Homélie pour le 14ème dimanche du Temps ordinaire le 5 juillet 2020 - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 6 juillet 2020

Homélie pour le 14ème dimanche du Temps ordinaire le 5 juillet 2020

Homélie pour le 14ème dimanche du Temps ordinaire, année A, le 5 juillet 2020, en la Basilique Saint-Remi, de Reims, célébration des sacrements de l’initiation pour deux catéchumènes.

Chers amis, vous répondez ce matin à l’appel du Christ Jésus : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. » En vous, nous, chrétiens de plus ou moins longue date, nous allons voir ou revoir quel lien il crée avec nous, celui que nous appelons notre Seigneur. Etre chrétien, c’est être du Christ, mais c’est plus encore être par le Christ et en lui. Ce matin, vous ne vous contentez pas d’adhérer à un corps de doctrine, à quelques idées qui vous éclairent sur le sens de la vie et vos devoirs humains. Vous allez naître de nouveau. Même si ce sera sous la forme allusive d’un peu d’eau versée sur votre tête, en fait, vous allez être plongés symboliquement dans la mort du Christ, mort pour nous, pour avoir part à sa résurrection et en vivre dès maintenant. D’un coup, vous allez être renouvelés par lui mais aussi en lui ; vous allez recevoir de lui un principe de vie nouveau qui va vous rendre capables d’un agir nouveau dont la source ne sera pas seulement votre appréciation des choses mais, autant qu’il vous sera donné et que vous vous laisserez habiter ou transformer, la charité même de Dieu. Pour reprendre les termes de saint Paul, vous allez passer de « l’emprise de la chair » à « celle de l’Esprit » puisque, désormais, « l’Esprit de Dieu habitera en vous ».

« Venez à moi » : Jésus a l’audace d’appeler les humains à venir à lui, à être par lui, à être pour lui. Il peut se le permettre pour une raison précise qu’il explicite ici : « Car je suis doux et humble de cœur ». Il nous faut recueillir cette parole avec toute la gratitude dont nous sommes capables. Elle est une des rares où Jésus parle de lui, où Jésus évoque qui il est dans l’intime de sa chair. « Doux et humble de cœur » : il ne veut pas dire seulement qu’il est gentil ; il ne veut pas dire qu’il n’est pas exigeant. Au contraire, il nous appelle à devenir ses disciples, c’est-à-dire à apprendre de lui ; il nous invite à « prendre sur nous son joug » et son fardeau. Il prétend bien être pour nous source de vie, principe de vie, il prétend bien nous établir dans une condition nouvelle qui seule donne sa valeur et son sens à notre existence terrestre, mais il le fait parce qu’il est « doux et humble de cœur », c’est-à-dire parce qu’il est le Fils envoyé par le Père. Il est éternellement, depuis toujours et pour toujours, l’Engendré du Père, qui trouve sa joie à se recevoir du Père et à retourner tout son être au Père. Jésus, au long des évangiles, se présente comme notre Seigneur ; en bien des endroits, il tire tout à lui ; il réclame d’être la référence principielle de nos actes et de nos pensées ; il peut le faire parce que, lui, ne vit aucun retour sur soi, mais qu’il tourne tout vers le Père qui est plus grand que lui.

Chers amis, la source du baptême qui permet que nous soyons plongés dans la mort de Jésus pour avoir part à sa résurrection, elle a été ouverte lorsque le côté du Christ crucifié a été transpercé. Le peu d’eau que je vais verser sur vous dans un instant vient de cette source-là. Ce matin, vous approchez du cœur ouvert du Christ Jésus et vous y êtes plongés pour recevoir le grand don qu’il nous fait par sa vie, sa mort et sa résurrection, le don de l’Esprit de sainteté. La liturgie de ce dimanche nous donne de contempler ce don sous un aspect paradoxal : celui du joug. L’eau jaillissante est pour nous spontanément gage de liberté, de créativité, d’expansion ; le joug, en revanche, est ce que portent les bêtes de somme. Il est une contrainte, un signe de soumission et de travail plus ou moins forcé. La première lecture complète cette image. Elle nous a fait entendre la prophétie de Zacharie qui, selon saint Matthieu, a été accomplie par Jésus au jour de son entrée triomphale dans Jérusalem, juste avant le retournement de sa Passion : le prophète nous montre le Messie victorieux mais venant « pauvre et monté sur un âne, un ânon, le petit d’une ânesse. » Comprenons-le bien : Jésus vient pour être notre Roi, notre Seigneur, le Seigneur de nos âmes, celui qui règne sur notre liberté profonde, mais il ne vient pas pour nous soumettre comme les conquérants soumettent les peuples vaincus ; il vient faire de nous ses disciples, qui apprennent tout de lui, des membres de son Corps qui reçoivent lumière et vie de lui, il vient nous placer sous l’emprise de son Esprit parce qu’en mourant et en ressuscitant pour nous, il gagne la puissance d’insérer l’Esprit de Dieu au cœur de nos libertés récalcitrantes, mais appartenir au Christ n’est pas comme appartenir à un homme ou à une idéologie ; être serviteur du Christ et même esclave du Christ n’est pas comme être esclave d’un humain ou de ses passions ; être habités par l’Esprit-Saint n’est pas comme être possédés par un esprit mauvais. Parce que Jésus, lui, est en vérité, dans tout son être, « doux et humble de cœur », parce que lui ne vient à nous que pour nous conduire au Père, pour faire de nous des fils et des filles, ses frères et ses sœurs. Lui ne nous commande que pour nous libérer pour la charité, lui ne nous unit à lui que pour que nous soyons libres d’avancer à notre pas vers le Père. Saint Paul nous l’a fait entendre : ce qu’il appelle la chair nous emprisonne, tandis que Jésus « donne la vie à nos corps mortels ». La chair, pour saint Paul, est tout ce qui nous constitue, ce que nous recevons en naissant et en grandissant : laissée à elle-même, elle est une somme de besoins, de peurs, de capacités sans doute mais qui s’expriment en attentes et en frustrations et en inquiétudes, alors qu’elle est faite, cette chair, pour être transfigurée par l’Esprit, de sorte que nous puissions agir en notre corps mortel au service de l’amour de charité, de l’amour plus grand que nous mais qui veut passer par nous, de l’amour de Dieu pour chaque être humain qui veut passer par nos gestes et nos paroles pour rejoindre chacun, si modestement que ce soit.

« Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos ». Vivre est souvent un poids, un fardeau. Vivre bien peut nous paraître être encore davantage pesant : ne pas faire ceci, ne pas faire cela. Mais tout change pour nous, disciples de Jésus, parce que nous ne vivons pas face à un ciel vide et une loi, morale ou pas. Nous vivons face à un Quelqu’un, à Quelqu’un qui vient vers nous, à Quelqu’un qui nous prend pour lui mais non pour nous absorber, pour nous dilater plutôt en lui, en nous donnant de porter sa capacité à rendre les autres vivants. Dans l’Eucharistie, il nous rassemble et nous venons à lui, et nous unissons notre vie, avec nos actions et nos pensées, à sa vie, pour en faire un acte de louange au Père Créateur, et lui, Jésus, notre Seigneur, nous appelle à venir plus près de lui encore, non pour nous dominer, mais pour se faire notre nourriture, pour nous partager sa force, pour nous donner son Esprit. « Oui, mon joug est facile à porter et mon fardeau, léger. » Etre chrétien, être disciple de Jésus, c’est porter un joug, c’est accepter un fardeau. C’est consentir à vivre, non pour soi mais selon le dessein de Dieu, non pour se construire un confort et une sécurité suffisantes, mais pour porter quelque chose de la bonté de Dieu en nos actes et nos pensées. Ce joug est doux parce qu’l nous est donné par Jésus qui s’approche tellement de nous ; ce fardeau est léger, parce que Jésus nous donne la force de le porter et l’espérance que nous le portons mieux que nos faiblesses nous le font penser ; ce joug est facile à porter et ce fardeau est léger, parce que nous pouvons avancer dans la vie, non vers la mort, mais vers Jésus, « doux et humble de cœur » qui nous porte lui-même vers le Père qui donne toute vie,

                                                                                                                               Amen.


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