Homélie du 7 janvier 2024, pour la solennité de l’Épiphanie du Seigneur - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 8 janvier 2024

Homélie du 7 janvier 2024, pour la solennité de l’Épiphanie du Seigneur

Homélie pour la solennité de l’Épiphanie du Seigneur, le dimanche 7 janvier 2024, en l’église Sainte-Macre de Fismes

« Ils regagnèrent leur pays par un autre chemin ». Frères et sœurs, la conclusion du récit que nous donne saint Matthieu de la visite des mages suggère que ceux-ci sont venus à Jésus par un chemin et repartis par un autre. Plus profondément, elle suggère que toute rencontre de Jésus nous fait repartir vers nous-mêmes « par un autre chemin », c’est-à-dire devenus autres, beaucoup ou un peu. Rencontrer Jésus ne peut être anodin. Rencontrer Jésus en vérité ne peut pas se limiter à recevoir de celui-ci la confirmation de ce que nous sommes déjà ; ce devrait être toujours, c’est toujours, être touchés intérieurement et repartir différents. Comment sommes-nous allés à Jésus ou, en d’autres termes, pourquoi sommes-nous chrétiens ? Grâce à nos parents ou à cause d’eux, ou grâce à nos grands-parents et à cause d’eux, dans la continuité de l’histoire de notre famille, ce que nous appelons la tradition, de par notre appartenance nationale ou ethnique, à travers différentes rencontres, par notre réflexion… L’histoire des mages nous suggère d’y ajouter les saintes Écritures écoutées, lues, méditées, le témoignage du peuple d’Israël, celui de l’Église, c’est-à-dire de la dilatation du peuple d’Israël à toutes les nations et encore un événement ou un signe extérieurs, comme l’étoile des mages, joints à une illumination intérieure, à un sentiment de nécessité. Comment en repartons-nous ? Comment repartons-nous après chacune des rencontres de Jésus que nous pouvons vivre ?

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Nous avons la grâce qu’aujourd’hui, au cœur de notre assemblée eucharistique, soient célébré le baptême de deux enfants. Ils sont présentés au Seigneur dans la foi de leurs parents et de leurs parrains et marraines. Frères et sœurs, vous qui portez ces enfants et demandez pour eux le baptême, vous les portez, au moins symboliquement, jusqu’à l’endroit où se trouve l’enfant, et c’est grâce à vous, portés par vous, qu’ils entreront dans la maison où ils verront l’enfant avec Marie, sa mère. Ils sont comme l’or, l’encens et la myrrhe des mages venus d’Orient. Vous les offrez à l’enfant de Bethléem. Qu’est-ce qui vous pousse dans cette démarche ? Une foi vive, la conviction que cet Enfant est Dieu venu jusqu’à nous pour libérer notre condition humaine de l’esclavage de la mort et du péché et l’ouvrir à l’amitié avec Dieu et à la communion avec tous ? Ou bien, un vague souvenir de votre enfance, une nostalgie de la fidélité des générations qui vous ont précédés ? Ou encore l’espérance que, pour eux, la lumière de l’étoile brillera toujours fortement et qu’ils trouveront dans les Ecritures bibliques et dans l’histoire de Jésus des encouragements, des explications, des exhortations qui les aideront à mener leur vie de belle et bonne manière ? Permettez-moi de vous prévenir : si vous approchez vraiment de cet Enfant de Bethléem, vous en serez transformés, et il faut s’en réjouir.

En fait, ce que nous célébrons aujourd’hui nous oblige à nous poser une question : qui est Dieu pour moi ? Ou, au moins, qu’est-ce que Dieu pour moi ? Un mot qui désigne une entité abstraite ? Un nom vague pour désigner quelque chose que je ne sais pas définir ? Qui est mon dieu, le seigneur de mon existence ? A qui, à quoi, suis-je prêt à consacrer le meilleur de ce que je possède, le meilleur de mon argent (c’est l’or), de mes pensées (c’est l’encens), de mon temps (c’est la myrrhe). Ma famille, mon sport, mon corps, mon travail, mes parents, mes enfants, mon plaisir, telle vedette, tel influenceur ou telle influenceuse, mes loisirs, telle passion ? On peut se poser la question théoriquement, mais que veut dire définir Dieu ? On peut se la poser pratiquement : qu’est-ce que j’attends de celui que j’appelle Dieu ou de ce que je considère pratiquement comme le dieu de ma vie ? La sécurité, la richesse, le bonheur, l’exaltation de moi-même ?

Les mages venus d’Orient ont une idée à la fois moins définie et plus précise : le roi des Juifs devant lequel ils sont prêts à se prosterner et auprès de qui ils sont prêts à laisser ce qu’ils portent de plus précieux, sûrs de recevoir bien mieux en retour. Pourtant, lorsqu’ils entrent dans le lieu que leur a désigné l’étoile, que peuvent-ils attendre ? Ils ne se trouvent pas devant un palais de roi, ils ne trouvent pas de grands trésors, ils ne reçoivent pas de grands honneurs. Ils offrent, eux, ce qu’ils ont de meilleur, mais avec quoi repartent-ils, fuyant la mauvaise ruse d’Hérode ?

Ils n’ont trouvé qu’un enfant, assez pauvre, avec sa mère, et ils l’ont adoré. QU’ont-ils vu, qu’ont-ils compris ? Saint Paul, scrutant les Écritures d’Israël à l’instar des grands-prêtres et des scribes de Jérusalem, nous dit que Dieu est celui qui associe toutes les nations, c’est-à-dire tous les humains dans le même héritage, le même corps, le parage de la même promesse. Jésus, l’Enfant de Bethléem, est Dieu né de Dieu, venu précisément pour cela : pour que tous les humains reçoivent part aux promesses faites à Israël. Dieu, le Dieu vivant est celui qui s’abaisse jusqu’à être un petit enfant avec sa mère, mais pour nous apprendre à devenir dieux comme lui. Non pas dans la force, dans la richesse, dans les prestiges de l’intelligence et du savoir, mais à travers tout cela ou sans rien de tout cela, peu importe en fait, dans la capacité d’aimer en nous donnant pour autrui et à autrui et de nous laisser aimer. Les mages repartent par un autre chemin pour éviter Hérode sans doute, mais aussi parce qu’ils repartent, ayant découvert au moins confusément que Dieu se donne et nous apprend à nous donner les uns aux autres et à nous recevoir sans nous prendre.

Parents, parrains et marraines, ce qui vous conduit aujourd’hui à demander le baptême pour vos enfants est l’amour que vous avez pour eux. Vous souhaitez pour eux le meilleur. Mais ce meilleur n’est pas ce que vous, vous pouvez leur donner, mais ce que Dieu, en Jésus et par Jésus, peut faire en eux. Ce meilleur, c’est votre amour sans doute, mais votre amour purifié, décapé, renouvelé par Dieu lui-même en Jésus. Le meilleur, c’est plus encore l’amour dont ils sont aimés de Dieu qui les aime au point de les choisir en Jésus à travers vous pour qu’ils soient ses fils pour l’éternité. En présentant vos enfants au baptême, vous acceptez, parents, qu’ils ne soient pas seulement ni d’abord vos enfants, mais des fils du Père, des frères de Jésus. Vous acceptez qu’ils ne soient pas nés pour votre joie seulement, mais pour le bien de l’humanité entière et pour la gloire de Dieu, notre Créateur, pour recevoir ce que Dieu seul peut donner. Laissez Jésus s’approcher d’eux désormais, en leur permettant de le connaître par le catéchisme, les sacrements, l’eucharistie de la messe dominicale, la rencontre d’autres chrétiens, la vie de l’Église, le service des autres, le partage avec tous. Laissez Jésus les intégrer progressivement dans son Corps qui est fait pour intégrer les humains de toutes cultures et de toutes origines. Laissez Jésus leur apprendre à vous aimer mais comme Dieu aime, à s’aimer mais comme Dieu aime, à aimer tout être humain, mais comme Dieu aime, comme des frères et des sœurs à aimer pour l’éternité. Laissez Jésus leur apprendre à transformer leurs gestes spontanés pour qu’ils deviennent au long de leur vie et de plus en plus des gestes de charité, non des gestes pour capter et posséder, mais pour recevoir avec action de grâce et partager avec générosité.

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Frères et sœurs, que les enfants baptisés en ce jour nous rappellent notre propre baptême, l’immense dignité qu’il nous confère, l’immense responsabilité dans laquelle il nous a introduits. Nous pouvons être une étoile pour les mages qui nous entourent, c’est-à-dire celles et ceux qui cherchent le bien, le vrai, le beau, ceux et celles qui aspirent à ce que leur vie soit bonne et porte du fruit, ceux et celles qui ne cherchent pas tant à posséder qu’à partager. Puissent les deux baptêmes et l’Eucharistie que nous allons célébrer renforcer notre joie d’aller à Jésus et de revenir ensuite à nous « par un autre chemin », de plus en plus, de mieux en mieux, non plus notre chemin à chacun vers soi-même mais le chemin de Jésus jusqu’à nous, lui qui nous conduit vers le Père,                                                           

   Amen.


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