Homélie pour la Saint Antoine de Padoue, à Saint Antoine des Hauts-Buttés - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 14 juin 2021

Homélie pour la Saint Antoine de Padoue, à Saint Antoine des Hauts-Buttés

Homélie de Mgr Eric de Moulins-Beaufort pour le 11ème dimanche du Temps ordinaire, année B, le 13 juin 2021, fête de saint Antoine de Padoue, en l’église Saint-Antoine-des-Hauts-Buttés.

« Nous cheminons dans la foi, non dans la claire vision », nous rappelle saint Paul. Il faut nous en réjouir, frères et sœurs, et non pas rêver trop vite d’un autre régime qui serait celui de la claire vision. En effet, il s’agit de vivre. Croire, c’est vivre ; c’est être vivant, c’est être des vivants. Cheminer dans la foi n’est pas croire à tout et n’importe quoi, ce qui, en français, se dit être crédule. Cheminer dans la foi n’est pas être naïf, comme si tout devait s’arranger tout seul et la vie être facile. Cheminer dans la foi, c’est avoir confiance, l’apôtre nous le dit, que notre vie terrestre nous mène à plus de vie. Non pas par elle-même mais à cause du don de Dieu qui vient à nous dans le Christ. Nous cheminons dans la foi et non dans la claire vision, parce que nous ne coïncidons pas encore avec nous-mêmes ni aucun être humain autour de nous. Tous, nous sommes en chemin vers nous-mêmes, et parfois nous avançons d’un bon pas, parfois nous tournons en rond ; parfois, hélas, nous nous détournons de nous-mêmes et de celui qui nous y amènerait pour de vrai. Cheminer dans la foi, c’est croire que chaque instant de notre vie nous promet un « encore meilleur », parce que chaque instant de nos vies est repris par le Seigneur Jésus et tourné par lui vers la résurrection et la vie pleine et entière.

Comment cheminerions-nous si nous ne cheminions dans la foi ? Qu’est-ce qui nous ferait avancer ? Comment avancent ceux et celles qui nous entourent et qui n’ont pas la foi ? Par le désir et ses frustrations successives ? Par la colère et le ressentiment qui nous remplissent d’une énergie mauvaise ? Par l’orgueil qui nous pousse à être par nous-mêmes et nous prive de recevoir ce que les autres voudraient nous donner ? En chacun de nous s’affrontent ces forces, et il importe que nous fassions triompher en nous la foi. Les deux paraboles de Jésus nous y encouragent. « Il en est du règne de Dieu comme d’un homme qui jette en terre la semence », « Le règne de Dieu est comme une graine de moutarde ». Le règne de Dieu n’est pas un état, une situation du monde ou de chacun de nous. Ce n’est pas une société parfaite. Le règne de Dieu est un processus qui s’accomplit mystérieusement, d’abord à l’intérieur de chacun de nous, caché, secret, inaperçu, intime, avant qu’il porte du fruit. La semence jetée en terre peut être la parole de Dieu ou la foi, qui est en nous le reflet de l’attitude étonnante de Jésus à l’égard de son Père. La foi, la confiance que Dieu nous conduit vers « mieux encore », vers plus de vie, de vérité, de communion, et que cela vaut la peine, peut sembler peu de chose face aux problèmes et aux drames de ce monde, face aux misères et aux médiocrités de nos vies ; pourtant, elle agit de l’intérieur, en chacun de nous, et elle pénètre tout moment pour qu’il soit riche et dense et apte à porter du fruit jusqu’à la moisson. La foi travaille en nous. Peut-être est-elle moins spectaculaire que nos ambitions, nos colères, nos désirs, mais elle travaille malgré tout et peut grandir et devenir un arbre où beaucoup trouveront paix et réconfort et de quoi vivre.

Il me semble, frères et sœurs, que les lectures proclamées en ce dimanche, nous appellent toutes à la confiance et à l’espérance. Nous voyons la société autour de nous se déliter plus ou moins, en tout cas nous nous habituons à la voir ainsi ; nous voyons notre Église s’affaiblir, se retirer de certains lieux où elle était solidement établie depuis des siècles ; nous éprouvons peut-être la fragilité de notre foi, nous n’osons pas appuyer sur elle nos choix les plus décisifs. Et, pourtant, le Seigneur nous en assure : le règne de Dieu ne cesse pas de travailler ; une fois semé, il continue son action. Il est comme les coquelicots qui avaient disparu de nos champs et que nous voyons, depuis quelques étés, fleurir à nouveau de partout, parce que leurs graines, enfouies dans le sol, longtemps contrecarrées par des produits puissants, n’ont pourtant pas perdu leur puissance de vie et la font réapparaître dès que cela est possible.

Nous fêtons ce dimanche avec toute l’Église mais spécialement en ce lieu des Hauts-Buttés saint Antoine de Padoue. On peut dire de lui qu’il est le saint de la foi comme une graine. De lui, de son intercession, beaucoup attendent un « meilleur ». Lorsque quelqu’un se trouve dans une situation difficile, parfois il perd pied dans sa foi en Dieu, il n’ose plus ou ne veut plus se tourner vers Dieu lui-même, mais il se raccroche à saint Antoine. A lui nous osons présenter les minuscules pertes de nos vies avec lesquelles nous aurions honte de déranger Dieu. Parfois, voilà l’obstacle en nous à la vie de foi : Dieu, le Dieu vivant, nous paraît nous avoir oublié, ne pas s’occuper de nos besoins. Nous voulons bien admettre que nous ne sommes pas grand-chose à l’échelle de l’humanité, pas de quoi mériter l’attention de Dieu, mais alors nous finissons par nous demander à quoi sert la foi. A quoi sert-il de croire en Dieu s’il n’arrange pas notre situation, s’il n’allège pas nos grandes et nos petites misères ? Saint Antoine nous est donné pour cela. Il est le compagnon de nos humbles besoins, pour que nous continuions à cheminer dans la foi, pour que, même sans la vision complète, nous ayons force et courage pour avancer encore et toujours, confiants que le « encore meilleur » vient au-devant de nous.

Il y a mieux encore justement. Notre corps terrestre peut être en bonne santé ou en mauvaise santé ; nous pouvons nous y trouver à l’aise ou nous sentir trahis par lui. Nous appartenons aussi au corps de notre famille et nous pouvons y être bien ou au contraire nous en sentir rejeté ou méprisé. Nous appartenons encore au corps qu’est l’Église et nous pouvons nous considérer bien à notre place ou au contraire mis de côté. Saint Antoine de Padoue, avec quelques autres mais très certainement, nous aide à sentir que la communion des saints nous accompagne quasi corporellement. Il nous aide à nous préoccuper de ce qui seul compte finalement : que nous acceptions de remettre notre vie, le moment venu, au jugement de Dieu. Aurai-je eu une belle vie ? Aurai-je réussi ma vie ? Dieu seul finalement peut le faire valoir : « Il nous faudra tous apparaître à découvert devant le tribunal du Christ, pour que chacun soit rétribué selon ce qu’il a fait, soit en bien soit en mal, pendant qu’il était dans son corps », nous a dit saint Paul. Ce n’est pas une menace, c’est une espérance. La semence que nous aurons jetée en terre aura germé et porté du fruit, un fruit que seul le Christ moissonneur saura repérer et collecter ; la graine de moutarde mise en terre en nous aura germé et sera devenue un grand arbre que seul le Christ juge saura vraiment voir. Saint Antoine de Padoue intercède pour nous pour que la moindre graine en nous ne soit pas perdue, pour que la moindre semence que nous aurons accueillie soit portée le jour venu à sa pleine fructification. Lui que nous invoquons pour retrouver les objets perdus, il ne cesse d’agir pour que le plus petit bien que nous aurons fait soit vu de Dieu et pour que la plus modeste brebis égarée soit cherchée sans relâche par le pasteur éternel.

Saint Antoine de Padoue nous invite à ne pas craindre le jugement de Dieu. Car Dieu, par le Christ Jésus, notre Seigneur, ne cesse de faire ce que le prophète a décrit : aller chercher une tige sur la ramure du grand cèdre et la replanter pour que la haute montagne elle-même, l’humanité pleine d’orgueil, soit accueillante à la vie de Dieu, relever l’arbre renversé et faire reverdir l’arbre sec. Que l’intercession toute proche, très concrète, de saint Antoine de Padoue, nous encourage tous à cheminer dans la foi, en gardant toujours confiance. Le Seigneur Jésus nous conduit de la vie à la vie, croire, c’est vivre et vivre avec intensité,

                                                                                                    Amen.


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