’est-à-dire la puissance de vie, qu’elle abritait et que l’appel de Dieu, sa promesse, sa parole, lui ouvrent véritablement.

Frères et sœurs, écoutons la parole du Seigneur, aujourd’hui et demain, Laissons-la révéler la vraie nature de notre cœur et y faire fructifier ce qui lui plaît,

                                                                                                                                   Amen


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