Homélie pour la Messe chrismale, le 4 avril 2023, en la cathédrale Notre-Dame de Reims - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 7 avril 2023

Homélie pour la Messe chrismale, le 4 avril 2023, en la cathédrale Notre-Dame de Reims

Homélie pour la Messe chrismale, le 4 avril 2023, en la cathédrale Notre-Dame de Reims

Écoutons, frères et sœurs, écoutons une fois encore celui que le prophète Isaïe fait parler pour nous, celui qui peut affirmer : « L’esprit du Seigneur Dieu est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction » ; écoutons-le jusqu’au bout lorsqu’il proclame, à l’adresse de qui ? sinon de nous : « Vous serez appelés ‘’ prêtres du Seigneur’’ ; on vous dira ‘’ Servants de notre Dieu’’ » et encore : « Vos descendants seront connus parmi les nations, et votre postérité, au milieu des peuples. Qui les verra pourra reconnaître la descendance bénie du Seigneur. » Sans doute, au moment où Jérusalem et ses alentours sont menacés par les puissances voisines en pleine expansion ou encore lorsque le peuple sera déporté à Babylone, ces paroles ont-elles nourri l’espérance d’Israël humilié, mais dès le départ, le prophète voyait plus loin qu’une restauration nationale du peuple élu. Ses paroles inspirées visaient la transformation de ce peuple, d’une entité ethnique et étatique, d’une nation et d’un pays, en un peuple nouveau dont l’unité ne vient pas du renouvellement des générations et de la continuité historique mais du don inattendu et plus qu’espéré de l’Esprit même de Dieu.

Oui, frères et sœurs, osons le croire : tous, nous pouvons être appelés « Prêtres du Seigneur », non en fonction de notre appartenance à une caste sacerdotale, mais par notre intégration baptismale dans le Corps du Seigneur Jésus ; tous, nous pouvons être appelés « Servants de notre Dieu », non en raison d’un privilège exclusif, non en raison de mœurs particulières qui nous sépareraient des autres humains, mais parce qu’en nous, par la grâce de la conversion scellée en nous par le baptême et la confirmation, se dévoilent la bonté et la beauté de l’existence humaine vécue en sa vérité. Tous, nous pouvons être reconnus au milieu des humains comme « la descendance bénie du Seigneur » parce qu’il nous est donné de pouvoir en tout chercher à vivre en fils et en filles du Père, portant en nos pensées et en nos actes, autant que nous le pouvons et le voulons bien, la marque inespérée du don de soi qui est le secret de l’être du Dieu vivant. En ce soir, comme en chaque messe chrismale, il nous est donné de l’entendre à nouveau : « Lui qui nous aime » « nous a délivrés de nos péchés par son sang » ; il a « fait de nous un royaume et des prêtres pour son Dieu et Père. »

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En un temps où beaucoup s’interrogent sur leur identité, en un temps où, du fait de la sécularisation des esprits et des sociétés et de la rencontre des religions et aussi de l’absence de religion, les chrétiens se sentent menacés et doutent d’eux-mêmes, la messe chrismale nous permet de le confesser, tous ensemble et chacun pour soi dans la communion avec tous les autres : « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés, annoncer une année favorable accordée par le Seigneur. » Notre identité, frères et sœurs, s’il y a à s’exprimer ainsi, ne consiste pas en l’appartenance à un groupe ethnique, elle ne consiste pas non plus à former un groupe défini, gardien de traditions et de coutumes dont nous ne voudrions pas être détachés ; notre identité consiste à accueillir sans cesse le don d’un Esprit qui vient de plus grand que nous et qui nous renouvelle intérieurement, non pas pour nous maintenir identiques à nous-mêmes mais pour nous rendre porteurs d’une promesse qui nous dépasse, témoins d’un don qui nous étonne, acteurs d’une bonté que nous ne mesurons pas.

Assurément, nous nous inscrivons dans une tradition, dans l’immense histoire de l’alliance de Dieu avec les hommes qui passe par Abraham et par Moïse, que Dieu a nouée avec le peuple qu’il a choisi parmi tous les autres ; elle passe surtout par la personne de Jésus, le Fils envoyé par le Père et consacré par l’onction, celui qui, seul de nous tous, peut, pour nous tous, recevoir pleinement le don de l’Esprit et nous le partager sans le déformer à son profit. Lui nous aime, comme le chante le livre de l’Apocalypse, lui que « verront, ceux qui l’ont transpercé, et sur lui, se lamenteront toutes les tribus de la terre », parce que lui peut nous donner de voir ce qui en nous se refuse à Dieu, ce qui en nous nous rend porteurs de mort pour les autres et pour nous-mêmes, ce qui en nous nous rend complices des forces de la mort et du néant, mais il nous donne de voir cela surtout parce que lui voit en nous ce que nous pouvons devenir dans la puissance de l’Esprit-Saint.

Assurément encore, nous nous inscrivons dans la longue lignée de nos pères et mères dans la foi. Notre cathédrale comme beaucoup d’autres et mieux même que d’autres traduit dans l’espace et par son décor la longue histoire par laquelle nous recevons le don de l’Esprit. Sa façade, nous le savons, chante la victoire de David, le Messie, l’Oint du Seigneur, sur Goliath et donc celle du nouveau David, du David définitif sur les forces du mal et la mort, elle proclame le couronnement ultime de l’humanité en Marie, mère du Messie, elle rappelle le baptême de Clovis, rejoignant avec ses Francs son épouse Clotilde et la population de nos régions dans l’unique Corps du Christ. Comme l’huile du prophète Samuel a coulé sur la tête puis les épaules du David historique, de même pour nous, l’Esprit-Saint qui repose sur Jésus descend peu à peu sur tous les membres de son Corps, les uns le recevant des autres, enrichi ou abîmé, c’est selon, par ceux ou celles qu’il a rencontrés, une génération le recevant pour le donner ensuite à la suivante. Mais la cathédrale, comme toute église, proclame aussi que l’Esprit-Saint nous est donné incessamment à sa source, par l’acte aujourd’hui présent de Celui qui seul peut nous le donner, et nous célébrons ce soir ce don, aujourd’hui tout autant vivant et jaillissant qu’hier, en bénissant l’huile des malades et celle des catéchumènes et en consacrant le saint-chrême, dévoilant les dimensions de l’acte eucharistique.

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C’est pourquoi, frères et sœurs, certains parmi nous sont mis à part et configurés au Christ Seigneur d’une manière particulière, à la manière des Apôtres : c’est pour qu’il soit vrai « qu’aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture » que nous venons d’entendre. Nous ne sommes pas réunis, ce soir, pour nous souvenir d’un passé dont chaque année nous éloignerait un peu plus, mais nous sommes rassemblés par Celui qui est ressuscité des morts et qui au présent, là, aujourd’hui, en ce soir, nous a convoqués et nous partage, là, maintenant, ce qu’il a à nous partager, lui en qui l’Esprit-Saint a trouvé sa vraie demeure parmi les hommes et qu’il a pu remplir de sa surabondance de grâce. Toujours au long des âges, nous avons besoin de nous rappeler que Jésus n’est jamais tout à fait seulement l’un de nous, qu’il vient du Père et qu’il vient d’Israël et qu’il nous emmène, non pas vers nous-mêmes seulement, en tout cas pas vers un nous-mêmes que nous définirions à notre guise, mais vers le Père qui nous donne les uns aux autres en nous unissant à son Fils unique.

Toujours nous avons besoin d’être rappelés au fait que Celui qui nous partage son Esprit de sainteté et qui nous associe à lui et qui nous donne d’être et d’agir en son Nom en ce monde est Celui que, par toute une part de nous-mêmes, nous avons transpercé et devant qui nous pouvons reconnaître nos fautes, nos refus, nos dérobements, dans l’immense espérance qu’il nous donne que tout le mal causé peut être transfiguré par la force du pardon. N’oublions pas que Jésus a commencé a en appeler Douze après avoir rencontré la réticence des siens à Nazareth. Le ministère apostolique porte la marque du refus à surmonter, du refus même d’Israël, le peuple saint, à aller au bout de la logique de l’œuvre de Dieu. Certes, nous célébrons le don qui nous est fait d’hommes configurés en ayant pris conscience que, parmi ceux-là, certains ont pu détourner l’œuvre de grâce remise entre leurs mains au profit de leur volonté mauvaise et que le Corps que nous formons n’a pas su les voir ni, les ayant vus, dénoncer le malheur dont ils étaient les fauteurs. Mais c’est à cause de cela qu’il est bon et nécessaire que tout le peuple saint que nous sommes prie et intercède pour les prêtres, les diacres, les évêques afin qu’ils soient les « fidèles » et aussi les exacts ministres du Souverain Prêtre, de celui qui seul est le serviteur de tous et de chacun, ce qui suppose la puissance du don du Christ pour que les lourdeurs et les failles d’aucun n’empêchent l’Esprit de sainteté de rejoindre celles et ceux à qui il est destiné et l’acceptation par tous de se laisser purifier en vérité par le don à porter et partager.

Vous l’avez peut-être entendu, frères et sœurs : les évêques, réunis la semaine dernière à Lourdes, demandent aux prêtres de travailler sérieusement les conclusions de deux groupes de travail au moins, à chacun desquels ont participé un évêque, un prêtre au moins et une personne victime et quelques autres, afin qu’ils soient mieux accompagnés pour que leur vie de prêtres soit un gage de croissance dans la vérité du don de soi et que la célébration des sacrements, notamment celui du pardon, soit toujours mieux ajustée à l’incroyable don que le Messie nous y fait.

Permettez-moi, ici, devant vous, de remercier les prêtres et les diacres de notre diocèse. Avec vous, je rends grâce à Dieu pour chacun d’eux. Eux et moi, envoyés à vous, nous vous permettons d’être « la postérité » que beaucoup peuvent reconnaître. Avec eux et pour eux, je rends grâce à Dieu pour chacun de vous, ici présents ou unis à nous par les ondes, en communion dans l’Esprit. Car, ensemble, les uns par les autres et les uns avec les autres, nous formons le peuple aujourd’hui vivant qui fait briller, dès ici-bas, la force du Christ dans la maladie et les faiblesses qu’elle impose aux humains, la liberté du Christ qui choisit qui il unit à lui comme membres de son Corps, la puissance du Christ qui fait parvenir la grâce de son Esprit-Saint jusqu’à l’intime des libertés au départ récalcitrantes. Les uns par les autres, les uns avec les autres, nous osons croire que nous formons la « descendance bénie de Dieu », le peuple des « prêtres du Seigneur » et des « serviteurs de notre Dieu ».

Ensemble, frères et sœurs, tournons-nous vers Celui qui seul peut dire : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre » et qui le dit, en chaque célébration, par la bouche de ceux qui président afin que cela se réalise en toutes celles et en tous ceux qui écoutent. Alors, en ces temps inquiets et parfois inquiétants, demandons avec ferveur que le Nom de Jésus accroisse notre vigueur aujourd’hui et chaque jour qui vient,                                                                                                                                 

                                                                                                                                        Amen


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