Homélie pour la solennité de la Pentecôte, le 28 mai 2023, en la cathédrale Notre-Dame de Reims, confirmations des adultes - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 30 mai 2023

Homélie pour la solennité de la Pentecôte, le 28 mai 2023, en la cathédrale Notre-Dame de Reims, confirmations des adultes

Homélie pour la solennité de la Pentecôte, année A, le 28 mai 2023, en la cathédrale Notre-Dame de Reims, confirmations des adultes

« Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur ». Frères et sœurs, vous surtout qui vous préparez à être confirmés, soyons attentifs à ce petit mot : le Seigneur. Saint Jean donne ce titre à Jésus ressuscité, au moment où les disciples le reconnaissent comme le Crucifié qui est vivant. Dans le grec des évangiles, Seigneur traduit Kyrios, le titre par lequel, au début de chaque Messe, nous l’invoquons : « Kyrie eleison », « Seigneur, prends pitié ». Kyrios était le titre donné à tout supérieur, aux dieux dans leur diversité comme aux maîtres, aux patrons, aux rois, aux dominants. Mais dans le monde juif, Kyrios traduit Adonaï, la manière dont les Juifs lisent le nom sacré de Dieu, le Nom que nul ne prononce sinon le grand-prêtre une fois par an au Yom Kippour, le jour du grand pardon, lorsqu’il entrait dans le Saint des Saints du Temple de Jérusalem pour renouveler l’alliance de Dieu avec son peuple choisi. C’est que le peuple juif, à cause de l’Alliance, sait une chose essentielle qui est son secret mais qu’il garde pour le bénéfice de l’humanité : aucun Seigneur n’est digne de l’être humain sinon Dieu seul, et en revanche, Seigneur, Dieu l’est vraiment, il l’est en vérité, parce qu’il donne la vie. Au soir de Pâques, selon saint Jean, les disciples ont vécu cette réalité avec une intensité toute particulière : le Seigneur de l’être humain est le Dieu vivant, le Dieu créateur de tout, celui-là même qui se donne à voir en Jésus crucifié pour nous et ressuscité pour nous donner l’Esprit-Saint, ce qu’il a de plus intime, ce qui provient de son souffle, venant de la part du Père qui l’a envoyé jusqu’à nous : « Recevez l’Esprit-Saint ».

Alors, frères et sœurs, permettez-moi ce matin de tirer pour vous trois réflexions de ce que nous venons d’entendre et de ce que nous allons célébrer dans un instant.


Tout d’abord, donc, l’Esprit-Saint vous est donné, il est confirmé en vous par le sacrement de l’onction, pour que Jésus soit le Seigneur de vos âmes, le Seigneur, si vous préférez, de votre liberté en sa plus profonde intimité. Il est soufflé sur vous, comme le souffle originel de la vie selon le second récit de la création, pour habiter le plus intime de votre intelligence, de votre mémoire, de votre volonté, le lieu où se dessinent vos pensées et où se décident vos actes et vos actions, pour que, désormais, le Seigneur, le maître, en soit Jésus, mort et ressuscité, celui qui a partagé notre condition humaine jusqu’à la mort pour nous tirer vers la vie en plénitude. Réfléchissons avec un peu de lucidité : tous nous sommes soumis à bien des influences ; pour tous nos pensées et nos décisions sont pour une part plus ou moins grande déterminées par des conditionnements familiaux, sociaux, culturels ; tous nous subissons l’influence de telle ou telle personne dont la parole nous réveille ou dont l’exemple nous stimule. Mais nous, chrétiens, baptisés et confirmés, nous pouvons, nous recevons la capacité d’avoir pour Seigneur véritable non pas des puissances de chair et de sang, non pas des idées marquées par le péché et par la mort et par les peurs que l’une et l’autre génèrent, mais le seul Jésus, le Fils bien-aimé du Père, celui qui est vivant à jamais, qui devient notre Seigneur, non parce qu’il capte notre travail, non parce qu’il nous fait dépendre de lui, mais parce qu’il s’est donné pour nous jusqu’à la mort, parce qu’il se fait la nourriture de notre liberté dans son Eucharistie, par qu’il nous transforme notre mort en un passage vers la vie pleine et plus que pleine, parce qu’il nous apprend le chemin d’un amour qui n’est pas possession mais don de soi et service du prochain, dans la confiance en la tendresse du Père. La seigneurie du Christ est la garantie de notre dignité à chacun, chacun de nous, chacune de nous, selon ce qu’elle a ou ce qu’il a d’unique et d’irremplaçable et non pas selon notre utilité sociale. Nous obéissons aux autorités terrestres et nous le faisons de bon cœur, mais nous ne le faisons pas seulement pour stabiliser l’ordre social mais parce que nous y trouvons l’occasion de mettre en œuvre le service de l’œuvre ultime de Dieu.

Ensuite, la seigneurie de Jésus inaugure une nouvelle humanité ou une humanité renouvelée. C’est ce qu’annonce l’événement de la Pentecôte des apôtres dont nous avons entendu le récit dans le livre des Actes des Apôtres. L’histoire des humains n’est pas seulement celle des empires et des nations, des pays qui s’affrontent ou qui s’allient, ni seulement celle de l’industrie et du commerce. Plus profondément, plus réellement, à travers les siècles, le Dieu vivant agit par la puissance de l’Esprit donné par le Seigneur Jésus pour faire surgir des hommes et des femmes capables de servir la vie de tous les autres. Lors de nos rencontres, nous avons pu réfléchir au symbolisme du feu. Pourquoi l’Esprit-Saint vient-il sur les apôtres comme un feu qui se partage en langues, une pour chacun ? Parce que le feu brûle, éclaire et réchauffe, mais surtout parce que le feu peut se partager à l’infini. Il est fait pour se propager, pour se donner. L’Esprit-Saint vient comme un feu pour nous dévoiler que si l’humanité est diverse, tellement diverse, ce n’est pas pour que les langues et les cultures s’opposent, cherchent à se dominer les unes les autres, pour que les peuples s’entretiennent dans la méfiance et la peur les uns à l’égard des autres, mais pour que tous voient et célèbrent « les merveilles de Dieu ». Et la merveille de Dieu est de nous unir à lui et de nous ouvrir les uns aux autres, pour qu’ensemble nous fassions de l’univers un espace où les dons et les talents des uns profitent à tous les autres et réciproquement. Dans notre monde marqué par la guerre de bien des manières, en Ukraine, en Arménie, ou par des menaces de prédation au Mali, au Soudan, au Burkina-Faso, ou ailleurs, dans un monde où des peuples vivent encore dans des régimes de violence et de répression, nous chrétiens, baptisés et confirmés, sommes le signe, le gage, la promesse, que la destinée de l’humanité vaut infiniment mieux que cela. Plus modestement à notre échelle à chacun, nous nous méfions les uns des autres, nous savons bien dire les défauts des autres ; notre capacité de parler, nous l’utilisons plus souvent qu’à notre tour, pour dire du mal des autres, pour signaler leurs limites, en faire rire ou faire s’indigner contre eux. Les réseaux sociaux exacerbent encore cette manière d’être. L’Esprit-Saint vous est donné à chacune et à chacun pour que vous soyez, là où vous êtes, des artisans de paix, des porteurs de communion, de justice et de vérité mais aussi de pardon, pour que vous grandissiez dans un certain décentrement de vous-mêmes, afin de pouvoir mieux ajustés au service de celles et de ceux qui, d’une manière ou d’une autre, vous sont confiés. L’Esprit-Saint vous est donné pour que vous sachiez voir les merveilles de Dieu en vous et dans les autres et pour que vous soyez capables de les dire, capables de vous émerveiller de ce que Dieu fait en vous et dans les autres.

Enfin, frères et sœurs, retenez l’image du corps qu’emploie saint Paul dans sa première lettre aux Corinthiens. Elle a un côté banal : tout groupe humain forme un corps au sens où les uns et les autres ont des compétences différentes et ont besoin les uns des autres : rares sont ceux qui sont à la fois enseignants et garagistes, plombiers et historiens. Mais l’apôtre vise une réalité plus profonde. Il parle des dons de la grâce qui sont variés. Il ne veut pas seulement dire que les compétences sont variées et se complètent, il veut nous rassurer en quelque sorte. Si différents soyons-nous, l’Esprit –Saint nous habite et nous ajuste de l’intérieur les uns aux autres. La phrase de saint Paul : « Personne n’est capable de dire : ‘’Jésus est Seigneur’’, sinon dans l’Esprit-Saint », est une parole de consolation. Il nous arrive et il vous arrivera de manquer d’émerveillement, de céder à une méchanceté à dire, de provoquer de la tristesse ou de la déception. Et pourtant, nous savons dire : « Jésus est Seigneur », et cela nous assure que l’Esprit-Saint est bien en nous et qu’il ne cesse de nous travailler. Aujourd’hui, il va être scellé en vous comme une source jaillissante, pour être toujours à vous. Vous y puiserez ou vous n’y puiserez pas, mais il sera là en vous. Alors ne doutez pas que, malgré les apparences contraires, le Corps du Christ se construise à travers l’espace et le temps et il grandit, il s’approfondit. Il sera en vous désormais pour vous assurer que vous contribuez à l’édifier, à l’approfondir, à le fortifier, plus et mieux que vous ne pouvez le savoir. Nos communautés chrétiennes ne sont pas parfaites, elles connaissent des tensions parfois parce qu’elles sont composées d’hommes et de femmes, mais nous pouvons avoir foi que ces hommes et ces femmes, l’Esprit-Saint les travaille de l’intérieur et que, donc, nos communautés sont tout de même, malgré leurs faiblesses, des fruits de l’Esprit et préparent le royaume qui vient.

Il y a une condition à ne pas oublier : l’Esprit nous est donné, à nous, par Jésus, celui-là seul que nous appelons notre Seigneur, par Jésus qui est mort pour nous, à cause de nos péchés, et qui est ressuscité pour notre vie. L’Esprit-Saint n’est pas une force vague et générale, qui effacerait par magie toutes les aspérités. Il jaillit du plus intime de la Trinité, du plus intime du Dieu vivant, et il nous est donné à travers Jésus dans le sacrifice qu’il fait de lui-même pour nous et dans la réponse du Père à ce don, il nous atteint par le souffle de Jésus qui l’instille au plus intime de nos libertés. Il nous est donné pour le combat spirituel, pour qu’au long de nos vies nous soyons aptes à reconnaître notre péché, à découvrir le bien ou le meilleur que Dieu met devant nous et à le choisir, malgré tout ce qui en nous nous ferait douter de nous-mêmes.

Frères et sœurs, réjouissons-nous d’accompagner de matin ces adultes ou grands adolescents qui demandent à être confirmés. Ils nous rejoignent pour être au milieu de ce monde les témoins et aussi les garants des merveilles de Dieu. Puissions-nous vivre en ce monde en les reconnaissant et en les rendant actives dans nos propres vies. Puissions-nous nous laisser conduire par notre seul Seigneur, Jésus le Christ,


Amen.


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