Homélie pour la fête patronale Sainte Céline, de conclusion de la mission à Liart - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 26 octobre 2020

Homélie pour la fête patronale Sainte Céline, de conclusion de la mission à Liart

Homélie pour le 30ème dimanche du Temps ordinaire, année A, le 25 octobre 2020, en l’église Notre-Dame de Liart, fête patronale (Sainte Céline), conclusion de la mission dans la paroisse Sainte-Céline-des-Pothées.

La réponse de Jésus, nous la connaissons bien. Elle exprime ce que nous aimons dans notre foi, ce qui nous fait vibrer, ce que nous cherchons à vivre. Elle dévoile le secret de la vie chrétienne : vivre, c’est aimer, aimer pleinement, aimer sans réserve et Dieu et son prochain. Vous le savez, frères et sœurs : pour le Pharisien qui interroge Jésus, sa réponse n’est pas forcément une surprise. « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit » est le commandement donné par Dieu dans le livre du Deutéronome au chapitre 6 et il est prié chaque jour par les Juifs dans la prière du Shema Israël, « Écoute, Israël », tandis que « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » vient du livre du Lévitique au chapitre 19. Le docteur de la Loi qui interroge Jésus est en terrain familier, il peut se reconnaître dans la réponse de Jésus ; peut-être, sans doute, eût-il donné la même. L’originalité de Jésus, toutefois, vient de son commentaire : « De ces deux commandements dépend toute la Loi ainsi que les Prophètes ». Tout, tout ce qui fait la vie, tout ce qui fait le dynamisme de la vie, tout ce qui rend la vie vivante et vivifiante vient ou devrait venir de l’amour pour Dieu et pour le prochain. Pas de la recherche de la santé, de l’argent, du confort, de la sécurité, de la gloire, de l’amour de soi, mais de l’amour pour Dieu et pour le prochain.

Voici ce que nous aspirons à partager avec tous, voilà ce qu’une mission comme celle que vous venez de vivre dans cette paroisse Sainte-Céline-des-Pothées veut faire entendre à neuf. Une caractéristique de notre époque par rapport à d’autres est que tout le monde est d’accord. Aujourd’hui, tout le monde pense volontiers que l’amour du prochain est l’attitude humaine la plus importante et tout le monde pense, plus ou moins consciemment, en vivre vraiment. La vérité du christianisme nous place un peu ailleurs : nous entendons ce double commandement de Jésus, nous l’entendons comme un commandement, nous savons bien que nous ne coïncidons pas parfaitement avec lui et nous aimons entendre ces deux commandements qui sont semblables de la bouche de Jésus, lui qui a livré sa vie sur la croix, lui qui a renoncé effectivement à être cause de violence, même au prix de sa propre vie.

Deux questions montent à notre esprit. Qu’est-ce qu’aimer ? Et pourquoi aimer Dieu ?

Qu’est-ce qu’aimer ? Tout le monde croit le savoir. Mais comment définir ce verbe si usité ? Lorsque nous entendons « Tu aimeras ton prochain comme toi-même », sans doute entendons-nous surtout qu’il faut faire du bien à notre prochain. Dans l’évangile selon saint Luc, dans la parabole du Bon Samaritain, c’est ainsi que Jésus définit le prochain : celui à qui je peux faire du bien. Du moins est-ce ainsi qu’il semble le définir. Car aimer, avant d’être faire du bien à quelqu’un, aimer tel autre, c’est se sentir concerné par ce qui lui arrive, à cet autre que moi. Aimer, c’est sortir de soi, se laisser tirer hors de soi pour se laisser mobiliser par ce que l’autre vit. Dans les évangiles, il nous est plusieurs fois dit que « Jésus fut saisi de compassion ». Aimer, c’est donc accepter que l’autre, tel autre, me déplace un peu ou beaucoup de moi-même, c’est m’intéresser à lui ou à elle, c’est me sentir concerné par ce qu’il ou elle vit plus encore que par ce qui m’arrive à moi, c’est chercher à le comprendre, lui ou elle, et par conséquent, c’est chercher à lui venir en aide lorsque c’est nécessaire mais c’est aussi accepter qu’il ou elle s’occupe de moi lorsque j’en ai besoin. « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ».

Mais, alors, « aimer Dieu » ? Il est sûrement caractéristique de notre époque qu’elle ne sache plus bien ce que cela veut dire. Aller de maison en maison en demandant : « Aimez-vous Dieu ? » risque de se heurter bien vite à l’incompréhension de beaucoup. A leur peur aussi. Car, aujourd’hui, qui dirait « J’aime Dieu de tout mon cœur, de toute mon âme et de tout mon esprit » risquerait fort d’être jugé radicalisé ou fanatique. On craindrait autour de lui qu’il ne veuille imposer la loi de Dieu aux autres, et cela fait peur. Que veut dire le Dieu de la Bible, le Dieu qui parle à Israël, le Dieu vivant, lorsqu’il commande : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit » ? On pourrait penser qu’il n’y a alors plus de place pour l’amour de quiconque, tout serait pris par Dieu, mais alors nous entendons : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Le livre de l’Exode déjà, le récit de la sortie d’Israël hors de l’Égypte pour aller vers la Terre promise à travers le désert, nous éclaire déjà : « Tu n’exploiteras pas l’immigré, tu ne l’opprimeras pas… Si tu prêtes de l’argent à quelqu’un de mon peuple, à un pauvre parmi tes frères, tu n’agiras pas envers lui comme un usurier… ». Aimer Dieu, c’est partager son attention aux pauvres : « S’il crie vers moi, je l’écouterai, car moi, je suis compatissant », c’est entrer dans sa compassion pour nous tous.

Si aimer Dieu consiste à se sentir concerné par lui avant de l’être par soi, alors c’est s’ouvrir à tous les êtres qui sont à son image et plus encore à tous ceux et celles qui sont à son image et à sa ressemblance. « Aimer Dieu de tout son cœur, de toute son âme et de tout son esprit » ne revient pas à être obnubilé par Dieu, à ne s’intéresser qu’aux choses religieuses : c’est plutôt s’ouvrir à tous les êtres parce qu’ils portent tous la marque de Dieu, parce qu’ils sont un don de son bonté, c’est servir le désir de Dieu que les vivants vivent pleinement, que le plus petit des êtres humains puisse trouver amitié et soutien et réconfort, qu’aucun être humain ne soit mis à mort ou privé de droits par les autres. Aimer Dieu radicalement n’est pas imposer la loi de Dieu à tous : c’est plutôt servir les autres comme Dieu les sert en Jésus qui s’abaisse jusqu’à nous et vient partager notre condition pour nous tirer de la mort et du péché.

Frères et sœurs, en me joignant ce matin aux missionnaires qui sont venus au nom du Christ et de notre Église particulière de Reims et des Ardennes vous rendre visite en cette semaine, j’espère pouvoir avec eux vous écrire bientôt à l’instar de saint Paul : « Vous savez comment nous nous sommes comportés chez vous pour votre bien. Et vous-mêmes, en fait, vous nous avez imités, nous et le Seigneur, en accueillant la Parole au milieu de bien des épreuves, avec la joie de l’Esprit-Saint. Ainsi vous êtes devenus un modèle pour tous les croyants ». Tel est le sens de notre projet missionnaire : que nous allions de lieu en lieu raviver, réveiller, stimuler, titiller, si vous me permettez ce mot, la foi dans le Christ, pour que les uns et les autres en vivent avec un peu plus de lucidité, de désir, de joie, et recevoir la joie du témoignage de la foi présente, de la charité active, de l’espérance qui traverse les épreuves de la vie des personnes rencontrées.

L’Apôtre poursuit : « Les gens racontent, à notre sujet, l’accueil que nous avons reçu chez vous ; ils disent comment vous vous êtes convertis à Dieu en vous détournant des idoles, afin de servir le Dieu vivant et véritable ». Toujours, frères et sœurs, nous avons à nous détourner des idoles : nous ne nous prosternons pas forcément devant des statues, nous ne sacrifions pas aux démons, sans doute, mais nous risquons toujours de laisser notre vie être envahie par d’autres soucis, d’autres recherches, que l’amour pour Dieu et pour le prochain. Nous risquons toujours, même en pensant faire le bien, de nous contenter de bien faire, puis de ne pas mal faire et enfin de nous laisser aller à nous chercher nous-mêmes, à poursuivre notre idée de nous-mêmes, de nous laisser prendre par l’inquiétude du lendemain, de nous laisser prendre par des désirs qui ont l’air de rendre la vie excitante alors qu’ils nous détournent du Dieu vivant et du service de son amour. Toujours nous avons besoin de la force du Christ, de ce que nous appelons sa grâce, qui nous remet sur le chemin de l’amour de Dieu et du prochain, qui nous libère des désirs inutiles, qui nous guérit des blessures qui nous empêchent de marcher de l’avant.

Dans chaque Eucharistie, dans chaque Messe, nous célébrons précisément la seule réalité définitive : que nous sommes aimés de Dieu et que Dieu peut nous apprendre à nous aimer les uns les autres, que Dieu aspire à être aimé de chacun et chacune de nous et qu’il nous purifie, nous dilate, nous renouvelle pour cela. De tout cœur, célébrons Jésus, le « ressuscité d’entre les morts » que nous « attendons des cieux », lui qui nous dégage de toute colère pour nous mettre sur la voie de la communion éternelle,

                                                                                                      Amen.


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