Homélie pour la solennité de la Pentecôte - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Homélie pour la solennité de la Pentecôte

Homélie pour la solennité de la Pentecôte, année A, le 31 mai 2020 en la cathédrale Notre-Dame de Reims.

Il y a cinquante jours, frères et sœurs, ici même la voix de l’ange a retenti : « Je sais que vous cherchez Jésus, le Crucifié. Il n’est pas ici, car il est ressuscité comme il l’avait dit, alléluia ! ». Avec le P. Laurent, avec le P. Bettler et Mgr Feillet, j’ai voulu, nous avons voulu que cette annonce, la bonne nouvelle, retentisse dans ces murs. Vous suiviez alors la Vigile grâce la télévision ou à la radio ou aux réseaux sociaux ou bien vous vous prépariez à suivre la messe de Pâques, mais il nous avait paru important que les murs et les vitraux de la cathédrale entendent la joyeuse nouvelle, parce que la cathédrale symbolise tout le peuple de Dieu, qu’il soit rassemblé ou non, depuis les commencements jusqu’à la fin de l’histoire et depuis les espaces terrestres jusque dans les chœurs angéliques. Depuis seize siècles à cet emplacement l’annonce de la victoire du Christ sur le péché et sur la mort fait vibrer notre cathédrale et depuis huit siècles les statues de la façade la porte au monde entier. Cinquante jours après, en ce matin, après onze semaines de confinement, nous voici rassemblés, pas tout à fait avec la facilité ordinaire mais rassemblés tout de même, pour célébrer le don de l’Esprit-Saint. Nous nous joignons aux onze apôtres et à Matthias, à Marie et aux autres femmes et aux frères du Seigneur : il y a deux mille ans, ils ont reçu le don de l’Esprit-Saint et ce don était pour eux mais il était aussi, en eux, pour nous. Ils ont été pénétrés par le feu de l’Esprit et remplis de sa sobre ivresse, afin d’être rendus capables de porter la vie nouvelle aux humains de toutes races et nations. Ce matin-là, l’Église a commencé, c’est-à-dire le renouvellement de l’humanité par la puissance de l’Esprit qui nous approfondit, qui nous intègre au Christ Jésus vivant et qui nous ouvre les uns aux autres.

Dans le récit de saint Luc, le don de l’Esprit-Saint intervient dix jours après l’Ascension, alors que Jésus donc a mis fin à ses apparitions de Ressuscité en faveur de ses disciples ; l’évangéliste Jean, lui, nous rapporte le don de l’Esprit dès le soir de Pâques par le Ressuscité venant au milieu des siens. Ces deux récits nous assurent d’une chose : l’Esprit-Saint ne vient pas compenser l’absence de Jésus, il vient plutôt intensifier sa présence. Il vient nous intégrer davantage en Jésus pour que nous puissions vivre de lui et en lui et même devenir des porteurs de sa présence. L’Esprit-Saint vient pour nous unir les uns aux autres en Jésus mais dans le même mouvement nous envoyer vers les autres, vers les frères et sœurs en puissance qui peuplent les routes terrestres. Pourquoi, au soir de Pâques, l’Esprit-Saint est-il donné dans le souffle de Jésus sur ses disciples et au matin de la Pentecôte, dans le feu ? Le Ressuscité, soufflant sur ses disciples, reprend le geste du Créateur dans le récit de la Genèse : il donne de ce qu’il a de plus intime, de ce qui monte de ses profondeurs personnelles, pour que l’humanité vive ; le feu de la Pentecôte, lui, comme tout feu, est fait pour se propager, il peut être partagé par chacun de ceux qui l’ont reçu. Au jour de la Pentecôte ne commence pas une religion nouvelle, une théorie inattendue, c’est une humanité renouvelée, c’est l’humanité à la fois nouvelle et accomplie qui surgit soudain dans la poignée d’hommes et de femmes saisis par l’Esprit-Saint. L’histoire de l’humanité ne peut plus être la même : car, désormais, des hommes et des femmes vivent en n’ayant plus pour horizon la mort mais la vie éternelle comprise comme vie surabondante, tenant les promesses les meilleures de la vie terrestre, et cela pour tous, sans distinction de race, de culture ou de niveau social ; car, désormais, les hommes et les femmes peuvent ne pas vivre seulement face à un ciel vide ou redoutable, mais habités intérieurement par celui qui est plus grand qu’eux, non pas pour vivre une autre vie que les autres mais pour vivre autrement la condition humaine la plus ordinaire. Les chrétiens se comportent plus ou moins comme ils le pourraient ; parfois, ils ont mêlé et mêlent leurs intérêts d’un moment à cet horizon nouveau. Cependant, tout de nos relations, tout de nos actes, peut préparer la vie en plénitude puisque tout peut être rempli de l’Esprit-Saint donné par Jésus ou être refus de cet Esprit-Saint. Vivre ne consiste plus seulement à survivre, à se créer le plus de confort possible en attendant de mourir ni à chercher à tout prix à laisser une marque inaltérable dans la mémoire des humains ; vivre consiste à porter en ce monde la bonté et l’amour de Dieu pour tous et chacun des humains, à s’en faire le relais autant qu’il peut nous être donné.

Alors, frères et sœurs, cette Pentecôte 2020 marque la reprise des messes avec assemblée. Elle nous voit sortir du confinement ; prions pour qu’elle nous fasse sortir de tout confinement où nous resterions par peur des autres ou par goût du confort. Pour nous laisser brûler par l’Esprit et pousser par lui, relevons trois paroles parmi celles qui nous données.

D’abord, de saint Paul : « Personne n’est capable de dire : ‘’Jésus est Seigneur, sinon dans l’Esprit-Saint’’ ». Être chrétien n’est pas seulement être un homme ou une femme qui a décidé, pour une raison ou pour une autre, de croire en Jésus, ou de croire en Dieu par Jésus de Nazareth ; c’est surtout quelqu’un qui a été choisi par Dieu et qui a reçu le don de l’Esprit-Saint, et ce don bouleverse sa vie, qu’il le veuille ou non. Nous avons besoin de nous rappeler toujours que nous recevons cet Esprit, il nous est donné par Quelqu’un. Pour que nous puissions le recevoir et le recevoir au plus profond de notre liberté, il a fallu que ce Quelqu’un partage notre condition humaine, supporte la souffrance par obéissance et par amour, meurt et soit ressuscité. Voilà pourquoi nous avons besoin de la messe, de la liturgie, de sortir de chez nous, tant que nous le pouvons, pour rejoindre d’autres dans la célébration et, si nous devons rester chez nous, voilà pourquoi il convient que nous nous joignions à une messe réelle, célébrée en un lieu et à une certaine heure : parce que là nous nous approchons de Jésus et lui vient à nous. Il vient à moi personnellement mais toujours aussi il vient à beaucoup d’autres, et ma joie d’avoir été choisi n’a de sens que parce que d’autres le sont aussi en qui je ne vois pas des concurrents dont je pourrais être jaloux mais des frères et des sœurs dont le désir de Jésus raffermit le mien.

Ensuite, toujours de saint Paul : « Les dons de la grâce sont variés, mais c’est le même Esprit. Les services sont variés, mais c’est le même Seigneur ». Le don de l’Esprit-Saint, le don de la foi, font de nous des privilégiés, mais ils nous sont faits pour que nous servions. La première marque que nous vivons bien de l’Esprit-Saint est notre capacité à voir l’œuvre de la grâce chez les autres et à nous en émerveiller. Il est très platement humain de critiquer les autres, de voir leurs limites, leurs pauvretés, leurs défauts, leurs péchés peut-être ; il est très chrétien de sentir que l’Esprit-Saint agit en eux et à travers eux cependant, de le voir ou déjà de l’espérer, de le croire avec confiance et de se rendre attentif à tout signe qui pourrait nous en être donné.

Enfin, du Seigneur Jésus lui-même : « Recevez l’Esprit-Saint. A qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus. » Le peuple nouveau que Jésus Ressuscité fait surgir au sein de l’humanité par la puissance de son Esprit n’avance pas dans l’histoire en réclamant ses droits et en se plaignant de son sort. Il est mis en marche, ce peuple, envoyé à toutes les nations, pour vivre le sort des humains et partager le pardon. Qui est à la hauteur de la promesse que Dieu a déposée en lui ? Qui peut prétendre avoir été et être porteur de vie comme il lui a été donné de l’être ? Mais qui aussi ne fait pas l’expérience que son désir d’être et de vivre et de faire le bien est contrecarré par d’autres, empêché par les circonstances, troublé par les réactions de son entourage ? Nous sommes envoyés dans le monde, là où nous sommes, comme nous sommes, non pas pour accuser les autres, non pas non plus pour esquiver la justice, mais pour partager le pardon dont nous bénéficions de la part de Dieu et pour révéler à tous qu’ils et elles bénéficient d’un pardon qui les précède et leur permet d’être encore.

Lorsque nous célébrons l’Eucharistie nous sommes au Cénacle, dans la chambre haute, avec les Onze et Marie et Matthias et quelques femmes et quelques autres. Jésus, le Ressuscité, le Vivant, vient au milieu de nous et se tient là pour nous et l’Esprit-Saint, comme nous le demandons avec instance dans la prière eucharistique, vient sur nous comme il vient sur les oblats. Nous nous approchons du Seigneur Jésus et il s’approche de nous, venant de bien plus loin que nous, des profondeurs de la mort où il était entré pour nous en tirer et des profondeurs de Dieu d’où il a été envoyé pour s’unir à nous, et il nous dit une fois et une seconde fois encore : « La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. »

                                                                                                      Amen.


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