Homélie du Père Thierry Bettler pour la fête de l'immaculée conception, au sanctuaire d'Elinkine le 11 décembre 2022 - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 13 décembre 2022

Homélie du Père Thierry Bettler pour la fête de l’immaculée conception, au sanctuaire d’Elinkine le 11 décembre 2022

Fête de l’immaculée conception – fêtée le 11 décembre 2022 lors du Pèlerinage au Sanctuaire d’Elinkine, au Sénégal

Homélie du Père Thierry BETTLER (Vicaire général du diocèse de Reims et des Ardennes)

Thème d’année : mieux connaître nos différentes cultures pour mieux enraciner l’Évangile

Chers amis,
Chers frères et sœurs,

Lundi dernier, lorsque je suis arrivé dans votre pays, je me disais que la Casamance est vraiment un beau pays, une portion de paradis en Afrique de l’Ouest. Imaginez, je venais de quitter notre terre de Champagne, en France. Il faisait zéro degré Celsius, et une pluie froide mêlée de neige fondue tombait sur nous. Et me voilà parmi vous, avec plus de trente degrés, un soleil radieux et surtout une nature magnifique… Le P. Bruno, le recteur de ce sanctuaire avec qui je voyageais depuis Dakar, me le dit sans détour sur la route en me montrant sa paroisse : « Vous voyez, Père, je suis au Paradis ! » C’est vrai que cela y ressemblait bien…

Un coin de paradis ? Oui, pour moi, avec vous qui m’accueillez si fraternellement. J’avais toutes les raisons de le penser. Mais est-ce si vrai que cela ? Est-ce le paradis pour tout le monde ici ? Car, ici comme chez moi, je sais que le poids du péché défigure ce que Dieu a mis de plus beau dans sa création, l’homme et la femme créés à son image. Ici, comme chez moi : chacun saura mettre un nom, un visage, une situation familiale, sociale, économique…

Frères et sœurs, nous sommes invités ensemble, réunis aujourd’hui autour de ND de la Mission, à mieux connaître nos différentes cultures pour mieux enraciner l’Évangile du Christ sauveur. Ceci est vrai pour vous ici au Sénégal. Ce l’est aussi pour nous là-bas en France. Car c’est au cœur de notre humanité que Dieu vient nous sauver, une humanité qui a besoin d’être réconcilier avec elle- même, avec son histoire et ses cultures, avec la création aussi.

« Tout est lié » dit le pape François dans son encyclique Laudato si’.

Relisons ensemble les premières pages de la Bible. La première lecture nous invite à le faire. Dieu qui avait créé le monde et tout ce qu’il contient, avait placé l’homme et la femme au milieu de la création pour « qu’ils la remplissent et la dominent » afin d’en tirer une bénédiction (Gn 1, 28). Mais ceux-ci, parce qu’ils se sont laissés tenter par la séduction du serpent, c’est-à-dire par leurs propres désires, avaient fait de ce jardin un lieu de souffrance et d’épreuve.

Pourtant Dieu n’a pas renoncé au bonheur de l’homme, ni à la beauté de sa création. Notre foi nous dit qu’il nous a envoyé Jésus son fils pour nous sauver et restaurer en lui ce que le péché avait défiguré.

Là aussi, la liturgie de ce jour nous le redonne à entendre dans la deuxième lecture par la voix de saint Paul qui l’exprime avec reconnaissance et action de grâce :

Qu’il soit béni, le Dieu et père de notre Seigneur, Jésus, le Christ !
Il nous a bénis et comblés des bénédictions de l’esprit,
au ciel, dans le christ. …
Il nous a prédestinés à être, pour lui, des fils adoptifs
par Jésus, le Christ.

Et là, avec vous, je me souviens de la Cathédrale de Reims d’où je viens. — Je vous apporte là un peu de ma culture qui, elle aussi, cherche depuis de nombreux siècles à y enraciner l’Évangile du Christ. — Dans notre cathédrale, il y a une statue que nous appelons « le Beau Dieu ». C’est Jésus représenté sur un pilier au milieu d’un portail, entouré de ses Apôtres. Elle n’est pas en hauteur, c’est-à-dire symboliquement dans un ciel où nous ne serions pas, mais bien à notre niveau, à hauteur d’homme. Et pour montrer la beauté de Dieu qui se fait homme, les sculpteurs du Moyen-Age ont représenté un homme avec un corps d’homme et un visage qui exprime un cœur d’homme. Un homme beau que nous l’appelons « le Beau Dieu ». Étonnant !

Dieu, en son Fils Jésus qui devient parfaitement homme, pleinement homme, restaure pour nous la beauté originelle que le péché avait défigurée. Plus encore, il nous révèle notre vocation à la vie divine.
Car mes frères, n’en doutons pas : l’humanité est belle. Dieu l’a créée ainsi. C’est le mal du péché qui la défigure. L’humanité est belle, chaque être humain, de sa conception jusqu’à sa mort et au-delà, dans l’éternité bien heureuse qui nous est promise. Oui, Dieu veut que nous soyons beaux comme son fils est beau, beaux comme Jésus, c’est-à-dire saints. La seule limite qu’il se donne, c’est notre liberté. Le moyen d’y parvenir, c’est la conversion de notre cœur, notre adhésion à sa volonté. Et pour cela, il nous appelle à vivre à sa suite, à devenir disciple du Christ pour aimer comme lui nous a aimé. Mieux, puisqu’il fait de nous ses fils, il nous donne l’Esprit de sainteté qui transforme nos existences marquées par le péché, en vies d’enfants de Dieu, restaurées à la ressemblance de l’homme beau, de l’homme parfait réconcilié avec Dieu et avec lui-même, avec son histoire, avec ses différentes cultures, et réconcilié finalement avec toute la création.

Ce que je dis là n’est pas une vue théorique, ni un désire mystique. « Quiconque met en lui une telle espérance se rend pur comme lui-même est pur » écrit Saint Jean dans sa première lettre (1Jn 3, 3). Il dit « pur ». La deuxième lecture dit « immaculé ». C’est notre foi, et c’est déjà réalisé en Marie que nous fêtons aujourd’hui.

Regardez mes frères. Pour commencer, Dieu choisi une femme. J’allais dire une enfant, non au sens puéril bien-sûr, mais au sens évangélique de la confiance et de l’humilité. Marie, parce qu’elle est une enfant des hommes, une fille née d’une femme et d’un homme est la première de nous à retrouver la beauté donnée par Dieu à Ève, « la mère de tous les vivants ».

Puisque c’est déjà vrai pour elle, alors nous pouvons espérer que ce le sera pour nous tous. Nous pouvons croire que c’est possible pour chacun de nous. Tous les saints de l’histoire nous le prouvent.
Dieu a « préservée Marie de tout péché par une grâce venant déjà de la mort de son Fils » dit la prière.

  • Pour elle c’est une grâce particulière afin d’être la mère de Dieu. Elle devient ainsi le modèle et le guide de tous les croyants, la mère de l’Église.
  • Pour nous c’est la grâce de notre baptême que nous recevons à notre mesure, et en fonction de notre propre vocation, mais toujours par le mystère pascal.
    N’en doutons-pas, Marie nous ouvre le chemin. Elle nous dit que c’est possible. Et elle nous y aide de son amour maternelle.

Je voudrais avec vous pour terminer notre méditation, à l’occasion de ce pèlerinage à ND de la mission à Elinkine, vous inviter à contempler Marie à l’Annonciation, comme l’Évangile de cette fête nous y invite. Peut-être cela nous aidera à mieux connaître nos différentes cultures, y discerner ce qui est profondément beau et authentique, et y convertir aussi ce qui est besoin de le faire, car les cultures humaines sont aussi marquées du péché.

  • D’abord remarquez que Marie assume pleinement son humanité, dans sa culture propre, avec toute sa féminité, allant jusqu’à demander à l’ange.
    « Comment cela va-t-il se faire, puisque je ne connais pas d’homme ? »
    Que Marie nous aide, non à fuir notre humanité, mais à l’accueillir dans le plan d’amour de Dieu, avec ses joies, avec ses responsabilités surtout, celles que nous avons pour nos proches, nos enfants si nous sommes parents, ceux qui nous sont confiés dans l’exercices de nos missions ou métiers, nos responsabilités aussi face à la nature, à la paix sociale, à l’édification de la cité. Marie est belle lorsqu’elle dialogue avec l’ange. Qu’elle nous aide à l’être aussi dans toutes nos tâches humaines.
  • Si Marie assume toute son humanité, Dieu assume en elle toute la sainteté promise à ses enfants.
    C’est l’autre versant d’un même mystère, comme les deux faces d’une même pièce de monnaie. Dieu assume toute notre humanité en choisissant Marie. Il « prend tout ». Il assume tout, l’âme et le corps, l’esprit et le cœur, la vie intime et la vie publique. Tout est appelé à devenir saint. Et pour Marie qui lui a dit « oui », tout devient saint, pure, immaculé, dès sa conception. L’ange lui dit deux fois : « Comblée-de-grâce », « tu as trouvé grâce auprès de Dieu. »
    De même, pour que cela soit vrai pour chacun de nous, il nous faut dire aussi : Oui, Seigneur, « fiat mihi secundum verbum tuum »
  • peut-être pouvez-vous le dire en diola.
  • moi je le dis avec vous en français : « que tout m’advienne selon ta parole. »

Marie est belle, immaculée dès sa conception, jusque dans son assomption. Que Marie nous aide à dire comme elle ce ‘fiat’ afin que sa Parole qui est à l’œuvre dans nos vies, face advenir en nous cette sainteté à laquelle chacun de nous est appelé, dans notre âme, et notre corps aussi, dans nos esprits et nos sentiments, dans notre intimité et jusque dans nos relations sociales et publiques.

Mes amis, laissez-moi vous le redire : l’humanité est belle. Dieu l’a créée ainsi. C’est le mal du péché qui la défigure. L’humanité est belle, de sa conception jusqu’à sa mort et au-delà, dans l’éternité, l’espérance bien heureuse qui nous est promise. Dieu nous l’a montré en Jésus de Nazareth. En Marie sa mère, notre mère, il nous l’a prouvé.

Ainsi vous pourrez être fières de vos différentes cultures, vous et nous, non par sectarisme, ni pour les opposer, mais dans le dialogue. C’est là que s’exprime toute cette humanité tant aimé de Dieu. Apprenez toujours à mieux les connaître, la vôtre propre et celles des autres, pour y discerner ce qui est profondément beau, et y convertir aussi ce qui l’est moins. Ainsi, l’Évangile du Christ sera profondément enraciné sur cette terre de Casamance que vous m’avez appris à aimer. Amen.


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