Homélie pour le 14ème dimanche du Temps ordinaire,  - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 7 juillet 2022

Homélie pour le 14ème dimanche du Temps ordinaire, 

année C, le samedi 2 juillet 2022 en l’église de Chagny, inauguration de l’église rénovée, et le dimanche 3 juillet 2022 en l’église du prieuré de Saint-Thierry, marche des pères de famille

72, selon saint Luc. C’est le nombre des nations païennes, dans la symbolique des Juifs du temps de Jésus. Jésus « les envoya deux par deux en avant de lui, en toute ville et localité où lui-même allait se rendre. » Nous avons là, frères et sœurs, un indice de la manière dont Jésus a renforcé progressivement son action en Galilée, se faisant précéder par des envoyés chargés d’annoncer son arrivée prochaine. Mais nous n’entendons pas cela dans la proclamation liturgique seulement pour nous renseigner sur les commencements de Jésus. La manière de faire de Jésus se poursuit. Il ne cesse pas de se faire précéder, il ne cesse pas ‘envoyer quelques-uns de ses amis pour préparer les autres à sa venue. Il ne cesse surtout de nous envoyer, nous, là où nous habitons, là où nous travaillons, là où nous vivons, vers celles et ceux dont nous croisons la route, pour préparer, à travers notre manière d’être et de vivre et d’agir et de penser, les conditions de sa venue. Soyons attentifs, frères et sœurs, à un détail du texte : l’exhortation bien connue, « Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers à sa moisson », Jésus l’adresse à ceux-là même qu’il envoie, aux 72 qu’il est en train de missionner. Envoyés par Jésus, il leur faut prier pour que le Maître de la moisson, le Père, fasse d’eux des « ouvriers » de la moisson. Il nous faut prier et supplier pour que, là où nous sommes, là où nous allons, auprès de celles et de ceux que nous rencontrons, nous soyons des « ouvriers de la moisson ». 

Moins le monde qui nous entoure, dans lequel nous vivons, dans lequel nous sommes immergés, est chrétien, plus nous pouvons ressentir cette vérité : nous sommes envoyés dans le monde. Nous n’y sommes pas seulement, comme des éléments semblables aux autres. Nous y sommes envoyés, avec une mission. Nous y sommes comme des porteurs de la paix de Jésus, chargés de partager cette paix à celles et ceux qui peuvent la recevoir ; nous y sommes envoyés pour anticiper le royaume qui vient dans les rencontres, même modestes, même banales, que nous faisons. Si nous le demandons vraiment au Maître de la moisson, aucune de nos rencontres ne sera seulement ce qu’elle est ; toutes, d’une manière que souvent nous ne percevrons pas mais qu’il nous sera donné de temps à autre de goûter, toutes participent déjà de la rencontre de celle ou de celui qui se trouve devant nous avec Jésus. En tout cas, c’est cela que Jésus veut nous ouvrir, ce qu’il veut rendre possible à ses disciples et à nous avec eux, parce qu’ainsi, chaque fois, le royaume s’approche pour toutes celles et tous ceux qui veulent bien le recevoir.

Comprenons-le bien, frères et sœurs : nous ne sommes pas envoyés pour surveiller les autres, ni pour les rappeler à l’ordre. Nous sommes envoyés pour leur offrir l’occasion de se dévoiler comme « amis de la paix ». S’ils nous reçoivent, s’ils profitent de notre rencontre pour partager un peu de paix, un peu de joie, un peu de vérité, pour confier une peine, soumettre un aspect de leur vie, douloureux ou heureux, alors, ils sont des amis de la paix et la paix que nous portons en nous, celle que Jésus ne craint pas d’appeler « votre paix » ira reposer sur eux. Il vaut la peine, frères et sœurs, que nous prenions un moment pour rappeler à notre mémoire tel moment, telle occasion, où nous avons rencontré quelqu’un en profondeur et senti, sans pouvoir peut-être le nommer à cet instant, que la paix de Jésus nous enveloppait, la personne que nous rencontrions et nous et qu’elle demeurait sur nous. Si, vraiment, nous demandions au Maître de la moisson d’envoyer des ouvriers à sa moisson, si vraiment nous désirions autant que Lui que sa moisson se réalise, aucune de nos rencontres ne serait banale ; chacune anticiperait sur la rencontre éternelle, celle de Dieu avec nous et de tous avec chacun, ce que Jésus appelle l’approche du royaume. 

En retour, il se peut que quelqu’un que nous croisons ne veuille pas entrer dans cette expérience, qu’il ou elle esquive la rencontre de la paix. Jésus nous invite à respecter infiniment la liberté de chacun et à ne pas nous en occuper. Le geste de venir au centre du village, sur la place, et de secouer la poussière collée à nos pieds, peut nous sembler brutal, intolérant. En réalité, il s’agit de respecter la demande de celles et de ceux qui ne veulent pas nous recevoir. L’évocation de Sodome montre le sérieux du choix spirituel que chacun fait ; mais la formule : « sera mieux traitée que cette ville » doit aussi nous inciter à l’espérance. Car Jésus qui envoie inlassablement ne renonce pas à susciter le juste qui permettra de sauver Sodome. S’il s’avance vers sa Passion, s’il consent à être l’homme des douleurs alors qu’il vient renouveler nos rencontres, c’est pour dépasser, mais par la patience et la persévérance, non par la force ni l’impatience, nos refus les plus invétérés.

Pour Chagny : Frères et sœurs, au milieu de votre village se dresse la belle église voulue par vos aïeux ou par ceux et celles qui habitaient ici il y a deux siècles. Elle rappelle, par sa seule présence, que quelqu’un vient nous visiter, que quelqu’un souhaite venir plus profondément, plus réellement encore, pour nous apporter la paix de Dieu et nous permettre d’y entrer. 

Pour Saint-Thierry : Frères, vous qui avez marché depuis deux jours de l’abbaye d’Igny à ce monastère de Saint-Thierry, vous êtes venus en quelque sorte au-devant de Jésus. C’est pour mieux l’apporter à celles et ceux que vous retrouvez. C’est pour que, dans votre famille comme dans votre métier, à l’égard de votre épouse, à l’égard de chacune et chacun de vos enfants, vous annoncez la venue de Jésus, la venue d’un plus grand que vous. Il est bon d’être attendu dans sa famille, il est doux d’y être regardé comme précieux, mais ce qui nous rend capables d’apporter de la vie aux autres n’est pas le souci angoissé d’être reçus pour nous-mêmes, c’est la joie paisible de venir aux autres en portant un plus grand que soi.

Quant à vous, mes Sœurs, qui êtes stables en votre monastère, Jésus, vous l’attendez chaque jour, et vous le recevez, venant à vous, à travers les visites que vous recevez, les visages que vous apercevez, la paix, l’apaisement que beaucoup éprouvent après avoir séjourné chez vous, et aussi sans doute, plus mystérieusement, dans les silences et les absences que parfois vous éprouvez et qui vous font attendre plus ardemment encore la prochaine venue, l’approche qui viendra.

L’envoi des 72 a lieu encore en Galilée. C’est la période facile de la vie publique de Jésus. Il sait bien qu’il lui faudra aller plus loin, pour arracher l’humanité à l’esclavage du péché, pour que sa venue ne reste pas une brève rencontre mais puisse nous tirer et nous engager à bâtir, en ce monde même, un monde nouveau, une réalité nouvelle. Saint Paul, l’Apôtre, nous le rappelle : il s’agit, juif ou païen d’origine, circoncis ou incirconcis, de devenir une « création nouvelle ». Pour cela, Jésus est allé jusqu’à la Passion et la mort et, pour cela, l’Apôtre, un autre envoyé, au-delà des 72 premiers, porte dans sa chair la marque de la croix. Car la force qui bâtit le monde nouveau, la force qui anticipe sur le royaume qui vient, est le don de soi, et cela passe par un certain renoncement à soi. 

A Saint-Thierry : A proximité de notre ville de Reims, votre monastère, mes Sœurs, comme les autres monastères de moniales de notre diocèse et d’ailleurs, annonce la réalité nouvelle qui s’édifie par la puissance du Christ. Vous nous donnez de la voir et déjà d’y toucher, de la goûter, de nous en réjouir. 

Frères et sœurs, être chrétiens en ce monde est être envoyés par le Père, dans la suite du Fils et des Apôtres et des 72, peut-être pour annoncer le nom qui seul peut sauver, mais surtout pour permettre à d’autres de toucher du doigt, de pressentir, qu’il vient le Royaume et que peut-être il est plus près qu’il y paraît. Pour que cette venue-là soit perceptible, certains doivent consentir, de plus près que d’autres, à partager la croix du Seigneur ; certaines ou certains sont appelés à porter plus visiblement ou sensiblement la marque du combat, des renoncements, des dépassements, pour que d’autres puissent avancer dans la joie anticipée des noces de l’Agneau. Frères et sœurs, prions le Maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson, prions-le de devenir, les uns et les autres, vous et moi, des ouvriers authentiques de ce royaume que le monde attend, 

                                                                                  Amen. 


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