Homélie pour la Vigile pascale, le samedi 8 avril 2023, en la cathédrale Notre-Dame de Reims, baptême d’Audrey - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 11 avril 2023

Homélie pour la Vigile pascale, le samedi 8 avril 2023, en la cathédrale Notre-Dame de Reims, baptême d’Audrey

Homélie pour la Vigile pascale, année A, le samedi 8 avril 2023, en la cathédrale Notre-Dame de Reims, baptême d’Audrey

Il est formidable « l’ange du Seigneur » que nous fait connaître l’évangile selon saint Matthieu. Il guette, dirait-on, l’arrivée des deux femmes, Marie Madeleine et l’autre Marie, qui viennent voir le sépulcre, le tombeau. Et que vont-elles voir à la place ? La pierre roulée, comme d’un coup de pied venu d’en haut, et l’ange assis sur elle, les attendant, mais aussi visible et aussi peu regardable que l’éclair et une étendue de neige immaculée et éblouissante. Elles venaient voir un tombeau, le séjour d’un mort, et un tombeau gardé, nous avait appris le récit de la Passion, par des soldats de peur que les disciples enlèvent le corps. Au lieu de cela, elles perçoivent un messager plein d’une vie inespérable qui balaie l’obstacle, ouvre la porte scellée, pétrifie et fait trembler en même temps les gardes, et qui leur parle avec assurance. Elles venaient s’approcher au plus près possible de quelqu’un qui avait échoué, qui avait été vaincu et réduit au silence de la mort par les puissances terrestres de la politique et de la religion d’État mêlées, et elles rencontrent une autre réalité, plus haute, plus forte, une réalité que les forces d’ici-bas, symbolisées par les gardes, ne peuvent ni ne pourront percevoir, mais qui les relance, elles, dans une vie plus vivante : « Vite, allez dire à ses disciples », « Vite, elles quittèrent le tombeau », et qui les remplit « à la fois de crainte et d’une grande joie. » Tout ce que les puissances d’ici-bas auront à se mettre sous la dent est un tombeau vide, une énigme à jamais irrésolue ; elles, en revanche, elles ont une bonne nouvelle, une joyeuse nouvelle, à annoncer.
L’ange du Seigneur, selon saint Matthieu, a une caractéristique : il ne pose pas de question, il sait : « Je sais que vous cherchez Jésus le Crucifié » et il affirme : « Il n’est pas ici, car il est ressuscité comme il l’avait dit. Venez voir l’endroit où il reposait » et il envoie en mission : « Allez dire à ses disciples : ‘’Il est ressuscité d’entre les morts, et voici qu’il vous précède en Galilée ; là vous le verrez’’ ». D’où sait-il ce qu’il sait ? Il le sait depuis toujours, comme ange du Seigneur. Car toutes les Écritures le disent depuis le commencement, et tout l’univers le crie pour ceux qui savent écouter et regarder, et Jésus lui-même l’a dit : il est difficile aux humains de croire que Dieu veuille la vie et leur vie redoublée, et cependant Dieu le fait. Nous, humains, cherchons Jésus le Crucifié. Ce qui est sous la mort, nous pouvons le saisir, l’analyser, le comprendre, nous pouvons même nous servir de la mort sous toutes ses formes et dans toutes ses déclinaisons pour aménager la terre et la vie des sociétés à notre mesure, Pilate et le Grand-Prêtre et les soldats ou les gardes à leurs ordres s’y sont employés dans l’épisode final de la minuscule histoire de ce Jésus. Mais, en réalité, les Écritures saintes d’Israël le proclament depuis le premier commencement de l’Alliance et tout l’univers le crie pour qui sait écouter et regarder : Dieu a créé pour la vie et pour une vie redoublée, pour la vie pour toujours, et le règne apparent de la mort ne peut être que transitoire. Dieu ne s’y résigne pas. Mais il a agi et il agit inlassablement pour procurer aux humains et par eux à toute la réalité un nouveau principe de vie, nouveau et ancien, le principe originel mais désormais inscrit dans la réalité humaine de telle manière qu’il n’en puisse être arraché.
La liturgie en cette nuit, frères et sœurs, nous a fait faire en concentré le parcours nécessaire. Le récit de la création a proclamé à nos oreilles la bonté originelle de tout l’être et de tous les êtres et la bonté redoublée, intensifiée, le « très bon » de l’univers avec en lui l’humain, homme et femme, rendant présents le Dieu vivant ; celui de l’obéissance déroutante d’Abraham nous a redit que Dieu ne trouve pas dans la mort une solution mais dans le don de la vie vivante ; le récit de la sortie des Hébreux de l’Égypte où ils étaient esclaves et menacés de mort et du passage de la Mer rouge nous a fait percevoir que la liberté était une nouvelle naissance, la mort étant surpassée ; le prophète Isaïe nous a assurés que, devant le péché de son peuple, Dieu ne cherchait pas à le remplacer, à lui en substituer un autre, mais à le transformer de l’intérieur, à le renouveler, le rendant plus beau et lumineux et plus hospitalier encore ; et Ézékiel, enfin, a chanté le redoublement de l’action de Dieu en faveur de son peuple, malgré toutes ses déceptions, Dieu qui ne redouble pas sa loi mais qui redouble le don qu’il fait à son peuple, mettant dans le cœur contrit d’Israël son propre esprit.
En vérité, l’ange du Seigneur a bien des raisons de savoir que nous, les humains, cherchons Jésus dans le tombeau, dans les coordonnées de ce monde, alors qu’il n’y est pas, non pas qu’il ait fui ce monde mais parce qu’il tire ce monde-ci et nous en lui vers une « vie nouvelle », « une nouveauté de vie » selon le mot de saint Paul. La grande preuve de la Résurrection, frères et sœurs, la seule preuve sans doute, est que nous qui, par le baptême, sommes passés par la mort avec le Christ, nous puissions « mener une vie nouvelle », « marcher selon une nouveauté de vie », non plus esclaves mais affranchis du péché. Une autre caractéristique du récit de saint Matthieu est que l’ange du Seigneur charge les femmes d’annoncer aux disciples qu’ils verront le Seigneur en Galilée. Pourquoi la Galilée ? Pourquoi ce retour vers le point de départ, là où ils ont été tirés de leur vie ordinaire et peut-être déjà bonne pour entrer dans la suite de Jésus et l’accompagner sur les routes ? Sans doute, frères et sœurs, parce qu’il ne s’agit pas de vivre ailleurs que dans ce monde, il s’agit d’y vivre autrement. Il ne s’agit pas d’être tirés pour vivre dans un petit monde préservé, il s’agit de recevoir un principe de vie nouveau, non plus de l’engendrement de nos parents seulement mais d’un engendrement inédit, inattendu, venu de Dieu même, qui renouvelle son don initial, afin que nous soyons « morts au péché mais vivants pour Dieu en Jésus-Christ ». Il s’agit de vivre en ce monde non plus sous l’horizon de la mort et sous la contrainte des forces de la mort : les puissances politiques, économiques, sociales, culturelles de ce monde, marquées par la peur de manquer, le besoin de posséder, la soif de s’affirmer, mais par le don de la vie pour toujours et l’exemple de la vie donnée du Seigneur Jésus, remise en confiance à Dieu et aux autres. Dans un instant, au milieu de nous, Audrey va vivre ce passage qui est une nouvelle naissance. Elle va être comme branchée sur la vie du Seigneur Jésus, celle qu’il a acquise pour nous dans son grand passage par la mort, se laissant ressusciter par le Père dans la puissance de l’Esprit-Saint.
« Vite », dit l’ange du Seigneur, « allez dire à ses disciples » ; « vite », dit l’évangéliste, « elles coururent porter la nouvelle ». « Et voici que Jésus vient à leur rencontre et leur dit : ‘’Je vous salue’’ ». Il ne les fait pas attendre jusqu’en Galilée. Et surtout, lui corrige un peu le message du messager : « Allez annoncer à mes frères », non plus « à ses disciples », mais : « à mes frères ». Lui seul peut dire cela. Lui nous le dit en ce soir, à nous tous ici rassemblés et à vous, Audrey, dans un instant. La Galilée de nos vies n’a pas changée, le monde demeure pour nous avec ses possibilités et ses contraintes, les projets que nous pouvons élaborer et ce qui s’impose à nous jour après jour. Nous restons nous aussi à bien des égards les mêmes que naguère, avec nos qualités, nos défauts, notre histoire et ce qu’elle nous procure de forces et ce qu’elle nous a imposé de blessures à porter. Et pourtant, tout est différent, tout est neuf, car désormais et à jamais, nous sommes, ensemble et chacune et chacun, frère ou sœur de Jésus, le Crucifié Ressuscité. Lui, Jésus, nous a pris avec lui dans sa mort pour que, par-delà toute mort et dès aujourd’hui, dès le moment de notre baptême, nous ayons part à sa vie, à son action de grâce et à son amour. Lui nous donne de le voir, lorsqu’il vient à nous et il nous envoie vivre en ce monde et annoncer à celles et ceux que nous espérons recevoir pour frères et pour sœurs : « Il est ressuscité, comme il l’avait dit »,

 Amen.


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