Homélie pour la solennité de sainte Marie, mère de Dieu, le dimanche 1er janvier 2023 - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 3 janvier 2023

Homélie pour la solennité de sainte Marie, mère de Dieu, le dimanche 1er janvier 2023

Homélie pour la solennité de sainte Marie, mère de Dieu, le dimanche 1er janvier 2023, en la cathédrale Notre-Dame de Reims, 56ème journée mondiale pour la paix.

Frères et sœurs, trois thématiques peuvent occuper notre méditation et notre prière en ce premier jour de l’année.
Tout d’abord, la paix. Depuis le 1er janvier 1968, les Papes proposent de vivre ce jour inaugural comme une journée pour la paix. Le pape Paul VI avait lancé cette proposition à tous les humains de bonne volonté, suggérant que chacune et chacun trouve sa manière de le vivre. Pour nous catholiques, cette journée peut et doit être à tout le moins une journée de prière. Nous ne pouvons entrer dans l’année qui s’ouvre sans nous unir de l’intérieur de notre âme à celles et ceux qui connaissent la violence de la guerre. Nous pensons au peuple ukrainien, qui a vécu ce temps de Noël sans répit dans les bombardements, les attaques, les combats. Des hommes, des femmes meurent, d’autres sont blessés, et parfois pour la vie entière, et ils le sont dans leur corps et dans leur psychisme et aussi dans leur âme la plus profonde ; des enfants sont privés de leurs parents ; des familles sont séparées, des maisons sont détruites, toute une vie « normale » de labeur, de services mutuels, de projets d’avenir, est empêchée par la volonté prédatrice d’un autre. Nous pouvons prier non moins pour les soldats russes, entraînés dans cette aventure effrayante, et pour leurs familles. Eux aussi meurent ou sont blessés.
Nous pouvons, ce matin, prier encore et encore pour tant de pays d’Afrique confronté à la violence islamiste comme le Burkina Faso, le Mali, le Niger, la République Centrafricaine auxquels tant de liens nous unissent, ou alors atteint par les conséquences des conflits internes aux pays voisins et aux désirs de groupes variés de s’emparer de ses richesses, comme l’Est du Congo où le pape François va partir en voyage apostolique cette semaine ou le Soudan du Sud qu’il visitera aussi. Mais la paix est menacée aussi en Arménie, grand pays chrétien, qui subit les menées expansionnistes de son voisin et les conséquences des jeux de puissance des États qui l’entourent, au Liban où la population vit dans une précarité croissante et que sa jeunesse quitte faute d’espoirs, en Irak où les chrétiens, naguère nombreux, peinent à reconstruire des espaces de liberté et de croissance et le font pourtant avec un courage admirable. N’oublions pas les peuples et les pays voisins qui sont menacés par la volonté de domination de la République de Chine, et tant d’autres peuples ou tant d’autres lieux qui souffrent de la violence.
Nous prions pour eux, nous prions avec eux, nous faisons monter vers Dieu leur supplication en y joignant la nôtre, parce que nous sommes conscients que la paix ne vient pas seulement du silence des armes ni de l’arrêt des combats, et moins encore de la victoire de l’un sur l’autre. Elle vient d’une transformation profonde des cœurs. Peut-être avez-vous remarqué, frères et sœurs, sur la façade Ouest de notre cathédrale, à son bord Nord comme à son bord Sud, les statues de deux femmes agenouillées, les mains jointes et tendues devant elles. Nul ne sait très bien la signification que leur donnaient ceux qui les ont demandées. Je me plais, pour ma part, à y voir les allégories de la Synagogue et de l’Église, du peuple de l’Alliance et de la communion de tous les peuples admis à hériter de l’alliance avec Dieu, suppliant pour que l’œuvre de Dieu s’accomplisse. Car le Dieu vivant n’est pas le dieu de nos violences ni de nos peurs ni de nos volontés prédatrices avec tout ce qu’elles peuvent provoquer. Il est le Dieu pacifique, le Dieu de la paix, le Dieu qui est en lui-même Paix, dans la vivante communion du Père et du Fils et de l’Esprit-Saint. « Que le Seigneur tourne vers toi son visage, qu’il t’apporte la paix », telle est la prière de bénédiction que Moïse a reçue du Seigneur ». Car le Dieu vivant ne veut pas être le Dieu de nos besoins, le recours de notre impuissance et de nos angoisses. La paix nous permet de le chercher et de Le connaître en vérité. Soyons des serviteurs de la paix, en nos pensées et nos réflexions sur l’état du monde et déjà, frères et sœurs, dans le moindre de nos actes quotidiens. Nous le demanderons à la fin de cette Messe, en écoutant quelques extraits du message du Pape et en en priant ensemble.


Le premier jour de l’année est liturgiquement le jour de la circoncision de Jésus et du nom de Jésus. Nous les avons entendus mentionner par l’évangéliste saint Luc : « Quand fut arrivé le huitième jour, celui de la circoncision, l’enfant reçut le nom de Jésus, le nom que l’ange lui avait donné avant sa conception. » C’est le premier sang versé par celui dont le nom signifie « Dieu sauve ». Dans le fracas du monde, le fracas de ses violences et le vacarme de ses loisirs et de ses excitations, il nous faut prêter l’oreiller pour entendre ce nom : « Dieu sauve ». Voilà pour nous la bonne nouvelle.
Chaque année qui passe, chaque année qui s’ouvre n’apportent pas seulement leur lot de bouleversements petits ou grands au chaos du monde, elles ne marquent pas seulement le passage du temps qui use toute réalité, elles n’apportent pas seulement des réalisations nouvelles qui subiront elles aussi la fatigue du temps. Chaque année qui passe est une étape de plus dans l’œuvre du salut, chaque année qui s’ouvre apporte autant d’occasions nouvelles de voir le salut grandir, prendre forme en certaines et en certains, transformer quelques vies, ou être refusé, repoussé, ralenti, compliqué, par les choix que nous, les humains, faisons ou ne faisons pas. Pourtant, la promesse est énoncée : « Dieu sauve » et elle n’en reste pas, cette promesse, au stade des mots, elle s’est faite chair, elle s’est faite homme, elle agit en Celui-là qu’à la suite des anges et des bergers mais aussi tout bonnement de Marie et de Joseph, nous contemplons « nouveau-né couché dans la mangeoire », tout entier donné, tout entier remis à notre capacité de le regarder, de l’aimer, de recevoir ce qu’il nous apporte. Frères et sœurs, que le Nom de Jésus occupe notre cœur, qu’Il soit le centre secret de notre esprit, du lieu où, en nous, s’élaborent les pensées et se décident nos actions. « Dieu sauve » et chacun de nos jours est un jour de salut, peut être un jour de salut.


Enfin, ce jour est consacré à la contemplation et à la célébration de la maternité divine de Marie : Marie, mère de Dieu. Elle a été mère de cet enfant-là qui a voulu être « né d’une femme et soumis à la loi de Moïse », ainsi que le dit saint Paul, parce qu’il a voulu entrer dans notre condition humaine la plus ordinaire, en nos plus humbles commencements, sans se priver des dépendances qui nous font vivre, sans s’épargner les solidarités qui nous tiennent les uns avec les autres. Il a voulu avoir besoin de l’affection d’une mère, et des attachements que les mois de la grossesse créent entre tout enfant et sa mère ; il a voulu avoir besoin de la présence d’un homme qui puisse être son père, et c’est « Marie et Joseph » que « les bergers découvrirent avec le nouveau-né couché dans la mangeoire ». Dieu s’est fait homme en cet Enfant, homme « né d’une femme et soumis à la loi de Moïse », né de la chair et du sang et des liens de la culture et de la civilisation, pour que nous devenions fils et filles du Père, pour nous partager son privilège unique.
Voilà le salut, frères et sœurs : non pas nous épargner les douleurs et les défis de la vie terrestre, mais nous permettre d’y devenir des fils et des filles du Père et de l’être vraiment, en vivant filialement avec Dieu et fraternellement entre nous, tout ce qui nous arrive et nous arrivera et en apprenant ainsi à être fils et filles en vérité. Marie nous y engendre, comme elle a mis au monde Dieu se faisant petit enfant et comme elle a exercé avec lui une maternité entière, l’accompagnant dans sa croissance humaine et dans sa prise en charge de sa mission unique et universelle. La façade de notre cathédrale nous montre Marie couronnée par son Fils. Elle est notre mère à tous, en elle toute l’Église, c’est-à-dire l’humanité que le Père appelle et unit à son Fils, se trouve couronnée, allant au terme de sa route terrestre. Frères et sœurs, nous vivons des temps de trouble, où l’humanité s’interroge à l’infini sur elle-même, où elle s’inquiète de sa propre survie, où chacune et chacun de nous se demande qui il est et ce qu’il doit être, cherche son bonheur et s’épuise parfois sans jamais être satisfait de rien.
Que Marie, notre mère, nous engendre les uns et les autres et tous ensemble à la vie de fils et de filles, qui ne sont plus « esclaves » en ce monde, subissant les événements, mais « fils et filles », « héritiers » donc, que chaque événement appelle à adhérer davantage, dans une liberté plus grande, à l’œuvre du Père. Nous serons alors pour nos frères et nos sœurs le signe que l’histoire humaine n’est pas une histoire de biochimie et de physique, ni une histoire de cynismes et de fatalités économiques, mais une histoire de libertés, une histoire de communion, une histoire dans laquelle le moindre acte d’amour vrai a plus de poids que toutes les victoires apparentes de la violence et de l’égoïsme. Que Marie, mère de Dieu et notre mère, nous montre son Fils au long de cette année et nous aide à le contempler et à le suivre avec ferveur,

Amen.


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