Homélie du 25 et 26 mai 2024, pour la solennité de la sainte Trinité - L'Eglise Catholique à Reims et dans les Ardennes

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Publié le 31 mai 2024

Homélie du 25 et 26 mai 2024, pour la solennité de la sainte Trinité

Homélie pour la solennité de la sainte Trinité, année B, le samedi 25 mai en l’abbatiale de Mouzon et le dimanche 26 mai en l’église Saint-Maurice de Reims, mission Ad Altum étudiants et jeunes professionnels

Frères et sœurs, fêter, célébrer le Dieu Trinité devrait nous remplir d’une joie profonde. A vrai dire, le pas le plus important que les chrétiens puissent avoir à franchir aujourd’hui est sans doute d’apprendre à mieux contempler Dieu comme Trinité, à y trouver davantage un espace, un souffle, une source de vie. La foi chrétienne n’est rien sans la foi en Dieu Trinité, l’espérance chrétienne n’est rien sans l’aspiration par le Dieu Trinité et vers le Dieu Trinité, la charité chrétienne n’est rien qu’un humanisme teinté de religion si elle n’est pas enracinée dans la vie intime de Dieu qui est Trinité.

Car nous ne nous contentons pas de dire que Dieu est Père et Fils et Saint-Esprit comme on émettrait une opinion qui peut se confronter à d’autres options. Nous confessons que le Dieu vivant est Père et Fils et Saint-Esprit, nous le reconnaissons avec la liberté et la force et la joie de la foi, nous y puisons énergie et ardeur et réconfort pour notre vie la plus quotidienne comme pour nos actions les plus engageantes. Du moins, devrions-nous le sentir ainsi ; du moins beaucoup serait différent et dans nos vies et dans le témoignage que nous rendons si nous le sentions ainsi. Trop facilement, parler de Dieu Trinité, évoquer le Père et le Fils et le Saint-Esprit nous paraît énoncer un rébus indéchiffrable alors qu’il s’agit de proclamer ce que vivre ou être. Vivre n’est pas être là ; vivre, c’est donner et se recevoir. Être n’est pas s’imposer aux autres, c’est se recevoir de quelqu’un et lui retourner tout en action de grâce. L’être et la vie sont avant tout relations, mouvement, échange, élan, embrassement et alliance, pas l’un vers l’autre et pas l’un avec l’autre, comme des pas de danse. Le Père engendre, le Fils est engendré, l’Esprit-Saint est soufflé dans un souffle échangé. Nous-mêmes et tous les êtres sommes inscrits dans l’échange entre celui qui engendre et celui qui est engendré et nous participons à la fécondité de cet échange qui est l’Esprit qui en jaillit. Mesurons cela, frères et sœurs : ce qui fait la force et la beauté et la bonté d’un être n’est pas qu’il soit ce qu’il est d’abord, mais qu’il se reçoit de plus grand que lui et qu’il donne ce qui vient de plus loin que lui. Être créatures de Dieu ne signifie pas avant tout être faibles, incertains dans l’être, fragiles, menacés par le manque et par la mort. Cela signifie avant tout venir de Dieu qui est bonté et se recevoir sans cesse, en toutes les circonstances de nos vies, de lui pour mieux pouvoir partager ce que nous sommes avec les autres, ceux et celles qu’il met sur notre route.

Nous avons entendu, dans la finale de l’évangile selon saint Matthieu, la première mention de Dieu Père et Fils et Saint-Esprit. Il s’agit d’un nom. Il est donné par Jésus ressuscité. Il est allé au bout de l’obéissance, de l’engagement en notre faveur en consentant à mourir, en se remettant entièrement, sans reste, à la puissance du Père. Et le Père l’a tiré de la mort, et le Père a fait du Crucifié par amour le porteur d’un principe de vie nouveau pour l’humanité entière. Nous avons entendu l’ordre du Seigneur : « Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit ». « Baptisez-les » : avant d’être l’application d’une célébration à chaque personne individuelle, il s’agit d’un plongeon, il s’agit de plonger toutes les nations, c’est-à-dire les humains dans leur immense diversité dans un bain nouveau, dans l’espace infini du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Il ne s’agit pas d’abord d’un discours, d’une explication, d’une description de Dieu, mais d’un échange éternel dans lequel nous les humains pouvons être placés et dans lequel seulement nous trouvons notre espace à nous. Pour respirer pleinement nous n’avons pas besoin seulement d’air pur : nous avons besoin d’être placés au cœur de l’échange éternel entre le Père et le Fils d’où jaillit l’Esprit-Saint avec sa fécondité ; pour respirer pleinement, nous n’avons pas besoin seulement d’air purifié, filtré, pour éviter toute pollution, mais nous avons besoin plus encore d’être pris dans l’amour total, dans l’échange de tout leur être entre le Père et le Fils, dans le don réciproque qu’ils sont l’un pour l’autre et de la richesse duquel sort l’Esprit-Saint.

Frères et sœurs, les mots manquent pour dire adéquatement ce que nous appelons le mystère de la Trinité. Surtout, les mots manquent pour faire vivre l’expérience d’être plongés en elle, d’être accueillis dans l’espace intérieur infini du Dieu vivant qui se déploie dans l’unité et la distinction du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Mais nous savons bien, nous, ce que nous désigne Jésus lorsqu’il nous dit à propos des nations : « Apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé ». Aimer Dieu, aimer son prochain, faire la volonté du Père, garder les commandements, servir plutôt que chercher à être servi… tout cela nous inscrit dans la suite de celui qui veut seulement être le Fils obéissant au Père et sûr que le Père ne cherche pas à le capter mais lui donne au contraire tout ce qu’il est. Ces commandements ne sont pas simplement des ordres ou des préceptes. Ils nous mettent sur le chemin d’une manière de vivre dans le vaste espace de la vie de Dieu, comme à l’intérieur de l’écart qui n’en est pas un entre le Père et le Fils et le Saint-Esprit. Nos relations modestes, dans la famille, entre voisins, dans l’Église, y prennent une dimension immense. A travers elles passe la relation éternelle entre le Père et le Fils et le Saint-Esprit, ou alors nous vivons tout autre chose avec ce que nous sommes capables de mettre de peur, de méfiance, de volonté de domination et de prédation. Nous entendons cela lorsque nous entendons saint Paul nous dire que nous avons « reçu un Esprit qui fait de nous des fils » « en qui nous crions ‘’Abba ! ‘’, c’est-à-dire : Père ! ». Alors, nous pouvons comprendre que nous sommes envoyés, à la suite des apôtres : « Allez ! », vers celles et ceux qui nous entourent. Envoyés par leur apprendre, par notre exemple plus que par nos leçons de morale, ce que veut dire vivre dans l’espace du Dieu Trinité. Non pas seulement appliquer des préceptes mais s’ouvrir, en toute relation, à la relation qui nous précède tous et nous donne d’être, mieux que toute autre. Nous pressentons qu’il y a là une souffrance à porter comme saint Paul nous en avertit : « héritiers avec lui », le Christ, « si du moins nous souffrons avec lui pour être avec lui dans la gloire ». C’est que vivre dans cet espace du Dieu vivant exige de nous que nous vivions un peu ou beaucoup autrement que dans l’espace du monde que nous construisons par nous-mêmes ou qui se construit autour de nous. Toujours, il y a  et il y aura une part d’arrachement, jusqu’à l’heure de notre mort où il faudra tout laisser pour tout retrouver.

Frères et sœurs, en ce dimanche, demandons la grâce d’avoir le goût de Dieu et l’audace de le chercher vraiment. Ne vivons pas notre vie comme une morale seulement, ni comme une doctrine, mais laissons-nous habiter par le Dieu vivant qui nous offre tout l’espace de ses relations intérieures pour que nous nous y déployons. Moïse le disait déjà, il y a fort longtemps, dans le livre du Deutéronome. Le Dieu d’Israël se manifeste au plus près de nous. Seulement, pour nous, il ne s’entoure que rarement de « signes, de prodiges et de combats » ou « d’exploits terrifiants ». Il s’est dévoilé totalement, ouvert totalement , sur la croix, dans la relation entre Jésus crucifié et le Père qui consent à ce sacrifice pour notre vie à nous. Depuis la Résurrection, l’espace du Dieu Trinité, Père et Fils et Saint-Esprit est ouvert à nous pour que nous osions regarder le Père comme notre Père, le Fils comme notre frère et l’Esprit comme celui qui, du plus intime de nous-mêmes, nous fait agir comme des fils et des filles, comme des frères et des sœurs,                                                         


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