Homélie pour la solennité du Christ, roi de l’Univers, le 20 novembre 2022, à Reims, journées provinciales des jeunes - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

Tous les articles

Publié le 22 novembre 2022

Homélie pour la solennité du Christ, roi de l’Univers, le 20 novembre 2022, à Reims, journées provinciales des jeunes

Homélie pour la solennité du Christ, roi de l’Univers, année C, le 20 novembre 2022, en l’église Saint-Maurice, à Reims, journées provinciales des jeunes.

« Aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. » Voilà la phrase de la souveraineté absolue. « Aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis » : ta vie misérable, ta vie de délinquant ou de malfaiteur, moi, Jésus, je peux et je veux la faire déboucher dans la vie en plénitude. C’est la parole souveraine parce qu’aucune puissance politique ou économique ou culturelle ne peut dire une chose pareille. Elles peuvent promettre la gloire, l’inscription sur un monument ou dans les dictionnaires, mais cela ne vaut que pour les grands, les puissants, les doués, les talentueux, tandis que Jésus promet même à un malfaiteur médiocre, dont le nom n’est pas donné par l’évangile au contraire de celui de Barabbas, non pas la gloire mais mieux que cela, de vivre par-delà toute mort.

C’est cela, être chrétien, frères et sœurs : se mettre sous cette parole du Seigneur Jésus, le Christ, le Messie d’Israël, le roi des Juifs. Non pas appartenir à une royauté terrestre, à une entité culturelle de haute qualité, et moins encore à un groupe ethnique ou politique qui tâcherait ici-bas de s’approprier une place entre les nations ou au détriment de certaines. Être chrétien, c’est espérer que cette parole-là vienne sur ma vie, de cette bouche-là, de la bouche de celui-là, Jésus de Nazareth. C’est croire, oser croire, que lui, Jésus, a l’autorité pour dire cette parole, et le pouvoir de faire qu’elle soit vraie.

Il la prononce du haut de la croix ; il l’a dite alors qu’il est lui-même condamné par les hommes et bien prêt d’entrer dans la mort. Il n’est pas mis en croix parce qu’il aurait commis le mal, il n’y a au contraire en lui nulle complaisance, nulle compromission avec le mal. Mais il a consenti à s’approcher au plus près des humains, même dans leur péché, « semblable à nous en toute chose, excepté le péché » dit la quatrième prière eucharistique. Non pas qu’il n’y ait plus de morale, non pas que le mal et le bien se vaillent, tout au contraire. Mais, lui, Jésus, parce qu’il est le Fils bien-aimé envoyé par le Père, peut prendre le risque de s’approcher au maximum de tout pécheur pour réveiller en celui-ci l’image de Dieu, une profondeur, une vérité, que les actes concrets trop souvent camouflent ou déforment ou tout au moins peinent à exprimer. C’est ce qui arrive au malfaiteur qui se tourne vers Jésus. Devant Jésus, à côté de lui, il peut reconnaître : « Pour nous, c’est juste : après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons » et il ajoute : « Mais lui, il n’a rien fait de mal. » Il se met ainsi sous l’autorité de Jésus qui peut lui dire la parole qui ouvre la porte de la vie : « Aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis », toi qui, aujourd’hui, devant moi, à côté de moi, a su reconnaître le mal que tu avais fait et salué l’innocent en mettant en lui ta confiance. Saint Paul a exprimé cette œuvre souveraine de Jésus avec force, en soulignant comme elle lui est donnée par le Père : « Nous arrachant au pouvoir des ténèbres, il nous a placés dans le Royaume de son Fils bien-aimé : en lui, nous avons la rédemption, le pardon des péchés. »

Pour nous aider à comprendre cette scène de Jésus en croix avec les deux malfaiteurs, la liturgie a mis en regard un passage du second livre de Samuel. Le comprendre exige une certaine culture biblique. Dans l’histoire de David, celui-ci, à la mort de Saül, parvient à régner sur les tribus du Sud, mais pas sur les dix tribus du Nord d’Israël. Au bout de sept ans et demi, les dix tribus viennent lui demander de régner sur elles, réalisant l’unité du peuple élu de Dieu. Le peuple d’Israël est souvent divisé en deux parties, le Nord et le Sud, qui sont comme les deux frères des paraboles de Jésus ou les deux frères ou les groupes de frères de la Genèse, prompts à se jalouser, à se méfier l’un de l’autre et pourtant appelés à la réconciliation. Or, pour justifier leur retour vers David, les tribus du Nord font valoir : « Vois ! Nous sommes de tes os et de ta chair. Dans le passé, (…) c’est toi qui menais Israël en campagne. » Elles veulent rappeler à David leur histoire commune, et c’est sur cette histoire commune qu’elles se fondent pour l’appeler à régner sur elles. David et elles ont un fond commun, qui fondent la possibilité pour lui de les mener comme un frère ou un père. Ainsi en va-t-il de Jésus avec nous : envoyé par le Père, il s’est mêlé à notre condition humaine, sans réserve, excepté le péché, (mais le péché nous oppose les uns les autres et nous rend incapables de communiquer les uns aux autres ce que nous avons). Jésus, lui, a pris le temps de vivre avec les humains, le long temps de sa vie cachée et le temps ramassé de sa vie publique ; il a pu admirer les gens de bien, comme Marie, sa mère, ou Joseph et bien d’autres ; il a vu les ravages du péché et combien même un petit péché était porteur de mort et de souffrance.  Jésus, lui, sur la croix, peut unir les païens et les Juifs, les riches et les pauvres, et surtout les saints et les pécheurs, les gens bien et les malfaiteurs. Il s’est fait l’un de nous, et il peut nous dire : « Je suis de tes os et de ta chair », et nous pouvons le lui dire en retour et nous réclamer toujours de lui : « Il est l’image du Dieu invisible, nous dit saint Paul, le premier-né avant toute créature : en lui tout fut créé ».

Alors, frères et sœurs, devant Jésus, nous pouvons oser nous regarder nous-mêmes : si nous sommes des gens de bien, et plaise à Dieu que nous le soyons, nous découvrons en lui que nous ne le sommes pas par nos propres mérites, mais par le don de Dieu, et nous pouvons oser apercevoir en nous les abîmes dont nous sommes préservés par celui qui nous arrache au pouvoir des ténèbres, nous pouvons reconnaître que le mal que nous faisons malgré tout, si petit soit-il, participe au grand mal du monde et nous pouvons accepter de nous reconnaître frères ou sœurs de ceux et celles qui sont éloignés de nous, dont la vie nous fait peur, et qui, pourtant, sont eux aussi appelés à devenir frères et sœurs de Jésus ; si nous sommes plus troubles, si nos actes sont marqués par le mal, si nous faisons le mal et du mal, devant Jésus, nous pouvons choisir que sa royauté s’exerce sur nous, nous pouvons oser voir que nous ne nous limitons pas à nos actes, qu’il y a en nous une humanité sainte, qui vient du don de Dieu, à l’image de qui nous avons été créés et que nous pouvons espérer être traités par le Père comme des frères et des sœurs de Jésus, donnés comme frères et sœurs à tous les gens de bien. « Car Dieu, dit saint Paul, a jugé bon… que tout, par le Christ, lui soit enfin réconcilié, faisant la paix par le sang de sa croix, la paix pour tous les êtres sur la terre et dans le ciel. »

Alors, frères et sœurs, permettez-moi de vous le dire : à l’âge où vous êtes les uns et les autres, vous avez à choisir sous la souveraineté de qui vous voulez placer votre vie. Sous celle de la pression de la consommation à tout crin, sous celle du confort et de la sécurité pour vous seuls, sous celle de la gloire que procurent la richesse et le pouvoir, sous celle du plaisir, du loisir, du bien-être, sous celle de la drogue ou du sexe, ou bien sous celle de Jésus de Nazareth, le roi des Juifs, le Crucifié qui a l’audace d’ouvrir les portes du paradis à un malfaiteur qui se tourne vers lui. Le choisir, lui, c’est accepter d’être membre de son Corps avec tous les autres, avec le ramassis de pécheurs en recherche de pardon et de sainteté qu’il attire à lui et qu’il donne les uns aux autres comme des frères et des sœurs à aimer pour qu’ils s’entraident dans la vie nouvelle. Le choisir, lui, c’est accepter de regarder tout être humain, même ceux et celles dont les intérêts sont divergents du mien, comme créés en lui et pour lui, et accepter de les recevoir un jour pour frères et pour sœurs pour l’éternité. Le choisir, c’est se mettre dès maintenant sous sa parole : « Aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis », parole qu’il nous dit par son Église dans le sacrement du pardon, parole qu’il nous dit aussi par son Église en chaque Eucharistie qui est son sacrifice.

Frères et sœurs, remarquez que, dans le récit de saint Luc, le peuple restait là à observer les trois crucifiés et à écouter leur dialogue. Les chefs et les soldats se moquent de Jésus, un des malfaiteurs le provoque, mais le peuple, lui, observe et réfléchit. Nous aussi nous sommes invités à contempler la scène, nous sommes invités à la laisser imprégner notre mémoire, notre imaginaire, de sorte qu’elle nous éclaire dans les choix de notre vie. Devant Jésus en croix, laissons monter en nous notre humanité faite à son image, à lui qui est l’image du Dieu invisible. Reconnaissons en lui « la tête du corps, la tête de l’Église », c’est-à-dire de la communauté que nous formons dès ce monde et en vue de la vie éternelle, la communauté de ceux et celles qui se mettent sous la royauté de Jésus, qui n’ont pas honte de dire au Crucifié : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume » et qui se préparent à entendre la parole de Celui qui est ressuscité, « premier-né d’entre les morts » : « Aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. » Lui peut et veut nous faire de chacun de nous un vivant pour les siècles ; lui peut et veut faire que ce soit juste et bon, en vérité,

Amen.


Partager

Notre site utilise des cookies pour vous offrir une expérience utilisateur de qualité et mesurer l'audience. En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies dans les conditions prévues par nos mentions légales.