Homélie pour la fête de St Remi le 1 octobre 2023 à Reims, de Mgr Bruno Feillet, évêque de Séez - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 3 octobre 2023

Homélie pour la fête de St Remi le 1 octobre 2023 à Reims, de Mgr Bruno Feillet, évêque de Séez

Homélie pour la fête de St Remi le 1 octobre 2023 à Reims, de Mgr Bruno Feillet, évêque de Séez

Aujourd’hui, la ville de Reims fête sont saint Patron, saint Remi qui en fut l’évêque pendant environ 74 ans. Chers Eric et Etienne, c’est là un record de durée dans l’épiscopat que nous ne dépasserons pas. Je ne suis d’ailleurs pas sûr que cela soit souhaitable.

Saint Remi est bien sûr connu pour avoir baptisé Clovis, le roi des Francs. En relisant quelques pages sur le sujet, je me suis demandé s’il n’y avait pas pour nous aujourd’hui quelque enseignement à recevoir.

Les familiers de cette histoire savent que c’est à la demande de son épouse, Clothilde, que son premier fils, Ingomer, fut baptisé. De manière plus étonnante encore, la reine obtint de Clovis qu’il fasse baptiser son second fils, Clodomir, alors que – et je cite Patrick Demouy – « la mort de l’aîné a pu être interprétée par Clovis comme une vengeance de ses dieux ». Comment Clovis a-t-il pu accepter ce second baptême pour son deuxième fils ? Comment, dans ce contexte douloureux et de paganisme a-t-il lui-même consenti à se faire baptiser ? Cette question mérite d’être regardée de près.

L’histoire nous apprendra qu’en 562, Nizier, alors évêque de Trêves, estimait que si Clovis a pu adhérer la foi catholique, c’est que « cet homme astucieux ne voulut point acquiescer avant qu’il n’eût fini par comprendre que ces choses-là étaient vraies ».

Rendu à ce point de mon homélie, c’est désormais, sinon au théologien, du moins à l’évêque, de prendre le relais de l’historien. Comment Clovis, comment chacun d’entre nous peut-il considérer que ce que l’Eglise nous annonce est bien vrai ? Suffit-il de proclamer l’Evangile que nous avons entendu et d’écouter Jésus affirmer qu’il est le chemin, la vérité et la vie pour adhérer et se faire baptiser ? Nous savons bien que non.

En effet, il faut encore franchir plusieurs étapes, sans doute de celles qu’à dû parcourir le roi Clovis même si la modernité avec laquelle je vais les présenter n’était pas encore de mise à l’époque.

Première étape : les témoins qui témoignent de cette parole de Jésus sont-ils crédibles ? Pouvons-nous faire confiance à leur témoignage ? Bien sûr qu’ils le sont et voici pourquoi :

Les apôtres, puisqu’il s’agit d’eux, sont dignes de foi parce que en annonçant l’Evangile, ils n’ont pas cherché à s’enrichir ; ils n’ont pas envié la responsabilité de Pierre au point de vouloir prendre sa place par manigance ou par violence ; ils n’ont pas craint d’attester de leur propre lâcheté ou encore de leur incompréhension récurrente devant les propos du Christ – ce critère d’embarras atteste qu’ils n’ont pas essayer d’attirer la lumière sur eux-mêmes mais bien de la laisser sur leur Seigneur. Enfin, ils ont préféré mourir martyres plutôt que de renier leur foi. Eh bien ! mes amis, on ne meurt pas pour un mensonge qui ne vous a rien rapporté, ni argent, ni prestige, ni pouvoir. Et ce que nous croyons et confessons, c’est la foi des apôtres, rien de moins, rien de plus.

Seconde étape : il ne faut pas négliger que la manière d’annoncer la foi est tout aussi importante que le contenu même de cette foi. Faisons un détour par l’histoire du prophète Elie. Il était tellement convaincu qu’il était le prophète du seul vrai Dieu, qu’il organisa un concours avec les prophètes du dieu baal, une divinité de fécondité païenne qui était aussi vénérée à son époque. Il fallait présenter un holocauste à son Dieu et lui demander d’envoyer un feu du ciel pour le consumer. Les prophètes païens ont prié et invoqué leur dieu toute la journée sans rien obtenir. Quant à Elie, après avoir préparé l’holocauste et l’avoir copieusement arrosé d’eau pour éviter tout doute, obtint le signe demandé après quelques instants. Et c’est là que les choses se corsent. Fort de la preuve indubitable qu’il est bien le prophète du seul vrai Dieu, il prend une épée et tue tous les autres prophètes.  Mais il doit fuir car on veut le faire mourir à son tour.

Arrivé au désert, il s’assoit et est pris de dégoût, il souhaite mourir. En effet, malgré cette manifestation éclatante, si être serviteur du Dieu d’Israël ne permet pas de sortir du cycle infernal de la violence, à quoi cela sert-il ? « Je ne vaux pas mieux que mes pères » finit-il par dire. C’est alors que Dieu va éduquer Elie et lui faire vivre une sorte de pèlerinage de Saint Jacques de Compostelle. Pendant 40 jours il va le conduire jusqu’à l’Horeb, la montagne de Dieu et le préparer à une révélation à laquelle il ne s’attendait pas : Dieu n’est pas dans la violence de l’ouragan ; Dieu n’est pas dans la violence du tremblement de terre ; Dieu n’est pas dans la violence d’un feu qui dévore. En fait Dieu se révèle à travers la douceur d’un léger souffle de vent. Car c’est une chose d’être le prophète du vrai Dieu, c’en est une autre de savoir qui Il est vraiment.

Pour en revenir à notre Evangile, n’oublions pas que le Fils de Dieu incarné est non seulement la source de cette douceur mais il l’est lui-même. C’est bien pourquoi Jésus ne s’est pas contenté de se présenter comme « le chemin, la vérité et la vie ». Il a aussi dit qu’il était « doux et humble de cœur ». Il est bien le Fils du Très-Haut. Notons cependant qu’à la douceur, il a ajouté l’humilité. Peut-il y avoir d’ailleurs de la douceur sans humilité ou une humilité qui ne serait accompagnée de délicatesse ?

Aucun d’entre nous ne pourra témoigner de la vérité de l’Evangile sans prendre la couleur du bon Maître. Saint Paul lui-même l’avait bien compris lorsque dans son hymne à la charité il décline toutes les harmoniques qui constituent l’amour véritable. Si la charité met sa joie dans la vérité, elle excuse tout, croit tout, espère tout, supporte tout.

Concrètement si Clovis a fini par adhérer à la foi chrétienne, c’est peut-être, pour reprendre le chemin de l’histoire, en raison des prodiges accomplis par la foi des pèlerins à St Martin de Tours ou encore à cause de sa victoire à la bataille de Tolbiac attribuée au Dieu de Clothilde. Si l’un et l’autre ont pu être interprétés comme des signes convaincants, ils n’en étaient pas moins des signes de l’ordre de la puissance. Cette puissance reste, aujourd’hui encore, le premier accès au mystère de Dieu. Pourtant ainsi que le suggère la prière d’ouverture que nous aurions pu lire aujourd’hui si nous ne fêtions pas St Remi, « Dieu qui donne la preuve suprême de ta puissance lorsque tu patientes et prends pitié, sans te lasser, accorde-nous ta grâce ».

Il me semble que tout au long de son cheminement, Clovis a aussi expérimenté la douceur, l’humilité et sans doute la patience de sainte Clothilde, son épouse, et de l’évêque saint Remi. Là se trouve sans doute le terreau de sa conversion.

Voilà donc, frères et sœurs, les deux étapes qu’il nous faut traverser : pourquoi faisons-nous confiance à la Parole de Dieu sinon parce que les témoins sont crédibles ? Comment rendre compte de la vérité de cette Parole sinon en nous laissant transformer par elle pour ressembler chaque jour un peu plus à son auteur, le Christ ?

Le fruit de cette transformation se verra tout spécialement dans un des cinq essentiels qu’on appelle la fraternité. C’est bien cette fraternité entre nous et à l’égard de tous les hommes qui rendra crédible notre témoignage. Entre nous, et c’est bien le moins, car si nous ne sommes pas fraternels entre nous, il n’y a aucune chance que d’autres rencontrent le Christ. Avec les autres hommes aussi et en particulier avec les migrants dont nous avons beaucoup parlé à Marseille récemment avec le Pape François. Quand bien même cette parole prophétique serait difficile à mettre en œuvre.

Je suis bien persuadé que les fameux cinq repères essentiels pour l’évangélisation et la pratique missionnaire sont indispensables. Dans le diocèse de Séez, nous les avons associés à une petite expression qui en facilite la mémorisation : L’annonce de la Parole qui nous met en route ; la prière qui nous enracine ; le service des frères qui nous qualifie ; la formation qui nous donne les mots. Mais c’est bien la fraternité, faite de douceur, de patience et d’humilité, qui couronne l’ensemble et qui nous rend crédibles.

Amen.

                                                                                      

                                                                                                                            


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