Homélie du 25 février 2024, pour le 2ème dimanche de Carême - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 27 février 2024

Homélie du 25 février 2024, pour le 2ème dimanche de Carême

Homélie pour le 2ème dimanche du Carême, année B, le 25 février 2024, en l’église Saint-Thomas, à Reims

« Jésus prit avec lui Pierre, Jacques et Jean, et les emmena, eux seuls, à l’écart sur une haute montagne ». Pouvons-nous comprendre cela, frères et sœurs ? Ce matin, Jésus nous prend avec lui, avec Pierre et Jacques et Jean, nous seuls qui sommes rassemblés ici et ailleurs pour participer à la messe, pris parmi tous les autres humains de façon générale et pris, plus spécifiquement, parmi celles et ceux qui se veulent disciples de Jésus mais qui ne sont pas sortis ce matin pour participer au rassemblement eucharistique. Nous sommes là, sans doute, grâce à notre bonne volonté et même notre volonté bonne, mais plus profondément, plus justement, nous sommes là parce que Jésus nous a pris avec lui et nous entraîne, nous qu’il a choisi, vers le sommet de la haute montagne. Si nombreux soyons-nous, c’est seuls que nous sommes là, chacun choisi pour lui-même. A nous très particulièrement s’agrègent les catéchumènes désormais appelés pour avoir part avec nous et qui se préparent intensément en ces jours à la gloire de Pâques. Déjà, ici, aujourd’hui, comme chaque dimanche, nous contemplons la gloire de Jésus. Dans la semaine, dans le cours ordinaire de nos vies, Jésus peut nous paraître impalpable, imperceptible ; au milieu de l’agitation et du tumulte du monde contemporain, l’efficacité du Seigneur ne se fait apparemment guère sentir ; nous souffrons parfois de ce qu’il soit comme insignifiant face aux forces politiques, économiques, culturelles du monde. Mais, le dimanche, « à l’écart » dans l’église, sa gloire apparaît à nos regards davantage. Pour certains et certains jours, pendant la Messe, la gloire de Jésus est comme évidente ; à d’autres elle demeure encore voilée, ils ne parviennent pas à la voir. En tout cas, ensemble, nous découvrons dans ce récit la même progression qu’en toute célébration eucharistique.

D’abord, nous voyons Moïse et Élie s’entretenir avec Jésus, nous les entendons en tout cas dans la liturgie de la Parole, lorsque la Loi, la Torah, c’est-à-dire l’histoire du peuple d’Israël inauguré par Abraham et conduit par Moïse, et les Prophètes, c’est-à-dire ceux qui, à la suite d’Élie, interprètent les Écritures pour dire qu’elles s’accomplissent de générations en générations, dialoguent avec l’Évangile, le quadruple récit de Jésus. Ainsi en va-t-il dans la liturgie de la Parole où les Écritures saintes d’Israël, la Loi et les Prophètes, et les écrits des apôtres se répondent pour nous préparer à entendre l’Évangile de Jésus.

Ensuite, que se passe-t-il ? Sur la montagne, ce jour- là, Jésus manifesta sa gloire à ses disciples choisis mais pour rester ensuite, « seul, avec eux », et il redescendit avec eux vers les autres et vers le monde, vers sa Passion qu’à ce moment du récit évangélique il a commencé à annoncer. Jésus doit consentir à faire comme Moïse qui a choisi de redescendre s’occuper du peuple livré au veau d’or, Élie a dû accepter de repartir vers le peuple dont l’idolâtrie le fatiguait pour aller à la rencontre des quelques-uns qui restaient fidèles, cachés dans la masse. Ce n’est pas par la manifestation de sa gloire que Jésus va rejoindre les humains abîmés par le péché et soumis à la détresse, plus exactement pas par une manifestation glorieuse qui couperait toute velléité humaine de contestation ; ce sera par le don de sa vie consenti jusqu’au bout, le don de lui-même, lui le Fils bien-aimé acceptant d’être livré aux mains des pécheurs et pour le bien des pécheurs. Sa gloire, il ne recevra que dans la Résurrection, après être entré pour de vrai dans la mort, après avoir paru être vaincu par les forces de refus agissant en ce monde et dans le cœur des humains, et ce sera une gloire qui ne sera perceptible que par la foi et dans la foi, la gloire la plus vraie en réalité.

La réaction de Pierre nous prépare à ne pas être nous non plus à la hauteur de ce que nous vivons. L’évangéliste nous précise que Pierre ne sait que dire devant ce qu’il voit. Il propose de construire trois tentes, une pour chacun des interlocuteurs glorieux. Mais il n’est question pour aucun d’eux de s’établir durablement sur le sommet de la montagne. La nuée vient recouvrir les trois disciples, elle annonce la venue de l’Esprit-Saint. Ils auront, eux, à édifier ensemble et avec tous les autres le temple nouveau de la présence de Dieu, de Dieu ayant assumé et dépassé en Jésus la résistance des libertés humaines.

Nous vivons cela, dans chaque Eucharistie. Là, frères et sœurs, sous le signe si modeste du pain et du vin, du pain offert et rompu, du vin versé dans la coupe et offert, Jésus se donne à nous dans le cours de notre vie terrestre, en son corps et son âme, en son humanité et sa divinité, il fait de ce pain et de ce vin son Corps livré et son Sang répandu, devenant nourriture et boisson de notre liberté pour que nous formions toujours plus réellement son Corps total, unis à lui qui est la tête dont nous sommes les membres. En chaque messe, surtout dominicale, du dimanche, nous montons sur la montagne, choisis et appelés par Jésus ; nous contemplons sa gloire dans la proclamation de l’Ancien et du Nouveau Testaments et surtout de son Évangile, et nous sommes entraînés dans son mouvement d’obéissance au Père et d’offrande en notre faveur, pour redescendre avec lui, repartir vers nos frères et sœurs en humanité et vers la création entière afin d’y vivre de la vie nouvelle reçue de lui.

Déjà, Dieu faisait percevoir cela en Abraham. Nous avons entendu en première lecture le récit de ce que nous appelons le « sacrifice d’Abraham » et que les Juifs nomment « la ligature d’Isaac ». Nous pouvons être surpris que Dieu commande à son ami un acte aussi terrible qui ferait de lui un assassin. Mais le sens du récit est double : premièrement, il est que Dieu ne veut pas de tels sacrifices et cette leçon est importante à l’échelle de l’histoire où il est arrivé de bien des manières que les humains sacrifient leurs enfants pour obtenir quelque chose qui leur paraissait vital pour eux et leur survie. Sommes-nous certains qu’une telle attitude ne se produit plus, peut-être pas sous la forme d’un meurtre direct mais selon une logique similaire ? et deuxièmement, ce récit nous montre une réalité capitale. Il aboutit dans une promesse magnifique : « Puisque tu as écouté ma voix, toutes les nations de la terre s’adresseront l’une à l’autre la bénédiction par le nom de ta descendance. » Abraham doit accepter que son fils, « son unique, celui qu’il aime », ne soit pas pour lui, pour être sa propriété exclusive, mais pour être bénédiction pour les nations, pour l’humanité entière. Voilà, frères et sœurs, ce que nous avons à être, voilà ce que Jésus nous apprend et nous donne d’être et de devenir : non pas des êtres préoccupés de leur survie, mais des hommes et des femmes par le nom de qui les autres puissent bénir le Dieu créateur. Nous n’avons pas la prétention de l’être par nous-mêmes, par nos vertus, nos compétences, nos qualités. Nous savons que nos cœurs sont pleins de choses complexes et même de choses compliquées. Nous savons qu’il y a en nous du ténébreux, plus ou moins maîtrisé. Mais nous recevons de Jésus ce que nous ne pouvons nous donner à nous-mêmes. Il est, lui, le Fils unique, le Fils bien-aimé, que Dieu le Père, selon la formule de saint Paul, n’a pas épargné. Dieu, lui, a livré son Fils pour nous, et le Fils qui se reçoit entièrement du Père s’est livré volontiers, il a renoncé à sa gloire pour se faire notre frère et pour être dit en vérité notre frère, sans honte aucune. Il descend de la montagne pour nous rejoindre tous et  se remettre entre nos mains, confier sa parole à notre intelligence et notre volonté pour que nous la mettions en œuvre, remettre son corps et son sang livré et versé entre nos mains pour que nous y puisions lumière et force.

Alors, frères et sœurs, vous, baptisés de longue date, et vous catéchumènes qui vous préparez au baptême, suivez Jésus sur la montagne. Laissez-vous entraîner par lui. N’ayez pas peur de voir sa gloire et de le suivre dans son abaissement pour avoir part à sa résurrection. En lui, le Père a manifesté une fois pour toutes qu’il était pour nous. Il met tout en œuvre pour que nous soyons ses enfants et le soyons en vérité, il met tout en œuvre pour que nous menions le bon combat et y soyons victorieux au bout du compte. Ne nous laissons pas décourager par nos médiocrités. Ne nous laissons non plus troubler par l’agitation du monde. Ne nous laissons pas détourner par ceux qui voudraient nous persuader que nous n’aurons pas la force ni le courage de suivre Jésus dans sa sainteté. « Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? » « Le Christ Jésus est mort ; bien plus, il est ressuscité, il est à la droite de Dieu, il intercède pour nous. » C’est lui que nous avons à écouter ; c’est à lui que nous avons à obéir pour que notre vie soit une source de bénédictions pour tous, pour que nos vies limitées, nos « vies minuscules » comptent pour la destinée entière de l’humanité,                                Amen.


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