Homélie pour la solennité du Saint-Sacrement, le 11 juin 2023, en l’église de Witry-les-Reims

Homélie pour la solennité du Saint-Sacrement du Corps et du Sang du Seigneur, année A, le 11 juin 2023, en l’église Saint-Symphorien de Witry-les-Reims, première des communions des enfants

Par quoi vivons-nous ? Qu’est-ce qui nous rend vivants et nous permet d’aller de jour en jour avec entrain, avec force, avec joie ?
A cette question, nous pouvons répondre à différents niveaux : nous vivons par la nourriture et la boisson que nous prenons ; nous vivons par l’amour de nos parents, de nos frères et sœurs, de nos grands-parents, par l’amitié de nos amis ; nous vivons par les projets ou les rêves que nous portons, par ce que nous faisons pour les autres ou avec les autres, ou par ce que les autres font pour nous ; nous vivons par le sens que nous donnons à notre vie ou que nous trouvons dans notre vie.
Jésus nous fait une promesse : « De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même celui qui me mange, lui aussi vivra par moi. » Dans le pain qu’il nous donne, Jésus concentre tout ce qui peut nous rendre vivants : la nourriture, l’amour qu’il a pour nous et à travers lequel il nous partage l’amour du Père, l’amour qu’il nous donne d’avoir les uns avec les autres, les uns pour les autres, l’espérance de la vie éternelle qui n’est pas le fait d’échapper à la mort mais de traverser la mort pour entrer dans un amour plus vrai, plus profond, jamais décevant, jamais déçu, avec Dieu et avec tous les autres, la force qu’il nous partage de vivre et d’agir dans ce monde par amour, à partir de l’amour, pour mieux aimer en vérité. Tout cela qu’il porte en lui, Jésus le concentre pour nous tous et pour chacune et chacun d’entre nous dans tout morceau de pain consacré par ses paroles où il se livre pour nous. Nous l’entendons de la bouche de saint Paul : « Le pain que nous rompons, n’est-il pas communion au corps du Christ ? », ce corps qu’il a livré pour nous sur la croix. De tout lui-même, de tout ce qu’il porte, de tout ce qui l’habite, de tout ce qui le rend vivant et porteur de vie, il fait une nourriture pour nous. Il concentre tout en un pain dont il fait l’instrument du don qu’il nous fait de lui-même afin que lui-même vienne en nous nourrir notre capacité de vivre en faisant de notre vie un don pour les autres et une cause de gloire pour Dieu.
« Tel est le pain qui est descendu du ciel » : au ciel, il n’y a pas des réserves de pain ou de brioches comme chez un boulanger. Il n’y a que Dieu seul. Dieu lui-même en Jésus se fait notre nourriture, la nourriture qui nous permet de vivre et d’être vivants non pour la terre seulement mais pour toujours. Jésus continue : « Il n’est pas comme celui que les pères ont mangé. Eux, ils sont morts : celui qui mange ce pain vivra éternellement. » Chaque jour, chers amis qui allez communier pour la première fois au corps du Christ, chaque jour vous mangez du pain : au petit-déjeuner, au déjeuner, au goûter, au dîner. Ce peut être un pain différent. Il vous nourrira pour un temps. Il refera vos forces, le dynamisme de votre corps, pour quelques heures, comme tout le reste du repas. Le pain que Jésus vous donne ne va pas faire beaucoup d’effet à vos forces corporelles. L’Église vous le donne comme un tout petit pain rond, du pain sans levure et sans goût. Mais, par ce signe, ce sacrement, Jésus se donne lui-même à vous pour venir en vous, dans votre cœur, dans votre liberté, mettre sa capacité à lui à aimer le Père et à aimer celles et ceux à qui il est envoyé. Dans le signe du pain, Jésus se fait la nourriture de votre capacité d’aimer en vérité. En lui, chaque fois que vous communierez, vous recevrez de quoi aimer avec plus de lucidité, plus de justesse, plus de don de vous-même, moins de volonté de posséder ou de dominer.
Frères et sœurs, vous les adultes, vous travaillez, et parfois dur, pour gagner chaque jour de quoi vous nourrir et nourrir votre famille. Vous savez cependant ce que le livre du Deutéronome nous dit : « L’homme ne vit pas seulement de pain ». L’être humain vit aussi de rêves, de projets, de service, de don de soi, de partage, de sens de la vie, nous l’avons dit. Mais l’Écriture sainte, elle, nous dit autre chose encore : « de tout ce qui vient de la bouche du Seigneur ». Elle nous dit cela au moment où le peuple d’Israël qui a traversé le désert pendant quarante ans en se nourrissant de la manne donnée par Dieu chaque matin se prépare à entrer dans la terre qu’il va pouvoir cultiver à sa guise pour lui faire produire les fruits qu’il désire et dont il a besoin. Dieu ne veut pas laisser le peuple, et pas davantage nous-mêmes, dans une situation de dépendance. Moïse, cependant, invite le peuple et donc nous-mêmes à ne pas oublier la leçon du désert. L’être humain vit de pain, celui qui lui est donné ou celui qu’il se procure, et ce pain peut être abondant et varié et savoureux, il peut être intéressant, enthousiasmant, ou éreintant ; mais l’être humain a besoin tout autant et peut-être davantage de ce que Dieu seul peut lui donner, ce qui sort de la bouche de Dieu, pas seulement des mots, des paroles qui volent, mais les secrets du cœur de Dieu, ce qui monte du plus intime de Dieu, l’amour qui est la vie même de Dieu et qu’il étend jusqu’à nous. Nous avons besoin de nous savoir aimés de Dieu. Dans l’Eucharistie, dans le pain que Jésus nous tend en en ayant fait son corps, dans le vin qu’il nous partage en en ayant fait son sang, le sacrement du don total de lui-même, nous recevons le baiser de Dieu, le baiser du Dieu Trinité par lequel nos projets et nos rêves et nos besoins et nos partages et nos constructions et le sens que nous donnons à nos vies se trouvent transfigurés, renouvelés de l’intérieur pour l’éternité,

Amen.