Homélie du 29 mars 2024, pour la célébration de la Passion du Seigneur - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 2 avril 2024

Homélie du 29 mars 2024, pour la célébration de la Passion du Seigneur

Homélie pour la célébration de la Passion du Seigneur, le 29 mars 2024, Vendredi-Saint, en l’église Saint-Jacques à Reims

La Passion selon saint Marc, proclamée dimanche, dimanche des Rameaux et de la Passion, s’ouvrait par le récit de l’onction à Béthanie, du geste d’une femme, anonyme chez Marc, venue verser un parfum précieux sur les pieds de Jésus et les essuyer avec ses cheveux. Cet épisode nous engageait à tourner notre attention vers Jésus lui-même, vers son humanité sainte, à nous intéresser à lui, tout spécialement en ces jours. Ce soir, la Passion selon saint Jean nous conduit à approfondir et élargir notre regard, notre attention. Qui est Jésus, qui est ce Jésus, autour de qui et pour qui nous nous réunissons ? Que fait-il de nous, aussi, que dévoile-t-il en nous ?

Le récit de l’évangéliste saint Jean insiste sur le procès de Jésus. Qui est cet homme ? Qu’ose-t-il dire de lui-même et nous, que pouvons-nous en dire ? Les grands prêtres et Pilate, celui-ci plus que ceux-là, s’interrogent. A vrai dire, Caïphe a son siège fait : « Il vaut mieux qu’un seul homme meure pour le peuple ». Puisque ce séditieux en qui certains voient le roi d’Israël risque de provoquer une répression de la part des Romains, mieux vaut qu’il meure sans attendre. Saint Jean, au contraire des autres évangélistes, ne détaille guère ce que Caïphe ou Hanne, le beau-père de Caïphe, demandent à Jésus. Il se concentre sur Pilate qui, lui, pose des questions : « Alors, tu es roi ? ».

En fait, tous ont une compréhension de Jésus en termes politiques. Jésus, lui, décale totalement la question : « C’est toi-même qui dis que je suis roi. Moi, je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Quiconque appartient à la vérité écoute ma voix. » Nous connaissons tous la réaction de Pilate : « Qu’est-ce que la vérité ? »

Qu’est-ce que la vérité, justement ? La vérité à laquelle Jésus rend témoignage est que Dieu est bon, Dieu est bonté. Le Fils éternel, l’unique engendré, le dit et nous le partage et il veut l’exprimer sous nos yeux jusqu’au bout. Le Père veut que vive autrui, et le Fils en rend témoignage, refusant de prendre la vie de quiconque. La vérité est aussi que nous, nous tous, tous et chacune et chacun, nous sommes pécheurs, c’est-à-dire que nous nous dérobons à l’œuvre de Dieu ou que nous tâchons de la confisquer à notre profit. La croix dit la bonté de Dieu et son amour radical qui s’exprime en notre condition humaine au prix de sa vie à lui, Jésus, le Fils envoyé et donné, livré aux mains des hommes ; elle dit aussi notre péché et que tout péché est porteur de mort, nous rend complices des forces de la mort. Mais nous dire pécheurs signifie aussi que nous ne sommes pas que cela, que nous ne sommes pas seulement mauvais au fond de notre être, que notre vérité la plus profonde, la plus vraie, est tout autre chose. Le récit de la Passion selon saint Jean ne rapporte guère que ceux qui ont vu Jésus en croix se soient moqués de lui ou aient chercher à l’humilier plus encore. La vérité dont Jésus témoigne ne nous coupe pas de lui ; elle ouvre un chemin au contraire par lequel nous pouvons le rejoindre ou nous laisser rejoindre par lui : « Quiconque appartient à la vérité écoute ma voix. » La voix du Dieu bon peut nous rejoindre et faire vibrer en nous la fibre profonde de notre âme. Elle peut éveiller en nous des harmonies que nous n’osions pas y trouver. Accepter de se reconnaître pécheur, c’est se préparer à recevoir le pardon. Jésus, sur la croix, nous mesure tous, et c’est pour nous rendre vivants davantage.

La lettre aux Hébreux essaie de dire ce mystère en d’autres termes. Non plus celui de la vérité mais celui du grand prêtre. Saint Jean le fait aussi, sans trop le dire : lorsque, nous faisant contempler Jésus mort, il cite les Écritures : « Aucun de ses os ne sera brisé », comme pour l’agneau du sacrifice, ou : « Ils lèveront les yeux vers celui qu’ils ont transpercé », et qu’il mentionne le côté percé d’où sortent l’eau et le sang. Jésus s’avance, seul, mais pour nous tous, en nous portant en lui et en nous ouvrant un chemin sur lequel nous puissions le rejoindre. Il est le Fils consubstantiel au Père, unique engendré, Dieu né de Dieu et, précisément en cela, parce qu’il est cela, il a pris, sans se perdre mais radicalement, notre condition humaine, il est « venu » en notre chair, pour que nous puissions approcher de lui sans trop de difficulté. Ce qu’il fait seul, parce que lui seul peut le faire, il le fait pour nous, à notre place et aussi en nous gardant une place avec lui. Lui s’abaisse, lui s’avance en souffrant d’être rejeté et refusé, mais il nous appelle à le rejoindre, même de loin, sur son chemin qui est chemin de liberté, d’amour et de vie pour nous. L’apôtre peut nous exhorter : « Avançons-nous donc avec assurance vers le Trône de la grâce, pour obtenir miséricorde et recevoir, en temps voulu, la grâce de son secours. »

Frères et sœurs, Jésus n’est pas venu pour fonder un royaume, et certainement pas un royaume qui concurrence les royautés de ce monde. Il est venu pourtant atteindre tous les humains et les unir d’une union plus forte que tout lien terrestre. Il n’est pas venu réunir les humains par la contrainte, la fatalité ou la nécessité. Il est venu pour dévoiler la vérité de notre âme, le fond de notre être, mettre au jour ce qu’il y a en nous de porteur de mort mais aussi nous remettre en possession du fond meilleur qui vit en nous, qui vient du Père et nous dispose à lui. Il vient pourtant pour nous unir à lui et nous entraîner avec lui comme aucune force terrestre ne le peut ni ne le doit. L’Église est faite de toutes celles et de tous ceux qui consentent à ce que sa croix dise leur vérité ou à ce que le Crucifié soit la mesure de la vérité de leur vie.

Contemplons-le, ce Jésus, en sa Passion. Qu’il soit notre Jésus, qu’il soit notre Seigneur, notre Grand Prêtre, celui que nous laissons orienter nos pensées et nos actes.

Nous allons élargir notre prière et notre supplication à toute l’Église, ceux qui s’en réclament déjà et tâchent de la faire vivre et ceux et celles qui s’en approchent de loin ou que l’Église regarde fraternellement parce qu’elle pressent en eux la proximité de sa Tête, le Grand Prêtre. Ensuite nous adorerons la croix, parce qu’elle est pour nous l’arbre de vie, celui sur qui tout a été accompli, de sorte que nous puissions apprendre à vivre et à aimer, en vérité. Pour toute l’humanité qui nous entoure et à laquelle nous appartenons, à la place de beaucoup et en leur nom, nous adorons la croix qui promet notre unité en Dieu,

                                                                                                                                                    Amen.


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