Homélie du 8 septembre 2019 - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 9 septembre 2019

Homélie du 8 septembre 2019

Homélie pour l’Assemblée Diocésaine à Neuvizy réunissant les acteurs pastoraux en responsabilité, pour le lancement du nouveau projet diocésain “En route pour la mission”, le 8 septembre.

En découvrant les lectures prévues par la liturgie pour ce dimanche, j’ai eu, je le confesse devant vous, frères et sœurs, un moment de déception : « Voilà des paroles austères, un peu rudes à entendre, pour une messe d’envoi en mission ! », ai-je pensé. En proclamant : « Celui d’entre vous qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple », allons-nous vraiment appeler des hommes et des femmes à suivre le Christ, à se nourrir au moins de sa parole ? Ne risquons-nous pas de nous retrouver à quelques-uns, très convaincus assurément, sûrement une élite spirituelle, mais très peu nombreux ?

Pourtant, frères et sœurs, à y bien réfléchir, que nous demande le Seigneur Jésus ? A la première audition, cela paraît presque invraisemblable : « Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et ses sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple. » Nous avons passé la journée à tracer le portrait du disciple qui devient disciple missionnaire et à exposer les moyens dont nous disposons pour vivre ainsi, est-il raisonnable de conclure la journée en vous appelant à préférer Jésus à toutes vos affections les plus naturelles et légitimes, celles qui relèvent même d’un certain devoir moral. Mais pouvons-nous sérieusement penser que Jésus nous appelle à ne plus aimer notre mère, notre père, notre femme, nos enfants, nos frères ou nos sœurs, ou notre propre vie ? Bien sûr que non ! Il est le Créateur, il vient du Créateur, il ne vient certainement pas nous empêcher d’aimer ceux que nous devons aimer. Il vient en réalité nous entraîner à les aimer mieux. Le préférer, lui, n’aboutit pas à ne plus aimer, c’est-à-dire veiller sur ceux qui nous sont chers, les écouter, les servir, les entourer, mais tout au contraire à mieux le faire. Préférer Jésus, l’aimer en priorité, conduit à se laisser entraîner par lui dans un amour plus profond, plus réel, plus détaché de nous-mêmes. On peut aimer pour bien des raisons, on peut laisser s’installer bien des médiocrités, des égoïsmes, des peurs, des jalousies. Jésus, lui, vient nous rendre capables d’aimer selon la mesure de Dieu lui-même, non plus seulement à la mesure de nos affections et de nos sympathies, mais selon l’ampleur et la profondeur de la charité de Dieu.

Pourquoi Jésus s’exprime-t-il de manière si exigeante, qui nous effraie un peu et risque d’en rebuter plus d’un ? Parce qu’il s’est heurté et va se heurter encore davantage à la réticence des êtres humains à changer, à aller plus loin, à donner davantage. Nous courons toujours le risque de nous installer dans des relations qui nous suffisent, qui nous satisfont, et dans lesquelles nous ne voulons plus progresser. Or, il nous faut l’admettre : Jésus vient toujours pour nous entraîner plus loin, toujours pour nous en demander un peu plus, toujours surtout pour nous faire vivre autrement.

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En deuxième lecture, nous avons entendu le mot que saint Paul écrit à un baptisé nommé Philémon pour lui demander d’accueillir selon le Seigneur son esclave Onésime. Je suppose que tous, ici, vous connaissez Onésime. Notre diocèse, en effet, peut s’enorgueillir de compter parmi ses églises une église dédiée à saint Onésime, une des plus anciennes et des plus belles de notre région, à Donchery ! Onésime s’était enfui. A travers des péripéties que nous ignorons, il a rencontré Paul, et avec celui-ci, il a rencontré le Christ Jésus. Il a demandé le baptême que Paul lui a conféré. Paul donc n’exige rien de Philémon, mais tout de même, il ose lui faire entendre fortement qu’il devrait accueillir Philémon, non plus comme un esclave en fuite, mais comme un nouveau frère, promis comme lui à la vie éternelle, et que le Dieu vivant, le Dieu Trinité, lui demande d’aimer. Réalisons-nous, frères et sœurs, ce que l’Apôtre recommande ? Il ne prêche pas la révolte et moins encore la révolution, mais il appelle, au nom du Seigneur Jésus, à une transformation radicale des conditions de vie. Il ne sera, à terme, plus possible d’avoir des esclaves, puisque tout être humain est en puissance un fils ou une fille du Dieu vivant, un frère ou une sœur de Jésus-Christ, appelé à être temple de l’Esprit-Saint. Voilà, frères et sœurs, la plus grande transformation qui se puisse concevoir. A Philémon, il est demandé de préférer Jésus à tout autre réalité, pour qu’il puisse entrer dans une relation toute nouvelle avec celui qui était jusque-là son esclave et qu’il regardait comme un esclave. Voilà un bel exemple de la nouveauté exigeante et réjouissante à laquelle nous appelle le Seigneur Jésus.

Et nous, comment regardons-nous, chacun, nos parents, notre époux ou notre épouse, nos enfants, nos frères ou nos sœurs, nos voisins, ceux avec qui nous travaillons, ceux que nous croisons dans la rue, dans le train, dans nos villages ou nos villes ? Quel pas, quelle transformation dois-je consentir pour les regarder dans le Seigneur, pour que ma manière de relation avec chacun corresponde davantage à ce que Dieu Créateur a voulu dès l’origine et veut pour l’éternité et à ce que le Rédempteur rend possible, par le don de l’Esprit-Saint, dans l’élan apporté par le Christ Jésus ?

Frères et sœurs, autour de nous, beaucoup se sont détournés du Christ et du christianisme. Certains modèrent leur éloignement en expliquant qu’ils ont pris leurs distances à l’égard de l’Église, même s’ils veulent vivre du Christ Jésus. Soit. Mais nous, nous savons que nous avons besoin de Jésus, de jésus présent, vivant, parlant, agissant, pour qu’il nous entraîne plus loin, pour qu’il nous tire toujours de nos médiocrités et aussi pour qu’il nous relève patiemment lorsque nous chutons et renouvelle notre espérance que, malgré nos faiblesses et nos fautes, nous pouvons avancer vers la vie éternelle. Certains autour de nous ne veulent plus se marier, parce que le mariage serait trop formel : mais nous, nous savons que Jésus seul, parce qu’il nous permet de puiser dans son amour pour nous, offre aux époux de quoi rajeunir leur volonté d’aimer l’autre dans une vérité toujours plus grande, par-delà les désirs et les fatigues de la vie. Certains autour de nous estiment ne pas avoir besoin de la messe ou de rite pour vivre dans l’amour du prochain ; mais nous, nous savons que nous avons besoin de Jésus pour apprendre à aimer comme Dieu aime et espère que nous nous aimerons. Certains jugent que Jésus ne vient pas les aider à résoudre leurs problèmes, et c’est sans doute vrai, mais nous, nous savons que Jésus peut les fortifier et les renouveler de l’intérieur pour qu’aucun problème ne les désespère, pour qu’aucune difficulté ne les empêche de progresser de sorte que leur vie puisse être couronnée pour l’éternité.

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Alors, frères et sœurs, le projet pastoral qui vous a été présenté aujourd’hui et dont nous allons vivre pendant les années qui viennent est une manière pour nous de compter nos ressources et nos forces et de nous disposer pour suivre Jésus au mieux en nous laissant entraîner mais aussi fortifier, nourrir, réconforter par lui. Aujourd’hui, en quelque façon, nous nous sommes assis et nous avons réfléchi. Disons que ce dimanche est l’aboutissement de quelques sessions de ce genre. Nous voulons mener une guerre, non contre des ennemis de chair et de sang, mais contre notre défaitisme toujours possible et contre la désespérance qui ronge un bon nombre de nos concitoyens. Nous voulons bâtir une tour, pas la tour de Babel pour dominer le monde, mais une tour de guet pour voir le Seigneur venir en gloire et nous préparer à l’accueillir. Nos forces humaines et nos ressources matérielles et spirituelles sont limitées, comme toute chose ici-bas, mais elles existent. Nous les recevons avec reconnaissance ; comme autant de dons que le Seigneur nous a faits et nous fait toujours. Nous voulons les faire fructifier au mieux.

Ensemble, nous comprenons mieux qu’il est heureux que nous soyons disciples de Jésus et nous nous encourageons à l’être vraiment, devenant des disciples missionnaires. Nous laissons tout ce qui nous appartient, parce que Jésus ne vient pas nous en priver, il ne vient pas nous dépouiller, mais au contraire nous enrichir de tout lui-même et nous rendre capables de tout recevoir et de tout vivre, non plus sous l’horizon de la mort mais dans la grande espérance de la vie éternelle, pour nous et pour tous,

Amen.


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