Homélie pour la solennité de l'Assomption de la Vierge Marie - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 16 août 2021

Homélie pour la solennité de l’Assomption de la Vierge Marie

Homélie de Mgr Eric de Moulins Beaufort pour la solennité de l’Assomption de la Vierge Marie, le dimanche 15 Août 2021, en la cathédrale Notre-Dame de Reims.


« Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur ». L’exclamation d’Élisabeth, frères et sœurs, est la nôtre en ce jour. Nous contemplons Marie dans l’aboutissement, l’achèvement, de sa vie terrestre, et nous voyons en elle l’œuvre de Dieu, menée jusqu’à son terme, gage de notre espérance à tous et à chacun. Élisabeth exprime son admiration et sa bénédiction pour sa jeune cousine, dans la joie inattendue de leur maternité à elles deux ; son exclamation a valu, nous le savons, dans la douleur atroce de la croix ; elle trouve tout son sens, toute sa vérité, en l’heure glorieuse de l’assomption, lorsque Marie, achevant sa vie terrestre, se trouve tout entière appelée par son Fils et en lui, de la fine pointe de son âme à la fibre de sa chair. Heureuse, Marie, qui a cru à l’annonce de l’ange qui venait bouleverser ses projets les mieux fondés pour une joie plus grande encore ; heureuse, Marie, qui a cru, à l’heure effrayante de la croix, que Dieu ne cessait pas d’être fidèle et de tenir sa promesse ; heureuse, Marie, qui, à l’heure de la mort, façonnée par sa vie de foi, peut être saisie sans réserve dans la communion éternelle de Dieu.

Marie, à jamais, est pour Dieu et pour nous tous, celle qui a cru. Écoutons la précision d’Élisabeth : « Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. » Pour les lecteurs ou les auditeurs de l’évangile selon saint Luc que nous sommes, Élisabeth se réfère aux paroles de l’ange, dans ce que nous appelons le mystère de l’Annonciation, mais Marie est fille de Sion, elle est une jeune femme juive, elle a reçu et elle reçoit toutes les paroles qui furent dites à Israël, depuis la toute première : « Faisons l’homme à notre image et ressemblance » jusqu’à l’ultime pour elle : « Il règnera sur le trône de David son père et son règne n’aura pas de fin ». Croire, frères et sœurs, c’est croire en la promesse de Dieu ; c’est croire que Dieu tient la promesse déposée en notre création à tous. Croire, c’est avoir confiance qu’en Jésus, venu à nous, livré pour nous libérer de l’esclavage du péché, ressuscité pour notre vie, Dieu accomplit ce qu’il a annoncé dès le commencement, ce qu’il a voulu et qu’il nous a partagé et qui est l’origine de notre existence. Croire, aujourd’hui, en cette fête de l’Assomption, c’est avoir confiance qu’à travers les tours et les détours de l’aventure humaine, Dieu réussit son œuvre, parce qu’en Jésus, il s’est engagé au point qu’il fallait pour renverser la logique de mort qui risquait de nous engloutir tous. Tout ce que nous appelons notre dogme ne sert qu’à nous orienter vers la plus grande promesse de Dieu, à nous aider à ne pas la réduire, à ne pas la ramener à des proportions qui paraîtraient raisonnables mais qui manqueraient l’inouï à quoi Dieu nous appelle, pour lequel il nous appelle : partager sa vie, son intensité de vie, avec tout notre être, c’est-à-dire le plus intime de notre âme comme le plus terrien de notre chair.

« Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. » A travers les siècles, tel est le défi posé devant nous. Croire. Non pas seulement respecter les commandements, remplir nos devoirs sociaux et religieux, mener notre vie de manière sage et généreuse, mais croire : croire que nous sommes suscités dans l’être et portés par une promesse et que cette promesse est tenue et sera tenue, par-delà et à travers tous les événements joyeux ou douloureux de notre vie terrestre ; croire que toutes et tous, nous sommes faits pour partager la gloire de Dieu. Chacune, chacun de nous, peut facilement trouver en lui-même ou auprès de lui, des raisons ou des motifs de douter de Dieu, de s’inquiéter de sa bonté et de son efficacité pour nous. Nous célébrons ce jour en ayant au cœur la mémoire du Père Olivier Maire, assassiné par celui-là même qu’il avait décidé d’aider, quelqu’un qui, déjà, avait manqué à la confiance que lui avait faite tant de personnes da la paroisse cathédrale de Nantes. Nous gardons au cœur la mémoire de Nadine, Vincent et Simone, assassinés dans la basilique Notre-Dame de Nice le 29 octobre dernier, et aussi Samuel Paty et le Père Hamel, et tant d’autres personnes victimes, à Nice, à Paris, à Romans, à Toulouse, en tant d’autres lieux, du terrorisme qui se veut islamiste dont nous savons bien qu’il est loin d’être vaincu et dépassé dans les cœurs et les esprits. Nous portons tant de victimes de la violence aveugle qui vient briser des vies : en notre ville de Reims, nous pouvons évoquer en ce jour Bastien Payet, les victimes de Courville, et encore Christophe Lantenois, sans oublier celles et ceux qui meurent sur la route ou qui portent les séquelles d’accidents qui n’auraient jamais dû avoir lieu. Tant de vies sont brisées ou abîmées, sans avoir, à notre vue, porté tous les fruits qu’elles promettaient pour la joie de beaucoup. La mémoire de ceux-là et de beaucoup d’autres occupe notre cœur et notre esprit en ce jour de gloire,, et aussi celle de leurs proches toujours marqués, toujours dans le chagrin, qui ont dû et doivent retrouver des raisons de vivre, d’espérer et de croire, car la gloire de Dieu part des mystères douloureux et transfigure les mystères douloureux. Cet été, nous n’oublions pas les personnes victimes des inondations ou des incendies ou des tremblements de terre, de la violence de la nature sous toutes ses formes. Plus ordinairement encore, combien de vies interrompues ou abîmées par la maladie, renforcée depuis des mois qui s’ajoutent les uns aux autres par la covid-19, par des formes diverses de dégénérescence, par la mort enfin. Combien d’amours qui se transforment en haine ou, à tout le moins, en incapacité de vivre ensemble, de couples et de familles qui se déchirent ou renoncent à porter à son terme la promesse faite. Comment aujourd’hui aussi ne pas évoquer ceux et celles parmi nous qui attendent une situation économique ou sociale meilleure qui leur permette de vivre sans angoisse pour le lendemain et avec des espoirs pour leurs enfants. Frères et sœurs, alors même que, globalement, les temps où nous sommes comptent parmi les paisibles de l’histoire de l’humanité, les raisons et les motifs de nous inquiéter, de nous troubler, de manquer de foi finalement se pressent à notre esprit dès que nous y réfléchissons. Tous, nous risquons d’être atteints par le manque de foi, dans la fibre de notre chair ou dans la pointe de notre âme. Ce manque de foi se traduit par la violence des réactions qui s’expriment sur les réseaux sociaux ; par la mise en cause de toutes les autorités, qu’elles soient politiques, culturelles, scientifiques ou religieuses ; par la réclamation sans fin de droits nouveaux ; par le besoin pressant de la protection des lois, alors même que cette protection est aussi jugée illusoire et de bien d’autres manières encore.

Et pourtant : « Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. » En elle, en sa foi à elle, nous pouvons abriter notre pauvre acte de foi, avec ses limites et ses inconséquences. La première lecture nous a fait partager la vision du Voyant de l’Apocalypse. Par sa foi, parce qu’elle a cru entièrement, à travers la joie comme à travers la douleur, et jusqu’au bout, que s’accompliraient pour elle les paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur, parce qu’elle a synthétisé en elle toute la foi d’Israël, Marie, est devenue la femme universelle. Sa personnalité singulière s’élargit à la dimension de l’humanité entière : pour nous, en notre nom, en notre faveur, elle a donné sa foi à Dieu ; pour nous, en notre nom et en notre faveur, elle a reçu et porté l’enfant qui est Dieu venant à nous ; pour nous, en notre faveur et pour notre vie, elle reçoit la grâce d’enfanter le Corps entier de Jésus. En la contemplant, nous voyons aboutir en elle la foi de Sara, de Rebecca, de Rachel, de toutes les femmes d’Israël qui ont cru et tâché de vivre dans l’espérance que Dieu tenait sa promesse et avec le Voyant de l’Apocalypse nous admirons en elle la force de l’acte de foi de tant de femmes et d’hommes aussi qui, à travers l’histoire, ont contribué et contribuent à faire naître et grandir le Corps du Christ.

Saint Paul nous aide encore à le comprendre. Sa phrase la plus énigmatique est sans doute celle-ci : « Car, la mort étant venue par un homme, c’est par un homme aussi que vient la résurrection des morts ». La mort, pour lui, dans la lumière de Jésus, le fils de Marie, le fils confié par Dieu à Marie, n’est pas une fatalité, une loi du monde créé, qui doit bien s’user et finir puisqu’il n’a pas toujours été ; elle est un fait humain, un fait de l’homme, le résultat d’un choix spirituel, d’un choix de l’esprit d’un homme, et elle est renversée par l’acte total d’obéissance et d’amour d’un seul homme, Jésus, un seul homme, mais né d’une mère, engendré par elle et porté par toute une lignée, non seulement dans la chair mais par l’enchaînement de la foi en acte de beaucoup et en rendant possible celle de beaucoup d’autres. Ce que lui seul pouvait faire et a fait pour nous, il a pu l’accomplir parce qu’il était reçu, accueilli, recueilli dans la foi de Marie sa mère et de celles et ceux qui se rapprochent d’elle.

Frères et sœurs, puisse Marie, dans le mystère de son Assomption, dans la joie et la gloire de son Assomption, nous obtenir la grâce de la foi. Puisse l’exclamation d’Élisabeth valoir pour chacun et pour chacune de nous : « Heureux celui qui a cru, heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur ! » Puissions-nous, au milieu de ce monde, au long de notre vie terrestre, être de ceux et de celles qui écoutent les paroles qui leur sont adressées de par Dieu, qui savent les reconnaître et leur donner leur confiance. Ayons l’audace et la simplicité d’abriter notre foi dans celle de Marie et de tous les autres. Au terme de cette Messe, nous renouvellerons la consécration de la France à Marie, voulue par le roi Louis XIII : que les événements du monde ne nous écrasent pas comme des fatalités, mais qu’ils nous ouvrent à l’attention à ce que Dieu promet et nous soient toujours une occasion de lui donner notre foi, Marie glorifiée, vivante en Dieu, nous aidant et nous stimulant toujours,

                                                                                                       Amen.


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