Homélie pour la messe internationale des sanctuaires de Lourdes - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 18 août 2021

Homélie pour la messe internationale des sanctuaires de Lourdes

Homélie de Mgr Eric de Moulins Beaufort pour la messe internationale des sanctuaires de Lourdes, en la basilique Saint Pie-X, le mercredi 18 août 2021.


« Je suis l’Immaculée Conception » : dans cette ultime parole dite à Bernadette le 25 mars 1858, la Dame qui lui rend visite depuis le 11 février lui donne enfin son nom. En se présentant ainsi, Marie confirme bien sûr le dogme de l’Immaculée Conception proclamé quatre ans auparavant par le pape Pie IX, mais elle dit davantage. Elle ne se définit en effet pas comme celle qui a été conçue sans le péché originel, celle qui a été préservée par anticipation de l’œuvre de Jésus, son fils à venir, de la déformation que le péché initial a apporté à la liberté humaine et dans laquelle les humains s’engendrent les uns les autres ; elle affirme qu’elle coïncide pleinement à sa conception, qu’elle a été et est depuis la racine de son être jusqu’au plein déploiement de sa personne celle qu’elle est dès l’origine, dans le dessein initial de Dieu.

Par là, la Dame de Lourdes nous ouvre à tous une immense espérance. Elle confirme ce que nous, chrétiens, pressentons depuis le commencement de la foi, mais que le monde sécularisé du XIXème siècle oublie ou nie : l’être humain n’est pas défini par le péché ; l’être humain n’est pas défini par le refus de Dieu et pas davantage par sa capacité à faire le mal. Saint Paul l’affirmait en des termes inégalés : « Il nous a prédestinés à être pour lui des fils adoptifs, par Jésus le Christ » et « Il nous a choisis, dans le Christ, avant la fondation du monde, pour que nous soyons saints, immaculés devant lui, dans l’amour. » L’Apôtre s’adresse à ses frères et sœurs juifs, façonnés par des siècles d’alliance avec Dieu, et il étend, à cause de Jésus, le Messie d’Israël allé jusqu’au bout de sa mission, par sa grâce, le privilège des Juifs à tous ceux et toutes celles qui voudront bien l’accueillir : « En lui, vous aussi, après avoir entendu la parole de vérité, l’Évangile de votre salut, et après y avoir cru, vous avez reçu en vous la marque du Saint-Esprit de Dieu. » En Jésus, nous le découvrons, et par lui, nous osons le croire et vivre dans cette lumière-là : notre capacité de refus, de négation, de destruction, notre complicité avec le mal, notre esclavage sous les forces du mal, n’est jamais le dernier mot, l’ultime vérité, d’aucun être humain. Un autre chemin est possible, une autre destinée, si nous voulons bien nous laisser reprendre, à la racine de notre être, par Jésus, le Fils bien-aimé du Père qui a acquis la puissance de mettre en nous son Esprit-Saint. Cette œuvre de salut est possible, parce qu’en Marie, Dieu l’a déjà réalisé jusqu’au bout, parce qu’il a pu susciter, au sein de notre humanité, celle qui pouvait accueillir son œuvre sans réserve, celle qui pouvait y consentir en notre nom de tout son être.

 La conception immaculée de Marie, frères et sœurs, ne vient pas de Dieu d’un seul coup. Elle est le résultat d’une longue et lente préparation. Il a fallu toute la sainteté vécue en Israël et sans doute aussi ailleurs dans l’humanité, les multiples consentements donnés par des femmes et aussi par des hommes tout au long de l’histoire d’Israël, ceux des patriarches et de leurs épouses, des prophètes et de tant de « pauvres du Seigneur » plus ou moins visibles, plus ou moins cachés, tout au long des siècles pour que Dieu puisse récapituler tout cela et le faire aboutir en Marie de Nazareth, dès l’instant de sa conception. La sainteté toute spéciale de Marie ne l’isole pas du genre humain. Au contraire : elle fait que Marie, elle et elle seule, est ouverte fraternellement à tout être humain et à tous les êtres humains. Ce que Marie, en sa conception et aussi en son éducation, a reçu de ses parents et par eux de toute l’histoire d’Israël, charnellement et spirituellement, la relie et l’ouvre à l’humanité selon le dessein de Dieu. C’est le péché qui nous isole les uns des autres, et non la grâce de Dieu. C’est le péché qui fait que nous nous rétractons sur nous-mêmes, dans l’angoisse de n’être pas toujours, et non pas le don de Dieu qui nous fait, lui, hospitaliers les uns aux autres. En Marie, l’Immaculée, nous contemplons que nous sommes tous et chacun portés par un dessein de Dieu, non pas forcément par un projet parental, mais certainement par un dessein de Dieu qui veut chacun de nous et tous les autres, d’un amour de prédilection, « dès avant la fondation du monde ».

Mais la parole de la Dame de Lourdes nous permet de dire une chose de plus. Car une question demeure en nous : pourquoi ne sommes-nous pas tous conçus sans le péché en anticipant l’œuvre du Christ ? Lorsque Marie se présente : « Je suis l’Immaculée Conception », elle affirme coïncider pleinement avec sa conception, avec le dessein de Dieu qui l’a portée. Elle ne désigne pas seulement un instant initial, mais son être qu’elle a ratifié en chaque instant de sa vie, en tous les moments de son existence, les joyeux et aussi les douloureux, dont l’entremêlement l’a ouverte aux moments glorieux. Personne de nous n’a été plus libre que Marie. Personne de nous n’a eu autant à consentir en chaque instant, chaque respiration, de sa vie, consentir à être ce qu’elle est et consentir à tous les autres. Nous, frères et sœurs, en chaque instant, nous sommes toujours déjà un peu excusés par le poids du péché qui pèse sur nous. Elle, elle a pu mais elle a dû aussi mobiliser toute sa liberté. Ce qu’elle a fait, elle l’a fait pour nous, en notre nom, pour l’honneur de notre race comme l’a dit le poète. C’est pourquoi nous entendons toujours avec émotion le récit de l’Annonciation. N’imaginons pas le consentement de Marie comme gagné d’avance parce qu’elle est l’Immaculée, la Toute-Sainte. Plus qu’aucun d’entre nous n’aura jamais à le faire, elle engage tout son être dans son « fiat ». Elle aurait pu tout refuser, elle a accepté de tout donner, de tout ouvrir, de tout offrir pour l’œuvre de Dieu. « Je suis l’Immaculée Conception » ; « Je suis la servante du Seigneur, que tout m’advienne selon ta parole ». Béni soit Dieu, frères et sœurs, qui a voulu, pour nous reprendre en son œuvre, passer par l’une de nous, dépendre de l’une de nous, qu’il a longuement préparée et façonnée, mais au consentement de laquelle il a tout suspendu. Et bénie soit Marie, notre Dame, tellement notre sœur, tellement notre mère, à qui nous devons Jésus et de qui nous nous réjouissons de le recevoir toujours davantage,


                                                                                                                            Amen.


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